Nouveau métier en pleine expansion, le coordinateur de santé en maisons de santé pluridisciplinaires est un professionnel multitâche. Qui sont ces candidats qui se sont lancés dans l’aventure ? Et comment se positionnent-ils vis-à-vis des équipes médicales et paramédicales des MSP ? Pleins feux sur une fonction dont les MSP ne pourront bientôt plus se passer…
Née avec la mise en place des Nouveaux Modes de Rémunérations (NMR), la fonction de coordinateur de maisons de santé est très récente. Le poste a des contours adaptables aux besoins de chaque Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP). Inutile de chercher un profil type : le métier de coordinateur attire des candidats aux parcours aussi variés qu’originaux. Les partisans du « tout médical » prônent une coordination des MSP par du personnel issu du sérail. Et de nombreux soignants désireux de s’enrichir en compétences complémentaires optent ainsi pour une activité de coordination.Rachel Valladont, Infirmière Asalée (Action de santé libérale en équipe) par exemple, coordonne la MSP de St Claude à Besançon. Cette infirmière est convaincue qu’être soignant et coordonner est un plus. Un avis que partage Elodie Gazeau qui cumule son poste d’infirmière et la coordination de la Maison de Santé Atlas sur la Communauté de Communes Loire Layon Aubance. « Pour comprendre les contraintes et assurer cette fonction, être un soignant est un atout », explique-t-elle.
Pourtant, nombre de coordinateurs découvrent le monde médical en même temps que ce nouveau métier. C’est le cas d’Annie Restif, manager du Pôle Santé du Pays de Mayenne, formée aux biotechnologies et riche de 22 années d’expérience dans un laboratoire en tant que responsable technique de microbiologie. Le souhait d’une reconversion professionnelle la conduit vers un Master 2 en Economie et gestion des établissements médico-sociaux avec l’objectif de diriger un jour un EHPAD. François-Xavier Cousineau, n’est pas non plus issu du secteur médical ou paramédical. Diplômé d’un Master 2 en Management des Organisations sanitaires et médico-sociales, il a passé quelques années à l’ARS Haute-Normandie en tant que chargé de portefeuille d’établissements sanitaires et inspecteur désigné/gestionnaire des plaintes et réclamations. Il est aujourd’hui coordinateur de la Maison de Santé du Pays Neufchâtelois.
Parmi les profils originaux, également celui de Céline Maciejowski, coordinatrice de la MSP de GAP. Centralienne de formation, Céline a passé 17 ans chez PSA offrant à l’entreprise ses compétences d’ingénieur généraliste avant d’intégrer l’équipe de coordinateurs Facilimed et de devenir Responsable de la région PACA/Corse pour cette société. Les contrats de travail liant les coordinateurs aux MSP sont tout aussi hétéroclites. Pleins temps sur un site unique ou une MSP multi-sites, temps partiels, temps partagé avec une activité médicale ou paramédicale… il n’y a pas de schéma prédéfini. Les contrats d’adaptent aux besoins de chaque MSP, tout comme le contenu du poste, tant il peut englober de tâches. Combien sont-ils au juste ? Même Mathieu Dubois, directeur de Facilimed, qui propose ces profils aux MSP, avoue ne pas savoir au juste.
Le couteau suisse dans une MSP
En fait, le coordinateur doit assumer l’ensemble des responsabilités nécessaires au bon fonctionnement d’une MSP. En raison du lien qui unit le poste de coordinateur aux nouveaux modes de rémunération (NMR), de nombreuses tâches administratives lui incombent. Elles s’ajoutent à la gestion du quotidien, à la réalisation des plannings, l’organisation des congés, des remplacements, des heures supplémentaires, à la comptabilité, l’élaboration, la rédaction et le suivi de projets, au suivi des indicateurs émis par les tutelles dans le cadre des NMR, à l’animation de réunions, la supervision du système informatique, les ressources humaines, le secrétariat… La fonction requière aussi la capacité à développer des partenariats avec les instances extérieurs aux MSP (mutuelles, SSIAD, ARS…).
Anne Rocher, qui coordonne le Pôle santé du Sud-Ouest Mayennais complète cette liste très extensible par la nécessaire articulation des projets de la MSP avec les usagers qu’elle souhaite impliquer. « Je suis avant tout l’interface entre les professionnels de santé et les institutions, explique Céline Maciejowski. Nous devons proposer aux équipes des missions de santé publique en répondant au cahier des charges des appels à projets de la région. C’est un gain de temps important pour les équipes des MSP ». François-Xavier Cousineau ajoute que son rôle consiste à apporter des éléments d’aide à la prise de décision sur les sujets pour lesquels il est sollicité : « Il ne faut pas hésiter à sortir des missions préalablement définies, faire preuve d’initiative et d’autonomie dans le seul objectif de permettre aux professionnels de santé de se consacrer pleinement à leur activité de médecine et de soins ». Accompagner, proposer, soutenir les projets de la MSP, tel est le cœur du métier de coordinateur qui ne peut exister sans l’implication constante de l’ensemble des acteurs de la MSP avec lesquels il faut composer.
Ni chef, ni subordonné
« Les compétences de gestion de projets et le sens du service sont essentiels. Le coordinateur arrive dans une équipe dont il n’est pas le dirigeant et se met au service d’une équipe pluri professionnelle dont parfois le modèle de gouvernance n’est pas stabilisé, » explique Mathieu Dubois. Magalie Bessière, coordinatrice Facilimed et responsable de la région Occitanie/Aquitaine plante elle aussi le décor : « Première règle, il n’y a pas de chef dans une maison de santé. Si vous pensez qu’il peut y en avoir un, c’est que vous avez en tête un système pyramidal qui n’a pas lieu d’être. Les maisons de santé sont des structures horizontales par essence. Les compétences sont mutualisées au service des patients dans un mode d’exercice managérial participatif ».
Les coordinateurs sont formels : aucun d’entre eux ne se positionne comme chef d’équipe. Nolwenn Vandenbergue, orthophoniste et coordinatrice du pôle Santé Ouest Anjou, parle d’une « neutralité » indispensable avec l’ensemble de ses collègues. Elle veille à surtout ne pas s’immiscer dans l’exercice professionnel des uns et des autres. Et si elle n’est pas leur chef, elle n’est pas non plus leur subordonnée. Anne Rocher d’ajouter : « Nous devons être capables de prendre de la hauteur afin d’avoir une vision globale des projets et des actions. Nous proposons mais n’imposons pas ». Pas toujours évident cela dit, de se positionner vis-à-vis des équipes de la MSP,reconnaît Céline Maciejowski : « On débarque dans une structure et c’est à nous de prouver l’intérêt de notre présence à des équipes qui peuvent ne pas la percevoir d’emblée. Nous devons tenir compte de l’existence de personnalités très différentes au sein d’une même maison. »
Tous reconnaissent que le travail relationnel à accomplir est important, que les rythmes et aspirations vis-à-vis du coordinateur peuvent diverger et qu’il leur arrive de gérer des mésententes. François-Xavier Cousineau en convient : satisfaire une dizaine d’employeurs ayant parfois des attentes très différentes représente un défi. Que dire lorsque ces professionnels sont répartis sur des sites géographiques distincts ! A cela s’ajoutent les particularités du mode d’exercice libéral. Se faire aider n’est pas toujours naturel pour des libéraux, remarque Annie Restif. « Nous les aidons à ce que cela le devienne. Je me mets au service des équipes dans le respect et la bienveillance ». A charge donc pour le coordinateur d’orchestrer, de trouver un fil conducteur, de faire en sorte que chacun ait sa place dans le respect de chaque culture professionnelle. Quant à la reconnaissance du travail accompli, Rachel Valladont dit n’en attendre aucune : « si le projet aboutit, c’est positif pour le patient et très réconfortant pour le coordinateur ».
Apprendre au quotidien
Travailler en équipe est l’un des atouts majeurs de la fonction de coordinateur, qui apporte aussi son lot de satisfactions et d’enrichissement professionnels. La pluralité des missions permet aux coordinateurs d’acquérir une expérience dans l’organisation du travail et dans la relation avec les professionnels de santé. Nolwenn Vandenbergue reconnaît que la coordination lui offre la possibilité de mettre en place « des actions inhabituelles lorsqu’on exerce en libéral et de découvrir la gestion d’équipe ». Faire de la coordination est pour elle et ses confrères une ouverture par rapport à leur métier d’origine. Elle trouve une gratification dans les tâches accomplies avec succès, notamment la mise en place de projets pluri-professionnels, de protocoles ou l’intégration réussie des nouveaux professionnels dans la MSP. Magalie Bessière parle de métier de service en création permanente : « il faut comprendre les enjeux de la politique de santé, les enjeux des équipes, les enjeux du territoire ». Il s’agit d’une fonction tellement complète que la question de la formation demeure quelque peu en suspend.
Une formation adaptée ?
Et l’on cherche la clef permettant d’aborder sereinement ce métier aux multiples facettes où la monotonie n’a pas sa place. Le poste exige des compétences en secrétariat, en ressources humaines, en gestion/comptabilité, en management mais aussi des capacités relationnelles, d’adaptation et de réactivité. Et surtout, un certain charisme. « Nous devons savoir mobiliser les professionnels, planifier, organiser, mettre en œuvre, évaluer, structurer, soutenir », liste Anne Rocher. Existe-t-il une formation apte à enseigner toutes ces compétences ? Si l’EHESP a mis en place un cursus destiné à former des coordinateurs de MSP, peu de ceux qui opèrent sur le terrain détiennent une formation spécifique à la coordination. C’est chez PSA que Céline Maciejowski a acquis ses compétences en management, organisation et logistique si précieuses au métier de coordinateur. Nolwenn Vandenbergue, n’a quant à elle suivi aucune formation car la mise en place de la fonction qu’elle occupe s’est faite progressivement avec la transformation de l’association dont elle était la secrétaire, en SISA. « Je me suis formée à l’éducation thérapeutique du patient en 2013 et vais suivre une formation à la coordination d’un programme d’ETP en 2017 », confie-t-elle.
Le parcours de cadre de santé de Magalie Bessière complété par un master 2 en management des organisations de santé ne la destinait d’emblée pas au métier de coordinateur. Ses compétences dans le domaine de la coordination, elle les a acquises en multipliant les expériences professionnelles en milieu associatif, en établissement PSPH et dans la fonction publique. Magalie a tout de même suivi une formation continue en ressources humaines. Ce qui compte surtout explique-t-elle, c’est « la compréhension des logiques à l’œuvre dans les divers champs d’activité afin de réaliser les interfaces, de faciliter les relations et de fluidifier la réalisation de projets ».
Pour d’autres comme Elodie Gazeau, participer à des journées de formation et des ateliers organisés par l’Association des Pôles et Maisons de Santé des Pays de la Loire, contribue à mieux maîtriser les différents aspects du métier. « Nous créons nos propres fiches de postes », explique cette coordinatrice, peu convaincue par l’utilité d’une formation officielle. Elle reconnaît tout de même manquer de compétences sur les techniques d’animation « pour apprendre à transformer des idées en projets ». Elle suivrait volontiers une formation en e-learning.