Feu vert à la 4e année d'internat de médecine générale : « jusqu'à 4 500 euros net par mois », annonce François Braun

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Publié le 12/06/2023

Crédit photo : S.Toubon

Cette fois, c’est chose faite ! Après des mois de tâtonnements, le ministre de la Santé François Braun a annoncé ce lundi la création officielle d'une « quatrième année » au diplôme d’études spécialisées (DES) médecine générale (ainsi que les modalités de ces deux semestres supplémentaires), une réforme en réalité dans les tuyaux depuis plusieurs années, mais qui suscite toujours une forte inquiétude chez les étudiants concernés. 

Si le principe de cette quatrième année était acté dans la loi Sécu 2023 (donc applicable aux nouveaux internes arrivant en novembre 2023), restait à en connaître l'organisation et la rémunération. À cet effet, une mission avait été confiée à quatre experts – les Prs Nanou Pham, Stéphane Oustric et Olivier Saint-Lary et l'interne Mathilde Renker. Le fruit de leurs travaux a permis d'élaborer des modalités « équilibrées et concertées », revendique François Braun. 

« Pas juste une année de plus », jure Braun 

Deux objectifs sont poursuivis, insiste le ministère : renforcer la formation et la « professionnalisation » des futurs généralistes et répondre aux besoins de la population, en particulier dans les secteurs isolés et les zones fragiles. « Cette année, ce n'est pas juste une année de plus », a lancé François Braun pour rassurer les jeunes dans son discours d'annonce, rappelant que la médecine générale était la seule spécialité à ne compter que trois années d'internat (et pas de phase de « docteur junior » en autonomie supervisée, contrairement aux autres spés).    

C'est pourquoi, en pratique, cette année de plus « se composera de deux stages supplémentaires de six mois, en ambulatoire, dans un cabinet médical, sous l’autorité d’un praticien maître de stage universitaire » (MSU). Sauf cas particulier, ces deux stages seront effectués « dans le même cabinet » afin de se projeter sur une période assez longue. Considérés comme des professionnels en début d'exercice, les internes seront tenus de participer à la permanence des soins ambulatoires (PDS-A). 

Huit semestres dont un stage mixte et un stage libre

La création de cette 4e année modifie donc l’ensemble de la maquette de formation, composée dès lors de huit semestres de médecine générale. Ainsi, au cours de la phase dite d’approfondissement (2e et 3e année), les carabins devront effectuer un « stage mixte » (intégré au cursus) réparti entre la pédiatrie et la gynécologie obstétrique. La prise en charge des « enjeux spécifiques » à la santé des femmes et à la santé de l'enfant, est jugée « indispensable ». 

De surcroît, un « stage libre » sera choisi en fonction du projet professionnel du futur généraliste « avec un fléchage préférentiel » concernant à nouveau la santé de la femme ou de l’enfant, mais aussi de la personne âgée ou de la santé mentale.

Pour relever ce défi très lourd de formation avec la quatrième année d'internat, le ministre souhaite « disposer de 16 000 praticiens ambulatoires maîtres de stages universitaires (PAMSU) formés, à compter de novembre 2026 » – c’est-à-dire déjà 13 000 PAMSU formés en 2023. Un groupe de travail dédié (doyens, CNGE, syndicats, ANDPC) doit permettre d'avancer sur ce sujet.   

Rétrocession d'honoraires de 20 % et indemnité supplémentaire 

Mais la principale nouveauté consiste dans la mixité des rémunérations qui seront accordées à ces docteurs juniors en médecine générale.

Au cours de leur année supplémentaire, les internes goûteront ainsi directement au paiement à l’acte puisque, en plus de leur rémunération fixe de Docteur junior (« 1 900 euros net mensuels, hors primes », précise le président de l’Isnar, Raphaël Presneau), ils percevront une rétrocession d’honoraires de 20 % du montant des honoraires réalisés, dans la limite d’un plafond de 30 consultations par jour, et d’un plancher de 10 consultations quotidiennes », indique le ministère de la Santé. Une façon de confronter l'interne en fin de cursus aux modalités concrètes « d'encaissement et de gestion des honoraires », explique-t-on au ministère. Ce n'est pas tout. Une « indemnité supplémentaire » (400 euros) est prévue pour ceux qui choisiront d’effectuer leurs stages de quatrième année en zone sous-dotée. Cet exercice en secteur fragile ne sera donc pas obligatoire… mais fortement incité grâce à cette indemnité « déserts ».

L’ensemble de ces rémunérations cumulées pourront s'additionner jusqu'à « 4 500 euros net par mois », calcule le ministère. « C'est le montant de la rémunération d'un PH », indique Raphaël Presneau, dont le syndicat demande malgré tout (toujours) le report de la mise en œuvre de cette quatrième année, jugée trop précipitée.

Contestation à la rentrée ?

« Rendre ce rapport à une semaine des ECN, c’est irresponsable et jouer avec la concentration des étudiants à une semaine d’un concours où ils vont jouer leur avenir », se désole le chef de file de l’Isnar. Il insiste également sur le flou de l’annonce ministérielle. « Les nouveaux docteurs juniors devront faire des gardes obligatoires, mais dans des conditions qu’on ne connaît pas encore aujourd’hui. » Olivia Fraigneau, présidente de l’Isni, reste aussi sur sa faim. « La seule bonne nouvelle, c’est l’ouverture du stage en ambulatoire en dernière année à d’autres spécialités que la médecine générale. »

Les deux syndicats ne désespèrent pas de faire reculer le gouvernement au moins sur le calendrier. « Le pataquès autour de la PPL Valletoux sur l'accès aux soins et la possibilité qu’elle contienne des éléments de coercition ne va pas encourager les internes à choisir la médecine générale qui n’arrive déjà plus à remplir les postes offerts, développe Raphaël Presneau. Si ce texte revenait sur la liberté d'installation, tout pourrait se cristalliser à la rentrée avec une alliance des médecins de toutes les générations. »


Source : lequotidiendumedecin.fr