Temps de travail, repos de sécurité, harcèlement : « Je ne laisserai rien passer », avertit Gaétan Casanova, nouveau président des internes (ISNI)

Par
Publié le 20/10/2020

Crédit photo : ISNI

Comme chaque année, les internes changent de leader. Gaétan Casanova, interne d'anesthésie-réanimation de 31 ans, vient d'être élu président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI), à l'issue d'une assemblée générale à Paris, dimanche 18 octobre. Le successeur de Justin Breysse, interne en rhumatologie, tient d'emblée à afficher sa fermeté sur tous les sujets – du temps de travail aux risques psychosociaux.

Double cursus

Son profil est original : titulaire d'un master de droit de la santé délivré par l'Université de Toulouse-1, le nouveau président a complété son cursus par des études de médecine. Il est en 2e année d'internat à l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). « J'ai un master 2 "droit de la santé et éthique", j'adore cette discipline sur le plan intellectuel mais je me demandais quel sens je voulais donner à ma vie. Je souhaitais être utile aux autres. J'ai donc recommencé en première année », confie-t-il au « Quotidien ».

Au-delà de son appétence pour les études longues et exigeantes, le nouveau chef de file des juniors a le syndicalisme chevillé au corps. « En droit, j'ai eu un engagement local au sein d'une association, puis j'ai été deux ans vice-président de la vie étudiante à l'Université de Toulouse. J’ai ensuite rejoint la FAGE [Fédération des associations générales étudiantes] où j'ai terminé élu au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche [CNESER, ndlr]. Arrivé en médecine, dès la seconde année, j'ai eu des engagements auprès du comité éthique et de la CME du CHU de Toulouse ainsi qu'au sein du conseil de la faculté Purpan. »

En perpétuelle infraction

Galvanisé par son élection à la tête de l'ISNI, Gaétan Casanova a posé des jalons pour cette année de travail, dans la continuité du bureau précédent. « Ça va être l'année du respect de la loi ! J'ai trop souvent vu, lors de réunions avec des professeurs ou des administrateurs hospitaliers, des négociations où l'on vous répond "Moi, à mon époque…" »,explique-t-il. « Quand je suis arrivé à Paris, j'ai vu et vécu des situations inacceptables qui parfois relevaient de la qualification pénale, ce sont ces éléments-là qui m'ont poussé afin de transformer cette indignation en quelque chose de positif. »

De fait, plusieurs enquêtes récentes ont confirmé le non-respect fréquent du droit européen sur le temps de travail. En théorie, un interne ne peut pas dépasser 48 h d'exercice par semaine (10 demi-journées). Mais les jeunes médecins en formation ne sont pas tous logés à la même enseigne. « Certains travaillent moins, d'autres plus, mais la moyenne est de 58 h ! recadre le nouveau président de l'ISNI. Ça monte à 80, 90 h par semaine pour certaines spécialités chirurgicales. On se retrouve en perpétuelle infraction, avec des conséquences parfois graves ! À Toulouse, un service hospitalier a vu ses quatre internes en arrêt maladie pour burn-out », illustre-t-il.

Le respect strict du repos de sécurité reste un autre combat, notamment dans les services de chirurgie. « La loi est claire. Pourtant, dans beaucoup de services, il y a une tolérance. Le lendemain de garde, l'interne fait ses visites ou alors il est chez lui en train de faire un topo. Ce n'est plus acceptable », ajoute-t-il.

Gaétan Casanova compte défendre bec et ongles la qualité de vie et les droits fondamentaux des internes, notamment dans les structures d'accueil en stage. La priorité est de s'occuper des risques psychosociaux – qui conduisent parfois à des situations de burn-out ou de suicide. « Parler des risques psychosociaux, c'est parler des conditions dans lesquelles on travaille, du nombre d'heures travaillées, de la formation, du harcèlement, de la discrimination. C'est majeur », explique-t-il. 

Sur le pont tous les jours

D'autant que la crise du Covid-19 a aggravé les conditions de travail des internes, comme l'a bien expliqué l'ancien bureau, lors d'une audition édifiante au Sénat. « Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans les mêmes conditions qu'en mars, l'organisation est différente mais le manque de moyens est toujours là, poursuit Gaétan Casanova. Les internes sont sur le pont tous les jours ! Heureusement qu'il y avait eu des réaffectations en mars pour éviter des burn-out. Mais maintenant, comment va-t-on protéger les internes ? C'est un travail que l'on doit faire. »

Enfin, le nouveau président veut en finir avec les situations de violences et de harcèlement. « Une interne du sud de la France porte le surnom de "pupute" dans son service. Quand vous êtes enfermés avec des collègues comme ça pendant 58 h, voire plus, ça peut faire des dégâts immenses. D'autres situations durent depuis des années, comme au bloc où il peut y avoir une culture où on se dit "c'est potache, c'est carabin". Non, ce sont des insultes. Ces situations ne feront pas l'objet d'échanges de mail, mais d'une procédure pénale. Je ne laisserai rien passer. »


Source : lequotidiendumedecin.fr