Relocaliser la production, sécuriser les approvisionnements

Indépendance sanitaire : les industriels du médicament prêts à jouer le jeu mais avec du soutien

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Publié le 27/11/2020
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Pour assurer l'autonomie sanitaire et industrielle, les laboratoires pharmaceutiques exhortent les pouvoirs publics à relancer la compétitivité et l'attractivité de la production de médicaments en France. Ils écartent l'idée de créer un pôle public.
Le gouvernement souhaite relocaliser la production de médicaments pour ne plus dépendre de la Chine ou de l’Inde

Le gouvernement souhaite relocaliser la production de médicaments pour ne plus dépendre de la Chine ou de l’Inde
Crédit photo : PHANIE

La crise sanitaire a révélé la forte dépendance de l'Hexagone en matière de production de médicaments. Alors qu'elle occupait la première place européenne des pays producteurs de 1995 à 2008, la France a reculé au quatrième rang – en valeur, avec 21 milliards d'euros – derrière la Suisse, l'Allemagne et l'Italie. Selon le Leem (Les Entreprises du médicament), 22 % des médicaments remboursés par l'Assurance-maladie sont fabriqués sur le territoire — 30 % des génériques, 27 % des vaccins, 17 % des principaux médicaments à l’hôpital et 3 % des anticorps monoclonaux.

Autre preuve de cette dépendance, environ 80 % des principes actifs sont produits hors de l'Europe (principalement en Chine et en Inde) contre 20 % il y a 30 ans. Pour les industriels, cette situation est « très délicate », mais « pas irréversible ».

Résilience

Pour garantir la souveraineté sanitaire, la relocalisation de « productions critiques », est devenue une priorité de l'État, partagée par les laboratoires. Dès juin, un appel à manifestation d’intérêt (AMI) doté de 120 millions d’euros visait à identifier les projets permettant d'augmenter rapidement la production de médicaments impliqués dans la prise en charge des patients atteints du COVID-19.

En août, dans le cadre de France Relance, un appel à projet doté de 100 millions d'euros (600 millions jusqu'en 2022) a été ouvert afin de soutenir, entre autres, la relocalisation de la production de produits de santé prioritaires, matures ou innovants, comme les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) et les principes actifs entrant dans leur formulation. La santé fait ainsi partie des quatre secteurs stratégiques pour lesquels les enjeux de souveraineté sont jugés essentiels. Les premiers projets ont été retenus dont six dans le secteur du médicament. 

Mais relever ce défi n'ira pas de soi. « Avant de se poser la question de la relocalisation, nous devons avoir une connaissance précise de ce qui existe en France », explique Philippe Lamoureux, directeur général du Leem. Le syndicat patronal de l'industrie pharmaceutique travaille à cet effet avec l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sur une cartographie précise permettant d'identifier les molécules et principes actifs produits en France.

Adapter la fiscalité, soutenir les prix

Pour le Leem, il convient d'actionner plusieurs leviers pour renforcer en priorité la compétitivité de l’outil industriel existant. Outre le soutien accru à l'investissement (par la fiscalité et la politique conventionnelle), le syndicat propose la fixation d'un prix plancher pour tous les médicaments « dont la soutenabilité d'approvisionnement européen n'est plus assurée pour des raisons économiques »« Il s'agit principalement de médicaments matures dont les brevets sont largement tombés. Le niveau de prix est tel qu'il pousse à la délocalisation de l'Europe », argumente le DG Philippe Lamoureux.

Autres recommandations : introduire une clause de critère d'origine dans les appels d’offre hospitaliers quand il existe une production européenne et instaurer un marquage d'origine sur les conditionnements afin de valoriser la production continentale. Il conviendrait aussi d'accélérer la bioproduction grâce à l'extension du crédit d'impôt/recherche ou la création d'un statut de « Jeune entreprise productrice de biothérapies innovantes ».

En revanche, le Leem écarte la création d'un pôle « public » de production du médicament, mesure soutenue à gauche par certains parlementaires. « Cette décision politique conduirait probablement au relèvement des prix d'un certain nombre de produits, justifie Philippe Lamoureux. Cela se ferait sous contrainte économique pour les payeurs que sont l'Assurance-maladie et l'État. »

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin