Le congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC, Barcelone 26 au 29 août) a fait la part belle, cette année, à la prévention. Très attendues, les recommandations sur l’HTAP ont mis en exergue l’importance du suivi post-embolie pulmonaire pour anticiper l’élévation des résistances vasculaires. Côté études, plusieurs se sont intéressées à la prévention primaire et secondaire, que ce soit par le dépistage centré sur l’imagerie, la vaccination anti-grippale ou encore la simplification du traitement par une polypill.
L’origine thromboembolique est fréquemment en cause dans l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), et l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTP-TEC) est la complication au long cours la plus sévère de l’embolie pulmonaire (EP) (autour de 4 %). Afin d’optimiser la prise en charge des patients, les sociétés européennes de cardiologie et de pneumologie (ESC/ERS) ont publié des recommandations qui mettent notamment l’accent sur la prévention et le repérage précoce de la maladie en post-embolie.
L’HTAP se définit par une élévation progressive des résistances vasculaires pulmonaires pouvant aboutir à une défaillance cardiaque droite. Elle recouvre diverses pathologies cardio-pulmonaires classées en cinq groupes en fonction de leurs caractéristiques, parmi lesquelles l’HTP-TEC, qui bénéficie maintenant de progrès notables pour sa prise en charge. Cette HTP-TEC s’intègre dans le cadre plus large de la maladie pulmonaire thromboembolique chronique (MP-TEC), avec ou sans HTAP, caractérisée par des défauts de perfusion au scanner et des signes spécifiques de caillots fibrotiques chroniques à l’imagerie, persistants après au moins 3 mois d’anticoagulation. L’HTAP est alors liée à l’obstruction des artères pulmonaires par des thrombi fibrotiques et à la microvasculopathie associée.
Un retard diagnostique de deux ans
La symptomatologie de l’HTAP n’est pas spécifique, avec dans 95 % des cas une dyspnée d’effort, parfois associée à des douleurs thoraciques, des palpitations, des syncopes, voire, pour les plus avancées, des signes d’insuffisance cardiaque droite. « Malgré des progrès, le diagnostic est porté en moyenne plus de deux ans après l’apparition des symptômes et encore trop souvent à un stade sévère », déplore le Pr Stephan Rosenkranz (Cologne). « Le dépistage doit être renforcé, en particulier après une embolie pulmonaire », soutient-il.
Il ne s’agit pas pour autant de faire un dépistage systématique autre que clinique (à 3 mois et 6 mois) au décours d’une EP si l’évolution est favorable et le patient asymptomatique. Sauf s’il existe des facteurs de risque (comme une pression artérielle pulmonaire systolique > 60 mmHg au cours de l’EP, des antécédents thromboemboliques veineux, une thrombose étendue de l’artère pulmonaire ou des pathologies chroniques type hypothyroïdie, antécédents de cancer, MICI, etc.).
« Il faut savoir repérer des signes évocateurs sur l’échographie et l’angioscanner thoracique au moment de l’épisode d’EP, y compris si le patient est asymptomatique » insiste le Dr Joanna Pepke-Zaba (Cambridge). Il ne faut pas hésiter dans ce cas à demander une scintigraphie ou un scanner pulmonaire de ventilation/perfusion et/ou à adresser à un centre référent. « Même si la différenciation à l’imagerie entre signes de l’EP aiguë ou signes de la maladie chronique n’est pas aisée, les recommandations insistent sur une meilleure reconnaissance des signes d’HTP-TEC au scanner ou à l’échographie lors d’une EP aiguë, ainsi qu’un suivi systématique des patients atteints d’EP aiguë, afin de réduire le sous-diagnostic de l’HTP-TEC. »
Orienter précocement vers un centre expert
Devant une dyspnée inexpliquée ou une suspicion d’HTP-TEC, on demandera une échographie transthoracique et un dosage des peptides natriurétiques. L’échographie est essentielle pour le dépistage de l’HTP-TEC et permet, sur la mesure du flux de régurgitation tricuspide et d’autres anomalies évocatrices, de classer le risque d’HTP-TEC en faible, moyen ou élevé. Le diagnostic sera précisé par une scintigraphie pulmonaire ou un scanner de ventilation/perfusion généralement. La scintigraphie pulmonaire de ventilation et perfusion planaire demeure le gold standard pour exclure une HTP-TEC, mais la tomographie par émission monophotonique (SPECT) de ventilation/perfusion est souvent plus facilement accessible.
D’autres examens peuvent être utiles, comme l’imagerie cardiopulmonaire de stress, si les examens ne sont pas concluants. « En fonction des données de l’échocardiographie, des peptides natriurétiques et des tests d’effort, les patients symptomatiques avec anomalies de perfusion persistant au-delà de 3 mois d’anticoagulation après EP aiguë seront adressés à un centre spécialisé pour bilan angéiologique et confirmation du diagnostic par la réalisation d’un bilan hémodynamique par cathétérisme cardiaque droit. » L’angioscanner ou l’angiographie par soustraction numérique (qui permet de fournir des images veineuses en utilisant moins de produit de contraste en soustrayant les images des tissus mous) sont indispensables pour confirmer le diagnostic et faire le bilan des lésions. L’angiographie traditionnelle reste parfois incontournable si une indication chirurgicale est envisagée.
Prévenir la défaillance cardiaque droite
La prise en charge doit être la plus précoce possible pour limiter la défaillance cardiaque droite. Elle comprend un traitement anticoagulant à vie (AVK ou AOD). L’endartériectomie, si elle est réalisable, est le traitement à privilégier (recommandation de classe I). Si le patient est inopérable ou que la symptomatologie persiste ou réapparaît en post endartériectomie, un traitement médical (inhibiteur de la phosphodiestérase 5 et/ou antagoniste des récepteurs de l’endothéline, voire leur association à un analogue des prostacyclines) combiné à un traitement par angioplastie pulmonaire percutanée au ballon est recommandé (classe I)