Environ 500 000 patients atteints d’obésité morbide, avec ou sans troubles métaboliques (dont le diabète) ont déjà été opérés par chirurgie bariatrique en France depuis les années 1990, toutes techniques confondues. Sleeve, bypass, switch duodénal : le choix de la technique doit être personnalisé, raison pour laquelle un « chirurgien métabolique » doit toutes les maîtriser, et savoir également en faire la conversion ou la révision, si un patient reprend du poids et que son diabète récidive, ou en cas de complications spécifiques comme un reflux gastro-œsophagien, par exemple.
Des résultats dépendants de la technique utilisée
« La pose d’un anneau gastrique est de moins en moins pratiquée, c’est devenu une technique de niche en France, explique le Pr Antonio Iannelli, du service de chirurgie digestive et transplantation hépatique au CHU Nice. Il fonctionne uniquement sur un mécanisme de restriction et ses effets sur le diabète sont liés exclusivement à la perte de poids. D’autres techniques restrictives sont plus performantes : la plus pratiquée (deux tiers des patients opérés) est la gastrectomie longitudinale ou « sleeve », qui consiste à réséquer les quatre cinquièmes de l’estomac en le transformant en tube long et étroit. Ses bons résultats s’expliquent doublement : non seulement le patient mange moins, mais l’opération joue également sur les mécanismes neurohormonaux impliqués dans l’homéostasie du glucose, et donc sur la rémission du diabète, ainsi que sur la sensation de faim. »
Avec le bypass gastrique, qui rajoute un court-circuit intestinal, les résultats sont encore meilleurs : de 50 à 70 % des patients mis en rémission à deux ans. Plus le court-circuit est distal et important, plus l’effet métabolique l’est aussi : c’est le cas du switch duodénal, qui représente environ 1,5 % des procédures à l’étranger et en France avec, pour contrepartie, un risque accru de dénutrition protidique, de carences en vitamines et en oligoéléments (lire encadré). Le switch est ainsi réservé aux patients métaboliques, avec une obésité extrême.
Le poids avant tout
C’est la perte de poids qui agit de façon prépondérante sur la rémission diabète ; elle s’associe à une diminution de l’inflammation systémique, donc à une baisse de la résistance périphérique à l’insuline. « Il s’agit du mécanisme principal, ce qui explique aussi un possible rebond du diabète en cas de reprise de poids », prévient le Pr Iannelli. D’autres mécanismes entrent en jeu, faisant intervenir les facteurs neurohormonaux comme la ghréline (qui diminue) ainsi que les incrétines comme le GLP-1 (glucagon-like peptide) et le GIP (glucose-dependant insulinotropic peptide), qui augmentent et qui potentialisent l’effet du glucose sur la sécrétion d’insuline. « La chirurgie s’accompagne d’une baisse de l’appétit liée à celle de la ghréline, et d’un ralentissement de la vidange gastrique. Juste après l’intervention, les patients mangent très peu (autour de 400 à 500 kcal par jour). Indépendamment du reste, cette mesure favorise une perte de poids rapide et une amélioration immédiate du diabète », raconte le Pr Iannelli.
Mais, si ces effets ont bien été démontrés dans les suites immédiates de la chirurgie, ce n’est pas le cas à moyen et à long terme. Certains mécanismes neurohormonaux s’émoussent et sont moins importants après 12 ou 24 mois. « C’est pourquoi, sur le long terme, c’est la perte pondérale qui compte. Tant qu’elle persiste, il est plus facile d’avoir un contrôle partiel ou total du diabète, même si tous les patients ne répondent pas de façon similaire. Les facteurs de moins bon pronostic sont le sexe masculin, un diabète évolutif depuis plus de dix ans, un traitement par plusieurs antidiabétiques, le fait que le diabète soit devenu insulinorequérant. Cela s’explique par l’épuisement des cellules bêtapancréatiques, souligne le Pr Iannelli. Néanmoins, sur des modèles de souris, il a été montré que celles-ci pouvaient se régénérer et la sécrétion d’insuline, être restaurée, après chirurgie bariatrique, permettant aux îlots de redevenir fonctionnels. Des micro-ARN-s, non codants, seraient responsables de la régulation de l’expression des gènes impliqués dans la sécrétion de l’insuline ».
Entretien avec le Pr Antonio Iannelli (service de chirurgie digestive et transplantation hépatique, CHU Nice)