Le professeur de chirurgie est pris dans la tourmente qui bouleverse le monde de la santé et de l’enseignement supérieur aujourd’hui en France. Il souffre d’une crise identitaire qui le déstabilise et qui démotive ses élèves. Pourtant, les enjeux de ses missions universitaire et hospitalière sont incroyablement riches, variés, inépuisables : former un chirurgien, c’est apprendre à un élève à être, à la fois, humain, soignant et technicien. Il faut sécuriser son geste et équilibrer son esprit malgré une déstabilisation permanente due aux responsabilités, aux agressions, aux doutes.
Ce métier ne cesse d’évoluer car les outils pédagogiques sont, eux aussi, en pleine révolution. Dans son ensemble, le monde universitaire est grisé par l’ivresse du numérique mais le professeur de chirurgie sent au fond de lui que l’enseignement de son métier ne peut pas être tout à fait dématérialisé. Malgré sa haute technicité, il est basé sur des rapports de compagnonnage gestuel et humain, compagnonnage moderne au fait des méthodes les plus traditionnelles comme les plus innovantes.
J’ai été sensibilisé par les inquiétudes, les déceptions, voire les souffrances de certains de mes collègues et par la crise des vocations des plus jeunes. À travers mon expérience de chirurgien universitaire, et en tenant compte du point de vue des patients et des autres soignants, j’ai, modestement, essayé d’analyser quel était le mal qui rongeait le professeur de chirurgie, quelles en étaient les racines, en lui et autour de lui, pour en imaginer des solutions. J’ai réuni ces réflexions dans un essai publié aux Éditions L’Harmattan dans la collection “Éthique et Pratique Médicale”, essai intitulé :" Chirurgien, qui t’a appris ton métier ? La formation chirurgicale entre compagnonnage et enseignement numérique."
Cet ouvrage décrit le parcours du professeur de chirurgie, ses outils et ses objectifs pédagogiques puis les dérives de ce système éducatif. À chaque étape, la place du patient est soulignée. Ce bilan fait émerger des propositions d’évolution qui visent une chirurgie humaine à la pointe du progrès technique, une chirurgie qui repose sur la confiance à créer ou à recréer entre patient, professeur de chirurgie et élève.
Des évolutions en profondeur sont nécessaires
Ce sont des évolutions en profondeur qui engagent donc l’ensemble de l’Hôpital Universitaire, soignants et administrateurs, mais qui demandent également l’assentiment des patients. Il faut engager l’ensemble du personnel des CHU dans cette mission d’enseignement et non pas seulement quelques-uns de ses employés à qui il est demandé d’offrir un soin urgent, un soin d’excellence plus l’encadrement des élèves. Il faut que toute la hiérarchie du CHU, à tous ses niveaux, soit persuadée du besoin de servir, en premier lieu, le patient et en second lieu les élèves, médicaux, paramédicaux et même techniciens biomédicaux. Il faut valoriser l’investissement pédagogique des candidats à la carrière autant que l’investissement scientifique et créer une Habilitation à Diriger les Enseignements. Il faut cesser d’exiger des candidats la triple excellence en soins, recherche et formation qui les épuise inutilement. Il faut former les enseignants à tous les outils pédagogiques en utilisant les possibilités du numérique mais en respectant l'humanité du compagnonnage. Il faut enfin que le patient soit convaincu que ce système de Soin et Formation ne le dessert pas et qu'il participe à la formation de ses futurs soignants.
Si j’ai centré mon propos sur le monde chirurgical, c’est que j’ai préféré pénétrer au cœur d’un problème général par le chemin que je connaissais le mieux, mais je reste persuadé que ces réflexions peuvent s’appliquer aux autres disciplines médicales des CHU. J’espère que la lecture de ce texte et les critiques qu’elle suscitera seront bénéfiques à l’ensemble de notre système de Santé.
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