« Hi, bonjour, Samu du Liban, Marhaba ». Georgette, l’assistante de régulation médicale, salue dans les trois langues. Au Liban, on a l’habitude du mélange linguistique. Sur son écran d’ordinateur, tandis que la caméra démarre et que le dossier du patient s’ouvre, on discerne un père inquiet pour sa fille d’à peine deux ans dont la fièvre monte malgré le paracétamol administré. « S’est-elle hydratée régulièrement aujourd’hui ? », s’enquiert le médecin de l’équipe à qui l’appel - jugé sérieux - a été transféré. L’homme, qui rentre de sa journée au travail, n’en sait trop rien mais l'enfant semble mal respirer sur l'écran. « Mieux vaut ne pas attendre et aller faire un radio du thorax à l’hôpital », conseille l’urgentiste.
Un modèle français
Bienvenue au Samu du Liban. Ce service d’aide médicale urgente, bien connu des Français, est en train d’être adapté au Liban. Trois franco-libanais aux carrières de secouriste et de médecin urgentiste bien remplies ont en effet eu l’idée de développer un dispositif relativement similaire : depuis trois mois, le dispositif Made in Lebanon est accessible par téléphone, mais également grâce à une application sur smartphone, qui permet entre autres une consultation en visioconférence. « En matière d’urgence médicale, un signalement précoce et une réponse rapide sont primordiaux », résume l’ancien médecin urgentiste du Samu de Paris, Dany Raad, qui a fondé avec Nabil Maatouk et Hassib Lahoud le Samu du Liban.
Ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept, il compte déjà une vingtaine d’infirmiers et de médecins urgentistes, tous formés auprès de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), du Centre de formation d’assistant de régulation médicale (CFARM) de Paris ainsi que du Samu 75, avec lesquels les trois fondateurs ont signé un accord pour l’apprentissage en continu de leurs équipes.
Comme son équivalent français, l’équipe libanaise identifie la nature de l’urgence, oriente au mieux le patient et diligente, au besoin, l’intervention la plus appropriée. « Le principe, c’est que si un problème de santé ne relève pas des urgences, cela ne sert à rien de se rendre à l’hôpital. Or, au Liban, faute d’un système de soins primaires réactif, c’est le réflexe de presque tout le monde. En réalité, on est mieux pris en charge si quelqu’un vous oriente de prime abord. C’est tout l’enjeu de la régulation médicale : permettre un diagnostic de santé immédiat », analyse Dany Raad, qui est aujourd’hui directeur médical de la jeune SARL.
Un plan de développement ambitieux
Le Samu du Liban ne dispose pas encore d’ambulances et gère donc avec la Croix Rouge ainsi que la Défense Civile libanaises la prise en charge, sur place, des cas les plus lourds. « L’acquisition d’une flotte de véhicules doit intervenir plus tard », justifie Nabil Maatouk, le directeur général de l’entreprise. Lancé en fonds propres, le dispositif a déjà attiré plusieurs grosses entreprises libanaises à l’image d’une compagnie d’assurance santé, pour laquelle il est un important outil de fidélisation de ses adhérents. Une station de ski du centre du pays y a également souscrit pour mieux garantir la sécurité sur ses pistes cet hiver. « On mise aussi sur la diaspora libanaise : dans certains pays où les libanais sont implantés le système de santé n’est pas suffisamment développé. Dans ce cas, nous sommes un recours rassurant de même que lorsque des parents âgés sont restés seuls au pays », ajoute-t-il.
Un service privé
Car à la différence du 15 français, le dispositif libanais n’est pas un service public gratuit : il est réservé à ceux qui souscrivent un abonnement fixé à 18 dollars l’année. Un tarif relativement bas, mais qui, dans le contexte de crise économique que traverse le Liban (le salaire minimum mensuel est aujourd’hui l’équivalent d’une vingtaine de dollars contre 650 dollars avant l’effondrement de 2019 du fait de la dévaluation de la monnaie nationale) risque de renforcer les inégalités d’accès aux soins. « En filtrant cependant les vraies urgences et en réorientant les autres, on baisse d’une part la pression sur le secteur hospitalier et, d’autre part, on permet aux familles d’économiser sur leurs dépenses de santé », veut croire Nabil Maatouk. Les médecins du Samu du Liban peuvent d’ailleurs prescrire des traitements disponibles en vente libre dans les pharmacies. « Nous ne voulons pas remplacer les médecins, mais renforcer la médecine d’urgence préhospitalière au Liban », conclut-il.
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