« Dès 2009, nous avions fondé, avec l’ensemble des pneumologues du CHU de Tours et du département ainsi que des kinésithérapeutes spécialisés dans la réhabilitation et l’éducation thérapeutique dans les pathologies respiratoires, l’Espace du souffle, un lieu de rencontre avec les associations de patients qui intégrait notamment une école de l’asthme. Mais, malgré l'implication des pneumologues et l’investissement d'une infirmière diplômée en éducation thérapeutique du patient (ETP), peu de malades venaient dans cette structure », se souvient le Dr Jean-Philippe Maffre.
« Parallèlement, la Dr Véronique Dérogis, urgentiste au CHU, m’avait à plusieurs reprises sollicité pour recevoir, dans un délai de quelques jours, les patients qu’elle avait vus aux urgences pour une crise d'asthme. Mais, là aussi, les résultats ont été décevants, puisque la plupart des patients ne venaient pas à ce rendez-vous, sans doute par méconnaissance du caractère chronique de leur maladie. Lors d’une conférence du Dr Sergio Salmeron, sur l’asthme et les urgences, la discussion entre pneumologues, urgentistes et infirmiers des urgences a fait germer cette idée d’instaurer une approche motivationnelle courte aux urgences », poursuit le Dr Maffre.
Une méconnaissance du caractère chronique de la maladie
Un déclic… Infirmiers et aides-soignants ont été formés pour replacer la crise d’asthme dans le cadre d’une maladie chronique, différents outils ont été construits, dont un questionnaire, auquel le patient répond au sein même des urgences, qui permet d’évaluer ses connaissances sur la maladie, son caractère chronique, son traitement de fond.
Selon les données colligées sur une cohorte de 240 patients, dans le cadre de deux thèses, cette organisation s’est avérée faisable, bien acceptée par les patients et accompagnée d’une réduction de moitié du taux de récidive à 6 mois, soit 9 %, chiffre à comparer à celui rapporté dans l’étude Azur 2, où le taux de récidive était proche de 40 % à 1 mois.
Deux patients sur trois recrutés aux urgences
Et, parallèlement, la fréquentation de l’école de l’asthme connaît une croissance à deux chiffres depuis trois ou quatre ans. Au début, c’est un étudiant motivé qui se chargeait de contacter par téléphone les patients vus aux urgences, rappels très bien perçus. « Désormais, après le questionnaire et l’entretien motivationnel, nous parlons systématiquement de l’école de l’asthme à tous les patients reçus aux urgences, et nous n’avons aucun refus », se félicite le Dr Maffre, qui précise qu’aujourd’hui deux patients sur trois de l’école de l’asthme sont recrutés par le biais des urgences.
Cette stratégie est particulièrement utile pour les populations les plus fragiles, issues de milieux socio-économiques défavorisés. « Deux tiers des patients qui viennent aux urgences ne voient pas de pneumologue, c’est une cible à privilégier », estime le Dr Maffre.
Le financement de l’école de l’asthme est assuré par l’agence régionale de santé, mais il est insuffisant pour offrir une prise en charge individualisée.
« Nous fonctionnons en grande partie sur la base du bénévolat, grâce à la très forte implication des soignants des urgences, reconnus pour leur expertise, et très valorisés par cette pratique intégrée dans les soins, souligne le Dr Maffre. Il n’y a pas d’essoufflement, les jeunes reprennent le flambeau, des médecins des hôpitaux périphériques viennent se former chez nous. »
Entretien avec le Dr Jean-Philippe Maffre, Tours
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