Suicide des internes : l'ISNI accuse le nouveau patron des doyens d'être dans le « déni de réalité »

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Publié le 05/02/2018
Jean Sibilia

Jean Sibilia
Crédit photo : S. Toubon

Voilà une polémique dont le Pr Jean Sibilia, tout juste élu à la tête de la conférence des doyens de médecine, se serait volontiers passé.

Dans un entretien à notre confrère « What's up doc », le nouveau patron des doyens est questionné sur le suicide des internes, à l'heure où les médecins en formation viennent d'être à nouveau endeuillés par le suicide d'une jeune interne de dermatologie à Paris.

Idées noires, boulot compliqué et « coût humain »

« Les suicides réels sont très très rares, avance alors le Pr Sibilia. Les étudiants ont des idées noires et des difficultés mais je ne suis pas certain du tout que ce soit spécifique aux étudiants en médecine. Je crois que c’est l’expression de notre société, l’expression d’un mal-être plus global. Alors il ne faut jamais être dans le déni, mais il faut être juste, ne pas être dans l’instrumentalisation. Il y a intrinsèquement dans le métier de médecin quelque chose qui est stressant, mais ça n’a rien à voir avec l’organisation structurelle du système. »

Le doyen de Strasbourg, PU-PH en rhumatologie, souligne ensuite la difficulté particulière du métier de médecin, confronté en permanence à la souffrance humaine, et parfois sur la corde raide pour assurer la continuité des soins. « Nous on est là 24/24, 7/7. On est là pour la continuité des soins et il faut que ça marche, pour les gens. Et ça a un coût : un coût humain, qu’il faut réguler le mieux possible, pour avoir le moins de souffrance possible. On a un boulot compliqué, en étant confronté régulièrement au malheur des gens. Et ça, il faut qu’on l’apprenne à nos étudiants, pour ne pas qu’ils le découvrent en fin d’études. Ce sont des valeurs à transmettre, mais ce n’est pas facile. »

Dialectique délétère

Suicides réels « très très rares » des internes ? « Coût humain » de la continuité des soins qu'il faut « réguler le mieux possible » ? Pour l'ISNI, ces propos « tenus par un professeur et doyen censé se préoccuper de la santé des futurs médecins » traduisent un « déni de la réalité » alors que dix internes se sont donné la mort en un an. Le syndicat met également en cause une « dialectique délétère, scientifiquement fausse » alors que plusieurs études ont mis en évidence la souffrance psychique accrue des médecins en formation et le taux particulièrement élevé de suicides. 

« Notre enquête de santé mentale, mais également plusieurs études concordantes, montrent que les internes présentent deux à cinq fois plus d’idées suicidaires que la population générale. Elle montre également un taux d’anxiété 4 fois supérieur et un taux de dépression 2 fois supérieur à la population générale », rappelle l'ISNI. 

Mission en cours

Dans ce contexte, le syndicat souhaite que « l’omerta sur les risques psychosociaux menant au suicide de nos co-internes soit levée, et que cette ouverture soit d’abord menée par nos enseignants et dirigeants qui ont la responsabilité de notre bien-être ».

L'an passé, dans un livre blanc, l'ISNI avait exhorté le gouvernement à faire strictement respecter la loi sur le repos de sécurité et le temps de travail hebdomadaire et à rendre obligatoire la visite médicale auprès du médecin du travail pour tous les étudiants du troisième cycle. L'ISNI plaidait aussi pour la mise en place de groupes de parole réguliers dans les hôpitaux et demandait que les internes soient informés des dispositifs d'accompagnement et de soutien mis en place en cas de souffrance psychique.

La ministre de la Santé a également proposé à Donata Marra, une spécialiste du secteur, une mission sur les facteurs relatifs à la qualité de vie au travail des étudiants en santé.      


Source : lequotidiendumedecin.fr