Souffrance au cours des études de santé

À Amiens, des carabins et internes se mobilisent

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Publié le 04/06/2018
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« La souffrance psychologique des étudiants est très sous-estimée, assure Philippe Pulwermacher, externe en cinquième année de médecine et vice-président de la toute jeune association Santé mentale des étudiants en santé d'Amiens. Comme l'évoque le livre Omerta à l'hôpital, c'est très difficile d'en parler, car ceux qui nous ont précédés ont connu la même chose ! »

En écho à l'enquête nationale « santé mentale des jeunes médecins » à l'initiative de l'ISNI en 2017, l'étudiant a réalisé une étude auprès des carabins amiénois de premier et second cycle. Les résultats sont une nouvelle fois préoccupants : 90 % d'entre eux déclarent des symptômes anxio-dépressifs, 60% ont songé à arrêter leurs études et 91% des femmes externes ont été la cible de faits relevant du harcèlement sexuel. « Nous nous sommes aussi rendu compte à cette occasion que les étudiants avaient honte d'en parler », ajoute Philippe Pulwermacher.

Prévention primaire et secondaire

Avec Sylvain Chamot, interne en médecine du travail, ils décident de créer cette association de soutien aux étudiants en santé. Depuis fin février, ils n'ont pas chômé et leurs démarches ont été favorablement accueillies par la faculté et la CME du CHU. Au programme : une première campagne d'affichage dans les bureaux des internes du CHU d'Amiens, à l'université et à la bibliothèque. Les affiches invitent les étudiants en souffrance ou en détresse (ou ceux qui en connaissent) à en parler et à contacter l'un des services d'aide – comme le service de santé universitaire (SSU).

De nombreux témoignages sont déjà parvenus. L'association les a compilés dans un document qu'elle a proposé à la direction médicale du CHU de… joindre aux fiches de paie des professionnels en poste. Une autre façon de sonner l'alarme. 

Un groupe de travail paritaire étudiants/professeurs a également planché sur une charte de bonnes pratiques. « Elle précise ce qui est attendu des étudiants – ponctualité, tenue correcte, etc. – mais aussi des professeurs comme ne pas employer de sobriquets dégradants, ne pas tenir de propos humiliants ni exiger des travaux universitaires du jour au lendemain, par exemple », indique le vice-président de l'association.

Jeux de rôle et groupes Balint

Autre initiative en cours : la création d'une cellule d'orientation, à décliner par filière santé. Constituée d'un binôme étudiant/professeur, elle doit prendre le relais du service de santé universitaire en cas de situation grave, mais aussi répondre aux éventuels signalements (propos déplacés, gestes connotés) saisis sur la plateforme qui existe déjà au CHU. L'association mise également sur l'ouverture de groupes Balint aux étudiants et organise des séances de jeux de rôles (décès de patients, manifestations de démence…).

Les fondateurs de l'ASMES ont contacté les associations d'étudiants des autres filières de santé – infirmiers, sages-femmes, kinés, etc. – afin de mener des travaux en commun. « Nous sommes tous exposés aux mêmes souffrances et plutôt que de travailler chacun de notre côté, le faire en commun va nous souder davantage, juge Philippe Pulwermacher. Ce sera plus facile de faire bouger les choses. »

 

De notre correspondante Géraldine Langlois

Source : Le Quotidien du médecin: 9670