Éditorial

Nature et culture

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Publié le 23/01/2020

C’est un domaine sur lequel la France n'est pas en avance. Alors que la plupart des pays de l'UE autorisent le cannabis thérapeutique, celui-ci demeure encore hors la loi chez nous. À ce jour, aucun médicament à base de cannabinoïdes n'est encore disponible en officine, même si certaines AMM ont été délivrées. Et les condamnations frappant certains malades qui se sont lancés dans leur propre culture ne sont pas si anciennes. On pourrait gloser indéfiniment sur les raisons qui président à ces lenteurs hexagonales. D’aucuns évoqueront cet inconscient chrétien auquel on a longtemps attribué les atermoiements des soignants dans la lutte contre la douleur. D’autres relèveront que le cannabis pâtit de sa mauvaise réputation : avec, en France, une consommation « récréative » plus élevée qu'ailleurs, en dépit d'une législation plus répressive, qui n'est pas faite pour faciliter le débat.

Celui-ci aura bien lieu finalement, puisque l'ANSM a prévu de lancer une expérimentation du produit à titre thérapeutique dès cet été, une mission parlementaire étant parallèlement créée sur le sujet. Les deux initiatives ont le mérite de sortir à bonne distance des élections présidentielles, ce qui est sûrement gage d'une réflexion sereine. Les médecins s'intéresseront d’abord à la première, puisque certains prescriront bientôt la marijuana. Jusqu'alors, on ne peut pas dire que les études aient toutes été concluantes. Mais la suite est attendue avec intérêt par les malades en impasse thérapeutique et bien sûr par les producteurs, car le marché pourrait être porteur. Si des ouvertures devaient être adoptées concernant le cannabis thérapeutique, on peut néanmoins parier que l'encadrement sera strict, à l'instar de ce qui se passe chez nos voisins, et alors même qu'un antalgique opiacé – le tramadol — vient de faire l'objet de dispositions restreignant sa mise à disposition.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin