PACES, ECN : le commerce de la préparation aux concours

Le juteux marché des études de médecine

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Publié le 14/04/2016
GP FAC

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Crédit photo : Sébastien Toubon

« Formule synapse », « ECG du jour », « Pack réussite » ou « Galien vous entraîne » ? Face à un cursus anxiogène causé par la sélection draconienne des étudiants – seulement 13 % de réussite à la PACES en médecine –, les carabins sont nombreux à suivre des cours privés en parallèle de l'enseignement de la fac. Selon les chiffres de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), un peu plus de 50 % des P1 s'inscriraient pendant ou dès la fin de la terminale à des cours complémentaires dispensés par les prépas privées. « L'esprit concours et la compétition les poussent à démarrer les révisions très tôt avant le début de l'année scolaire pour se mettre dans le rythme. Ils espèrent ainsi gagner des places », explique Rémi Patrice, chargé des études médicales à l'ANEMF.

Cash-machine

Sur le marché de la préparation à la PACES, estimé entre 120 et 174 millions d'euros par an, le choix ne manque pas. Une centaine d'entreprises se disputent la faveur des péhuns. Trois centrales, Galien (plusieurs antennes en France), MédiSup et Epsilon (Ile-de-France) se font concurrence. Elles proposent des offres complètes sous forme de pack spécial pour les primants et les redoublants (polycopiés, annales, QCM en ligne, concours blancs, colles, cours scientifiques et accompagnement pédagogique et méthodologique) ou des cours à la carte. Le hic, ce sont les prix, parfois exorbitants. Il faut compter entre 1 000 et 15 000 euros l'année. Le coût est notamment très élevé dans les dix prépas de la Réunion où il excède les 10 000 euros. « Ce prix résulte d'un problème d'organisation à la faculté (12 heures de cours par semaine) et de la pénurie d'enseignements sur l'île, développe Catherine Achminov, directrice de Campus-réussite. Par conséquent, les étudiants de la Réunion passent énormément de temps en prépa où ils suivent entre 500 et 600 heures de cours, dont des heures d'exercice pratique. Les prépas sont pour eux une deuxième maison. »

Certaines boîtes vont encore plus loin en proposant une année de préparation pour entrer en faculté de médecine. Ainsi, Epsilon offre une « PACES 0 » à 8 460 euros. Un programme qui n'est pas du goût de l'ANEMF. « Il y a une telle pression pour réussir que certains étudiants font des prêts pour s'inscrire à ces prépas », poursuit Rémi Patrice. Et pour appâter les étudiants, ces sociétés privées n'hésitent pas à jouer la surenchère sur leur taux de réussite ainsi que les noms des majors ou des meilleurs classés issus de leur programme. « Des commerciaux viennent également démarcher les étudiants à l'entrée de l'université, vendant les louanges des différentes écuries. Nous sommes très hostiles à cette méthode de "coaching" qui ne fait qu'accentuer la pression et crée l'inégalité entre les étudiants », explique le Pr Jean-Luc Dubois-Randé, président de la conférence des doyens.

Plus de 90 % des D4 inscrits à une conférence privée

Sur le terrain des ECN, la concurrence est aussi rude. Une quarantaine de conférences privées courtisent les carabins, parfois dès la deuxième année de médecine. Parmi les plus prisées, Hippocrate, Khalifa, Hermès mais aussi Raphael. L'arrivé des ECN informatisées a par ailleurs eu un impact considérable sur le modèle économique. La présence à des réunions n'est désormais plus indispensable pour s'entraîner. Ces sociétés privées proposent désormais des services sur mesure facilement accessibles sur tablettes ou smartphones. Ainsi, les D4 peuvent réaliser quand ils le souhaitent des dossiers cliniques progressifs, des questions isolées ou la lecture critique d'article sur Internet. La correction est quasi instantanée. Plusieurs conférences organisent également des concours blancs informatisés à l'échelle de plusieurs régions donnant lieu à un classement national des inscrits. Et les étudiants en sont friands. L'ANEMF estime qu'entre 90 et 95 % des futurs internes investissent entre 500 à 1 000 euros chaque année pour l'ensemble de l'offre des écuries privées.

Vers une réduction du marché ?

Pour François Auclin, directeur de la conférence Hippocrate, ce prix reste abordable au vu de l'importance des ECN qui ont un impact sur l'avenir professionnel de l'externe. « Je ne dirai pas que c'est un marché lucratif, tempère-t-il. Nous avons moins d'inscrits, ils étaient 4 000 il y a 4-5 ans, cette année ils sont 2 000. Nous ne dégageons pas de forts bénéfices. L'objectif est d'abord de les aider. »

Le marché de la préparation pourrait à l'avenir se tarir, pronostique le président de la conférence des doyens, tout particulièrement pour la première année. Les expérimentations menées dans dix universités s'affranchissent parfois du mode d'entrée par le "concours". « Les passerelles entrantes vont modifier le modèle économique des prépas privées de la PACES », estime-t-il.

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin: 9488