Hamdani Elagoune : l’anapath’, une médecine à hauteur de cellule

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Publié le 28/04/2023
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L’anapath’ étant l’une des spécialités médicales les plus méconnues, on y parvient parfois par des chemins détournés. C’est ce qu’a fait Hamdani Elagoune, interne à Nancy… Mais il en faudrait plus pour entamer l’enthousiasme qu’il éprouve pour sa discipline.

« Anatomie et cytologie pathologique ». Voilà désormais le nom officiel de l’ancienne anatomie pathologique, que l’on continue à appeler couramment « anapath’ ». C’est cette discipline qu’a choisie Hamdani Elagoune : celui-ci est en train d’achever son cinquième semestre d’internat au CHRU de Nancy… mais ce n’était pas la voie qu’il avait voulait suivre au départ. Ce natif de Leucate, dans l’Aude, s’était en effet d’abord orienté vers la pneumologie, avant de bénéficier d’un droit au remords qui lui a permis de s’épanouir pleinement dans cette discipline qui reste pourtant obscure aux yeux de beaucoup.

« Si j’ai fait médecine, c’était avant tout pour être capable de m’occuper de mes proches, je voulais qu’ils puissent compter sur moi », explique le jeune homme. Après avoir réussi le concours d’entrée à la faculté de médecine de Montpellier, il ne savait pas encore où ses pas allaient le mener. « Je n’avais pas vraiment d’idée de spécialité en tête, je pensais à la réanimation parce que ce sont des sauveurs, mais je me focalisais surtout sur le travail pour avoir un bon classement », se souvient-il. Et à l’issue des ECN, il choisit finalement la pneumologie, et s’envole pour Nancy. « Je pensais que c’était une spécialité très transversale. Elle recouvre énormément de domaines : la médecine interne, les maladies rares et infectieuses, l’oncologie, la médecine interventionnelle… », détaille-t-il.

Vision microscopique

Mais au bout d’un semestre, Hamdani décide de bifurquer. « J’ai adoré la pneumologie, mais il se trouve que j’ai fait mon premier semestre d’internat en 2020, en plein Covid, se souvient le Nancéen. J’avais vécu des choses tellement intenses pendant cette période que je ne me voyais pas, ensuite, faire du suivi de maladies chroniques» Et voilà notre interne parti dans une nouvelle discipline. « L’anapath’ me titillait depuis longtemps, même si je n’y étais pas passé durant l’externat : je savais que je n’aurais pas le côté adrénaline, mais en termes de transversalité, on peut difficilement faire mieux, se félicite-t-il. Je trouve remarquable d’avoir une vision microscopique de la médecine, on est dans la compréhension concrète des pathologies, on a la cause en face de nous, sous les yeux»

Reste qu’il le constate : cette médecine à l’échelle cellulaire a beau être passionnante, elle demeure méconnue, même parmi les médecins. Peu d’externes ont l’occasion de la découvrir en stage, et beaucoup de praticiens méconnaissent la réalité concrète de l’exercice en anapath’. « Nous sommes des spécialistes du diagnostic, explique l’interne de bonne grâce. Nous avons deux parties : la macroscopique, qui consiste à décrire les pièces envoyées par les chirurgiens, et la partie microscopique, où nous examinons des lames au microscope. C’est passionnant, car il faut non seulement analyser ce qu’on voit, mais aussi prendre en compte le contexte, l’histoire du patient, etc. ». Et pas moyen de s’ennuyer. « Certaines choses sont un peu répétitives, on répond très vite, typiquement certaines lésions dermatologiques, mais on a beaucoup de cas intéressants, insiste Hamdani. Récemment, on a eu un cas où nous avons dû analyser 100 lames ! ».

À la recherche d’un équilibre

Alors qu’il s’apprête à aborder la deuxième moitié de son internat, Hamdani commence tout juste à envisager la suite. « Après l’internat, je ferai un assistanat », se projette-t-il. Un parcours classique, qui lui permettra « d’acquérir de l’expérience auprès de gens très compétents» Et pour la suite, il envisage « une activité mixte, entre le public et le privé ». Une manière de construire un équilibre entre la rémunération, plus intéressante dans le privé, et l’intérêt des cas qui se présentent, plus fort dans les CHU, explique-t-il sans ambages.

Bien sûr, il y a un aspect de la médecine qui manque à l’anapath’, et qui lui manquera toujours : la relation avec le patient. « Oui, c’est une des raisons qui m’ont fait hésiter à m’orienter vers cette spécialité, reconnaît Hamdani. Certains prennent l’anapath’ justement pour ne pas avoir à gérer la relation patient, mais ce n’est pas mon cas. Cela me manque un peu, mais j’ai été obligé de faire des choix, j’ai pesé le pour et le contre» Et il l’assure, il ne regrette pas ce sacrifice. « J’ai une certaine qualité de vie, et je reste à jour dans de nombreuses disciplines, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de mes amis qui, en troisième année, ont déjà oublié beaucoup de choses qui ne concernent pas leur spécialité» Ce côté transversal est d’ailleurs justement ce qu’il recherchait initialement. « Je peux aider ma famille, je suis à jour dans toutes les prises en charges ! », se félicite-t-il.

Adrien Renaud

Source : Le Quotidien du médecin