Ces jeunes médecins qui s'investissent

À travers ses films, Kendrys Legenty veut mettre en avant l'humanité et le sens dans le soin et la maladie

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Publié le 07/10/2022

Avec la double casquette d'étudiant en médecine et en cinéma, Kendrys Legenty a créé l'association Les Films du dispensaire. À travers les films qu'il écrit et réalise, il veut mettre en récit la maladie pour montrer l'humanité dans le médical.

Crédit photo : Clément Guégan

Cinéma et médecine font souvent bon ménage. On ne compte plus le nombre d’œuvres cinématographiques et même télévisuelles qui portent à l’écran, avec plus ou moins de réussites, des histoires de santé, de médecins, de malades…

Pour Kendrys Legenty l’idée de lier médecine et cinéma s’est rapidement imposée comme une évidence également. Dans un premier temps à travers son parcours personnel. Il s’est en effet lancé dans un double cursus en « complétant » ces études de médecine par le programme Médecine-Humanités proposé par l’École normale supérieure de l’Université de Paris. Celui qui s'est mis en pause dans ces études de médecine termine aussi actuellement son master de cinéma.

Cinéclub et UE 

Sa passion pour le cinéma n’est pas nouvelle, lui qui a passé un Bac S option cinéma, mais c’est au cours de ses études supérieures que s’est naturellement installé la volonté de parler du soin à travers l'écran. Dans sa faculté à Paris Est Créteil, avec une de ses enseignantes Laurence Caeymaex, ils montent une unité d’enseignement « Médecine, images et cinéma ». « Pour permettre à des étudiants en santé de monter des petits films, des bandes dessinées qui mettent en avant des problématiques éthiques », explique Kendrys. Parallèlement il monte aussi un cinéclub à la faculté avec la projection de films qui parlent de santé suivie de débats avec la participation de professionnels de différentes spécialités notamment.

« Tout ça m’a permis d’appréhender la relation entre médecine et cinéma et je suis rentré dans un double cursus pour travailler cet aspect encore plus », relate-t-il.

Kendrys a donc continué à écrire et réaliser des films et fin 2019 avec Romain Palich, médecin infectiologue à La Pitié-Salpêtrière il fonde l’association Les films du dispensaire. Elle a pour but de permettre la création de films qui mettent au cœur de leurs récits la maladie et ses conséquences.

« Le premier objectif est de faire une œuvre artistique tout en sensibilisant et formant à la fois les soignants mais aussi la population générale à des problématiques de santé », explique le jeune réalisateur de 25 ans.

Les films réalisés intègrent donc toujours des problématiques médicales. Le court métrage Estelle et les autres, aborde par exemple l’impact du sida sur la cohésion d’un groupe amical et artistique ou Feux celui de la maladie mentale dans le cercle familial.

En 2021, le documentaire D’un désir l’autre traite à travers quatre portraits croisés différentes questions qui entourent la sexualité gay.

« L’objectif était notamment de sensibiliser les soignants à la santé sexuelle gay. En France, c’est un sujet peu connu et il existe une vision assez négative de la santé communautaire. Nous voulions aussi sensibiliser la population générale et celle directement concernée à la médicalisation de cette sexualité, montrer les spécificités de soins et raconter des parcours de vie », détaille Kendrys.

Parler de l'intime 

À chaque fois, ses films visent le grand public mais aussi les soignants. Et en mettant en avant les patients, le but est aussi de montrer l’impact de la maladie sur l’intime.

« On a tendance à ne pas forcément comprendre les répercussions d’une maladie sur le plan intime, mental et relationnel pas que physiologique ». Et en tant que scénariste et metteur en scène, la maladie offre aussi énormément de possibilités. Malgré une « envie de véracité forte », « nous mettons en avant des éléments fictionnels car nous ne faisons pas des reportages », précise-t-il.

À l’heure où les soignants en particulier sont en recherche de sens dans leur métier, selon lui, le cinéma, l’image et le pouvoir du récit peut aussi avoir cette faculté à retrouver cet aspect.

« Dans les études de médecine, dans les professions de soins, il y a un manque cruel de mises en récit, de mises en sens, d’humanités », estime-t-il.

Le sens, l’engagement dans les métiers du soin portait aussi le projet de podcast Derrière la blouse, lancé début 2020 avec ses collègues étudiants en médecine.

Projet pédagogique

Les films peuvent aussi avoir une portée pédagogique pour les soignants, susciter des échanges sur la relation de soin, la prise en charge. L’association Les films du dispensaire s’est donc aussi engagé dans la production de contenu de formation pour les étudiants en santé. Ils n’en sont qu’au début du développement de cette activité, mais pour les Ecos à la Sorbonne, ils ont déjà réalisé les captations vidéos de certains exercices de simulation avec des acteurs du Cours Florent. Pour une unité d’enseignement complémentaire pour les externes sur la médecine narrative, lors d'une séance sur le cinéma, un des films de l’association a aussi été projeté.

Mais pour le moment, le projet cinématographique qui occupe Kendrys c’est son prochain moyen métrage : Il va bientôt pleuvoir. Tourné en partie cet été, il aborde la drépanocytose et la question de la douleur chronique.

« C’est une maladie compliquée qui concerne beaucoup de personnes mais est très peu connue. Nous voulions notamment évoquer le rapport à la douleur, comment vivre son couple avec la maladie, etc. ». Il espère que le film pourra être prêt pour le premier trimestre 2023.


Source : lequotidiendumedecin.fr