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Un médecin peut-il louer des équipements médicaux et en tirer profit ?

Publié le 03/06/2024

Besoin d’une aide juridique dans le cadre de votre activité médicale ? Les lecteurs du « Quotidien » ont soumis leurs questions à Maître Maud Geneste, avocate au cabinet Auché, experte dans le conseil et la défense des professionnels de santé et partenaire du journal.

DOC
Bonjour maître,
Je suis cardiologue avec comme activité principale une activité libérale par mandatement dans un hôpital publique (+salariat à l’AP-HP et en centre de santé). Je dispose personnellement de quelques dispositifs de mesure de recherche, de mon invention (plus de brevet actif).
Un collègue universitaire britannique souhaite me louer un de ces appareils pour ses recherches. Le loyer sera modéré, principalement pour absorber les frais (adaptation éventuelle du dispositif, envoi, assurance, note de confidentialité…). Mon objectif est de favoriser l’utilisation de ces dispositifs en recherche afin d’améliorer la connaissance scientifique et, à terme, la prise en charge des patients, sans en attendre un quelconque bénéfice commercial.
Afin d’éviter tout problème avec le Conseil de l’Ordre, puis-je louer directement ce dispositif (activité de médecin libéral ou à titre personnel), ou en tant qu’autoentrepreneur (chiffre d’affaires sous le plafond), ou dois-je créer une autre structure ?
Merci de vos conseils.
Maître Maud Geneste
Cher Docteur,
Aux termes de l'Article 26 du Code de déontologie (article R.4127-26 du code de la santé publique) :
« Un médecin ne peut exercer une autre activité que si un tel cumul est compatible avec l'indépendance et la dignité professionnelles et n'est pas susceptible de lui permettre de tirer profit de ses prescriptions ou de ses conseils médicaux ».
Le Conseil national de l'Ordre est venu préciser à propos de cet article, qu'il prohibe le cumul de l'exercice médical avec une autre activité voisine du domaine de la santé, exposant à un « autocompérage ». L'autocompérage s'entend comme le fait de tirer profit d'une activité économique au détriment du libre choix du patient.
Toujours selon les termes du CNOM : « Les professions exposant à "l’autocompérage" ne peuvent être exercées conjointement avec la médecine, par exemple (...) fabricant ou vendeur d'appareils médicaux ».
Vous n'êtes donc théoriquement pas autorisé à cumuler votre activité médicale avec la fabrication, la vente ou la location d'appareils médicaux que vous utiliseriez vous même, au risque d'entraver votre indépendance professionnelle , et le libre choix du patient (le choix d'utilisation de ce matériel étant fatalement orienté).
S’agissant de l’exercice en SEL, l’article R.4113-13 du code de la santé publique interdit « la détention directe ou indirecte de parts ou d’actions représentant tout ou partie du capital social à toute personne physique ou morale exerçant sous quelque forme que ce soit :
a) soit une autre profession médicale ou paramédicale ;
b) soit la profession de pharmacien d'officine ou de vétérinaire, soit la fonction de directeur ou de directeur adjoint de laboratoire d’analyses de biologie médicale ;
c) soit l'activité de fournisseur, distributeur ou fabricant de matériel ayant un lien avec la profession médicale et de produits pharmaceutiques, ou celle de prestataire de services dans le secteur de la médecine ».
Tout ceci étant rappelé, je vous invite à interpeller votre Ordre sur le caractère résiduel de cette activité, et le fait qu'elle ne vous procurerait aucun profit.
Bien à vous.
 

Me Maud Geneste - Avocat
🏠 1, rue Saint Firmin, 34000 Montpellier
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✉  m.geneste@ah-avocats.fr

 


Source : lequotidiendumedecin.fr