L’autorisation (partielle) de l’autoconservation ovocytaire

Publié le 24/06/2022
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La loi a entrouvert la porte de l’autoconservation ovocytaire sans raison médicale en France. Auparavant, la préservation de la fertilité était uniquement autorisée pour des pathologies malignes, qui nécessitent un traitement par chimio ou radiothérapie, pour des pathologies qui peuvent altérer la fertilité (immunologiques, pathologies bénignes ovariennes, endométriose, drépanocytose), ou en cas d’insuffisance ovarienne prématurée (syndrome de Turner, prémutation X fragile).

La préservation sans indication médicale, souvent appelée « sociétale », c’est-à-dire dans le but de lutter contre la chute de la fertilité liée à l’âge, n’était pas autorisée en France. Les femmes qui la souhaitaient devaient se rendre en Espagne ou en Belgique. Cela concerne les femmes qui n’ont pu avoir d’enfant à l’âge où leur fécondité est optimale et voient le temps passer sans avoir rencontré de futur partenaire possible. L’autoconservation a trop souvent été associée à l’image de femmes carriéristes, qui n’auraient pas pris le temps de faire un enfant, alors que toutes les études récentes démontrent que celles qui y recourent le font très majoritairement parce qu’elles sont seules, et voient leur horloge biologique avancer ! Une étude américaine a ainsi montré une corrélation entre le nombre de femmes célibataires aux États-Unis et le nombre de demandes d’autoconservation.

Pas de centres privés

La loi a donc ouvert en France l’autoconservation, mais uniquement dans les centres autorisés, à partir du 29e et jusqu’au 37e anniversaire de la femme, et a accordé sa prise en charge par l’Assurance-maladie (seuls les frais annuels de conservation restent à sa charge). Jusqu’au décret d’application du 30 décembre 2021, nul ne savait quels seraient les centres autorisés. Celui-ci a précisé que, à titre transitoire, seuls seront autorisés à pratiquer les nouvelles activités de conservation des gamètes, les établissements actuellement autorisés à la préservation médicale (déjà débordés d’indications médicales urgentes, par exemple avant le début d’une chimiothérapie qu’on ne doit pas reculer) et ayant le statut d’établissements publics de santé ou privés à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier, titulaires d’une autorisation accordée pour l’activité de prélèvement d’ovocytes en vue de don et respectant la même condition de statut.

Cela n’étant que transitoire, deux nouvelles autorisations, soumises aux schémas régionaux d’organisation des soins (Sros), seront créées en 2023 :

- Prélèvement d’ovocytes en vue de leur conservation pour la réalisation ultérieure d’une assistance médicale à la procréation en application de l’article L. 2141-12

- Activités relatives à la conservation des gamètes en vue de la réalisation ultérieure d’une assistance médicale à la procréation en application de l’article L. 2141-12.

Au total, sur les 104 centres français une quarantaine de centres d’AMP sont temporairement autorisés à pratiquer l’autoconservation sans raison médicale.

Des limites discutables

La France est le seul pays au monde à prendre en charge financièrement l’autoconservation, en revanche elle en a strictement limité l’accès. Sur le plan de l’équité sociale, c’est un bien ; mais, sur le plan de l’équité entre toutes les femmes, cela se discute, puisqu’une femme peut faire un enfant en couple homme-femme, en couple de femmes ou en solo jusqu’à 45 ans.

N’aurait-il pas été plus juste de rembourser entre 29 et 37 et d’autoriser, mais sans rembourser, jusqu’à une limite à discuter, autour de 40 à 42 ans (même si les chances de succès de l’autoconservation vont en diminuant avec l’âge) ?

L’exclusion des centres privés, qui réalisent environ la moitié des activités d’AMP en France, a profondément choqué les professionnels de la médecine de la reproduction qui, à la quasi-unanimité, souhaitaient que la conservation ovocytaire soit accessible dans tous les centres d’AMP, publics ou privés, sans avoir besoin de nouvelles autorisations des Agences régionales de santé.

Conséquences des limitations de la loi, depuis le 1er janvier 2022, les centres autorisés croulent sous les demandes d’autoconservation sans raison médicale. Et les femmes de 37 ans et plus, exclues de la loi française font, par dépit, des demandes de grossesse en solo ou vont à l’étranger. Le tourisme procréatif en Espagne ou en Belgique a encore de belles perspectives devant lui !

Exergue : « L’exclusion de ceux qui réalisent près de la moitié des activités d’AMP en France a profondément choqué les professionnels »


Source : lequotidiendumedecin.fr