La crise sanitaire liée au Covid a catalysé l’utilisation des outils numériques dans tous les domaines de la santé, et l’éducation thérapeutique du patient (ETP) n’y a pas échappé. Cela n’a pas pu se faire sans adaptation et transformation des pratiques. Force est de constater que l’épidémie, les mesures de confinement et/ou de distanciation physique limitent la mise en œuvre des programmes d’ETP en présentiel.
Une enquête de la Société européenne d’éducation thérapeutique (Sete), au temps du premier confinement, montre que 70 % les séances d’ETP, individuelles ou collectives, réalisées dans le cadre de programmes autorisés par les ARS, ont été reportées voire annulées, et cela malgré la préconisation par la HAS de les maintenir, dans la fiche « Assurer la continuité de la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques somatiques pendant la période de confinement en ville, réponses rapides dans le cadre du Covid-19 ». Il y est recommandé, pour les patients malades chroniques, de « poursuivre les séances d’éducation thérapeutique en individuel par visioconférence ou par téléphone en fonction de l’équipement… ». Pour le tiers des programmes restant, une majorité ont maintenu des activités éducatives à distance.
D’autres équipes ont privilégié les soins, grâce à la téléconsultation, en y intégrant une ETP personnalisée. Enfin, d’autres encore ont développé des interventions directement en lien avec la crise : atelier sur les gestes barrières, gestion des situations anxiogènes… Ce constat souligne la fragilité des activités ETP et le faible niveau d’importance qui lui a été accordée au cours de cette période.
La lourdeur de la gestion administrative des programmes a été un frein important, face à un besoin d’adaptation, dans l’urgence, des contenus et des formats, sans compter que l’accès aux supports numériques a été parfois difficile.
Des ressources multiples à mobiliser
Pour répondre à ces besoins, les pôles de ressources en ETP de plusieurs régions se sont mobilisés. Des webinaires ont permis de coopérer, d’apprendre des autres, de se soutenir, créer un lien social. Ils ont montré les capacités d’agir des collectifs (professionnels de santé, associations de patients, acteurs sociaux, et même les institutions). Des guidances ont été publiées. Des formations ont permis d’aborder le choix du matériel, l’animation à distance.
Une attention particulière doit être portée au risque de fracture numérique (le matériel, le réseau, l’appropriation des solutions du numérique).
Les intentions pédagogiques, alors, cherchent à faire produire, collaborer, participer activement, encourager le raisonnement, intégrer le ludique dans les apprentissages. Une vraie transformation est donc nécessaire : nouvelles organisations du travail, fonctions de coordination qui se muent vers des coopérations plus horizontales et transversales, nécessitant un engagement personnel et collectif, aussi bien pour les professionnels que pour les patients, avec des enjeux de co-animation et de pratique en binôme patient-professionnel.
La formation à l’intégration du numérique dans les pratiques éducatives et l’expérimentation sont indispensables. Cela conduit à réfléchir sur les contenus du travail, à mieux prendre en compte l’expérience des patients, développer la coopération et mettre en commun des matériaux produits, avec une évaluation plus adaptée.
Une nouvelle étape débute, celle de l’e-ETP, avec ses possibilités d’amplification du présentiel, permettant, en plus, d’apprendre en mobilité, avec un accès distant aux ressources.
Service d’endocrinologie, Hôpital Cochin, Paris