Après la signature des accords pour l’hôpital, la ville voulait elle aussi son Ségur. Pendant plusieurs mois, les syndicats de médecins libéraux et l’Assurance maladie se sont donc mis autour de la table pour négocier : l’accord conventionnel interpro sur les CPTS d’un côté, et l’avenant 9 de l’autre, consacré aux soins non programmés, à la visite à domicile et à la télémédecine. Mais à quelques mois des élections URPS, l’Assurance maladie, qui souhaitait aller vite sur ces sujets, avait dû se rendre à l’évidence : aucune signature ne serait possible avant les élections. Cette question désormais réglée, les syndicats, entre lesquels un nouveau rapport de force a été établi, vont pouvoir revenir à la table des négociations. Les discussions ont repris dès la semaine dernière sur l’avenant 9, pour une conclusion d’ici la fin du mois de juillet. Au grand dam des médecins, la revalorisation globale de l’acte ne semble pas être au menu, mais des avancées sont attendues, notamment sur la visite à domicile, la rémunération de la régulation et la prise en charge des soins non programmés. D’autant plus que la convention a été prolongée et ne sera renégociée qu’après l’élection présidentielle. Reste à savoir si l’Assurance maladie sera prête à dépasser l’enveloppe de 550 millions d’euros proposée en décembre dernier et jugée insuffisante par les syndicats.
La visite
Trop longue, trop complexe, pas assez rémunératrice, la visite à domicile est de moins en moins pratiquée par les médecins généralistes en France. « Faire des visites, c’est se pénaliser soi-même », estimait le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, dans une interview donnée au Généraliste il y a quelques mois. « J’ai le temps de faire quatre consultations sur le temps d’une visite », avançait à son tour le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S. Pourtant, aujourd’hui, le tarif de la visite à domicile (35 euros) est à peine plus élevé que celui de la consultation en cabinet (25 euros). Sa revalorisation est donc au cœur des attentes des syndicats de médecins libéraux. Ils espèrent que les prochaines négociations avec l’Assurance maladie permettront de trouver un terrain d’entente pour une revalorisation « significative » de la visite. MG France, la CSMF, la FMF, l’UFML-S et le SML, tous s’accordent d’ailleurs pour aligner le prix de la visite sur celui de la consultation longue (60 euros + 10 euros pour le déplacement) pour les patients âgés, polypathologiques et dépendants. Cette revalorisation tarifaire relève aussi d’un enjeu social, selon les syndicats. « Il s’agit de l’enjeu de l’accès aux soins pour les populations âgées et dépendantes. Si l’on veut maintenir à domicile ces populations, les visites doivent être revalorisées, particulièrement pour les patients en ALD et les patients les plus âgés », déclarait le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, à l’occasion d’une conférence de presse.
Soins non programmés
Les syndicats espèrent que les prochaines négociations leur permettront de faire avancer ce dossier, jugé prioritaire par MG France comme par la CSMF. La tribune publiée dans le Journal du dimanche le 13 juin dernier, défendant le numéro dédié à la médecine ambulatoire (116-117), illustre le consensus des praticiens autour du service d’accès aux soins (SAS), souhaité par le président de la République et actuellement « en expérimentation » dans une dizaine de sites en France. Mais le projet coince sur la question de la rémunération des effecteurs et régulateurs, faute d’accord pour le moment avec l’Assurance maladie. Revendication partagée par les libéraux : le tarif plancher de régulation à 105 euros de l’heure, loin des 85 euros proposés par Thomas Fatôme, directeur général de l’Assurance maladie. Pour les effecteurs, ce dernier souhaitait l’instauration d’un forfait trimestriel progressif en fonction du nombre d’actes SNP réalisés, avec un plafond de 75 actes. Le montant de ce forfait s’étalonnait entre 6 euros l’acte par trimestre et 8,80 euros pour les médecins qui en réalisent davantage. Trop peu pour les syndicats. Si certains, comme le Dr Jacques Battistoni ou le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, s’inquiètent car les propositions mises sur la table l’hiver dernier étaient « inacceptables », d’autres, comme le Dr Jérôme Marty, estiment que, dans tous les cas, le SAS n’est qu’une « rustine », qui ne résout pas le problème de fond : le manque de médecins généralistes.
Télémédecine
La crise sanitaire a vu l’envolée de la télémédecine, permise notamment par la prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie et l’assouplissement des règles de l’avenant 6, qui imposait le recours obligatoire à son médecin traitant dans les douze mois précédant une téléconsultation. Si cet aménagement ne devait être que provisoire, l’Assurance maladie souhaite travailler à une modification pérenne. Mais les syndicats veulent éviter un développement sauvage de la télémédecine, à l’image des cabines installées dans les supermarchés, et la prolifération des plateformes commerciales. La FMF appelle à les arrêter purement et simplement quand l’UFML-S demande à être agressif vis-à-vis d’elles et à maintenir la règle de la téléconsultation entre un médecin et un patient qui se connaissent déjà. Pour MG France, sur la télémédecine, une réflexion plus globale sera nécessaire, dans le cadre de la convention, « sur toutes les nouvelles formes d’exercice », mais pour l’instant il s’agit de « limiter la portée de l’avenant aux priorités ». Parmi celles-ci, pour tous les syndicats : la question de la télé-expertise et sa revalorisation. Aujourd’hui, pour le médecin requis, elle est rémunérée 12 euros. Un tarif qui explique pour leurs représentants que les médecins ne s’y précipitent pas et que le dispositif ne fonctionne pas bien aujourd’hui. « Un avis expert a du sens si cela a une valeur, estime le Dr Jean-Paul Ortiz. Il va donc falloir complètement revoir ces tarifications ». Pour la FMF, par exemple, il faudrait a minima doubler le tarif actuel pour proposer 25 euros.
Quid de l’accord sur les CPTS ?
Parallèlement à la négociation de l’avenant 9, les syndicats de médecins et d’autres professions de santé avaient entamé celle de l’avenant à l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) sur les CPTS. Une discussion bien entamée et même achevée pour l’Assurance maladie, qui offrait de doper financièrement ces outils de coordination sur lesquels le gouvernement mise particulièrement. L’ACI propose notamment d’augmenter significativement les enveloppes d’amorçage pour la création d’une CPTS. Elles passeraient de 50 000 à 87 500 euros pour celles de plus petite taille (moins de 40 000 habitants) et de 90 000 à 157 500 euros pour les plus grandes (plus de 175 000 habitants). Il est prévu que les CPTS déjà créées puissent en bénéficier rétroactivement et que, pour les nouvelles, une partie soit versée dès validation de la lettre d’intention par l’ARS.
Si 21 des 48 syndicats concernés étaient prêts à signer, cela n’a pas été le cas de ceux des médecins, qui ont tous refusé de le faire. Outre un temps de négociation jugé trop court, le point de désaccord principal concernait les équipes de soins primaires (ESP). Si l’Assurance maladie a renoncé à proposer un système unique pour aller vers l’expérimentation de plusieurs modèles, la question de leur financement n’a pas été réglée. La Caisse renvoyait donc ce sujet à des discussions ultérieures. De quoi justifier le refus de signature pour certains syndicats. L’avenant à l’ACI, pour être réellement mis en œuvre, devait a minima être signé par les catégories de professionnels de santé impliquées dans les CPTS sur les territoires, expliquait à l’époque l’Assurance maladie. Sans l’accord des médecins, quid donc de cet avenant pour lequel la Caisse ne semble pas disposée à rouvrir les discussions ?