Soutien de la première heure d’Emmanuel Macron, le neurologue hospitalier a succédé au pied levé à Agnès Buzyn avenue de Ségur. Expert des dossiers de santé, le député de l’Isère de 39 ans devra déployer des trésors de diplomatie et de persuasion pour rassurer l’hôpital public en surchauffe et les médecins généralistes bousculés par la réforme des retraites et la crise démographique.
La campagne des élections municipales a occasionné un remaniement ministériel plus précoce que prévu. La candidature d’Agnès Buzyn comme tête de liste pour La République en Marche (LREM) à Paris, en remplacement de Benjamin Griveaux qui a jeté l’éponge après la diffusion de vidéos sexuelles à son encontre, a entraîné dimanche dernier un spectaculaire jeu de chaises musicales dans le monde de la santé.
Le Dr Olivier Véran, neurologue de 39 ans au CHU de Grenoble, est le grand bénéficiaire de ce chamboule-tout. Le député LREM de l’Isère a en effet été nommé ministre des Solidarités et de la Santé. Expert des questions de santé, très investi lors de l’élaboration des budgets de la Sécu, le parlementaire avait été nommé en janvier rapporteur du volet organique de la réforme des retraites. Ces dernières années, il a progressivement gravi tous les échelons dans le monde sanitaire jusqu’à décrocher le maroquin abandonné ce dimanche par sa consœur Agnès Buzyn.
Génération Macron
Membre influent de la galaxie santé d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, le neurologue avait déjà été pressenti en mai 2017 pour être ministre de la Santé. Il avait alors été coiffé sur le poteau et à la surprise générale par l’ex-présidente de la HAS.
S’il incarne un certain renouveau de la classe politique, Olivier Véran jouit déjà, malgré son jeune âge, d’une solide expérience politique. Il s’est distingué dans une première vie en tant que syndicaliste. Porte-parole de l’ISNIH, il était aux avant-postes lors de la grève nationale des internes de l’automne 2007 contre la remise en cause de la liberté d’installation par Nicolas Sarkozy. Il fut ensuite président de l’Association des assistants des hôpitaux de Grenoble.
Après avoir décroché un diplôme de Sciences Po Paris en gestion et politique de santé, il s’est ensuite engagé en politique en 2012. L’intéressé, qui dit avoir « le cœur à gauche », a su mener une carrière adroite.
Premières armes au PS
Sous les couleurs du Parti socialiste (PS), le suppléant de Geneviève Fioraso devient une première fois député de l’Isère (2012-2015) à la faveur de l’entrée au gouvernement de la ministre de l’Enseignement supérieur. Pendant ces trois ans, il est particulièrement actif au palais Bourbon, où il siège à la commission des affaires sociales, et suit les dossiers santé. Le jeune parlementaire est souvent au bon endroit au bon moment. Opportuniste, il profite à l’automne 2014 de la démission du frondeur Christian Paul, député PS expérimenté, pour devenir rapporteur maladie du PLFSS. Ce seront ses premiers faits d’armes. Il sera ensuite sous les feux des projecteurs en 2015 en tant que rapporteur pour le volet prévention de la fameuse loi de santé de Marisol Touraine, très décriée par la profession. Il s’illustre en défendant ce texte qui comprenait notamment le plan anti-tabac et la lutte contre le binge drinking. Il combat l’extrême maigreur des mannequins, qui devront désormais fournir un certificat médical attestant qu’elles ne sont pas excessivement maigres. Plus récemment, il fait voter dans le budget de la Sécu pour 2020 l’expérimentation du cannabis thérapeutique ou encore la création d’une taxe modulable sur les boissons gazeuses sucrées.
En moins de dix ans, ce novice en politique s’est vite aguerri, et a su imposer ses idées. Ces dernières années, il s’est impliqué sur plusieurs sujets médiatisés : le coût exorbitant de l’intérim à l’hôpital (médecins mercenaires) qui a entraîné la création d’un corps de PH remplaçants, l’autorisation du don du sang aux homosexuels ou encore l’ouverture de salles d’injection supervisée qui permettent selon lui « de sauver des vies ». Il a proposé et obtenu que les bénéficiaires de l’Aide à la complémentaire santé (ACS) soient exonérés des différentes participations et franchises médicales.
Après cette première expérience parlementaire, il s’est ensuite engagé dans la politique locale, en devenant conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes en décembre 2015.
Avant tout un spécialiste de l’hôpital
Candidat malheureux à la présidence de la FHF en septembre 2016, le Dr Véran est avant tout un acteur investi de la politique hospitalière. Il est notamment l’auteur d’un rapport en deux volets sur l’évolution des modes de financement des établissements de santé, dans lequel il invite à expérimenter des alternatives au tout T2A. À l’occasion du budget de la Sécu pour 2015, il a obtenu l’expérimentation d’« hôtels hospitaliers » à proximité des établissements pour réduire les durées de séjour (une nuit étant de 60 euros dans ces structures alors qu’un jour d’hospitalisation coûte environ 1 500 euros). Il s’est récemment mis à dos les représentants des médecins libéraux en défendant l’instauration d’un forfait de réorientation (qui sera expérimenté pendant deux ans à partir du 30 avril dans 30 services) visant à payer les urgences hospitalières pour qu’elles renvoient des patients non urgents vers la ville.
« Olivier Véran est un député imaginatif, ses idées sont souvent originales et dans la ligne sociale du gouvernement », nous confiait il y a quelques années le Dr Claude Pigement, ancien responsable santé du PS.
Plusieurs dossiers à déminer
Très actif sur Twitter, où il distille sans filtre les bons et les mauvais points, Olivier Véran avait tenu à conserver une activité de PH pour garder un contact avec le terrain.
Bon orateur mais parfois considéré par ses détracteurs comme dogmatique et un peu trop sûr de lui, Olivier Véran aura la lourde tâche de reprendre en main un ministère sous pression, en pleine épidémie de coronavirus, alors qu’a débuté l’examen au Parlement de l’épineuse réforme des retraites et que l’exécutif doit faire face à une interminable fronde des personnels hospitaliers (lire ci-dessous).
S’ils l’ont accueilli sans lui faire de procès d’intention, les syndicats de médecins libéraux restent vigilants. « Il connaît les dossiers mais a une vision très hospitalo-centrée, estime le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Le système de santé marche sur deux jambes, la médecine de ville et l’hôpital, et nous devons réfléchir à une meilleure collaboration. » « Ce serait une grande erreur de considérer qu’il n’y a que le monde hospitalier en souffrance », affirme pour sa part le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Le médecin attend des arbitrages favorables sur la réforme des retraites, le futur service d’accès aux soins qui devra associer les médecins libéraux, et l’application des tarifs de la permanence des soins pour le travail du samedi matin.
« La médecine libérale est loin d’être sortie de la crise », abonde le Dr Philippe Vermesch, président du SML. Alors que le gouvernement encourage le déploiement des forfaits, le syndicat réclame en priorité le retour d’une rémunération à l’acte. Le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, demande pour sa part la revalorisation de la visite à domicile. Selon lui, des négociations conventionnelles s’imposent pour donner aux généralistes les moyens d’intervenir dans le cadre du futur service d’accès aux soins et d’éviter des « solutions locales artisanales » ou la dérégulation de la médecine avec des projets santé hors-sol comme celui d’Amazon.