Le long cheminement qui a abouti à la boucle fermée est passé par différentes étapes. « Il y a d’abord eu l’arrivée des capteurs de mesure continue du glucose, un grand progrès. Puis, l’accès à la pompe à insuline a été facilité, sans pour autant donner forcément de meilleurs résultats sur le contrôle glycémique que les multi-injections quotidiennes d’insuline. C’est finalement la technologie embarquée qui a permis la délivrance automatisée de l’insuline (hors repas), avec l’énorme avantage d’éviter les épisodes d’hypoglycémie et d’hyperglycémie, en particulier la nuit, où de nombreux facteurs (troubles du sommeil, cauchemars…) peuvent entraîner des variations imprévues de glycémie, explique le Pr Charles Thivolet (CHU de Lyon). Il reste encore une part humaine, dans la gestion de l’insulinothérapie avant les repas et de l’activité physique. Nous sommes, je pense, dans une période transitoire qui pourra être simplifiée à l’avenir. »
Un bouleversement pour les services
Après l’enthousiasme du début, face à ce système qui facilite la prise en charge, les équipes médicales comme les patients ont pris conscience que tout n’était pas aussi simple… C’est ainsi que la Société francophone du diabète (SFD) a élaboré un document encadrant la mise en place de l’insulinothérapie automatisée en boucle fermée (1). Il faut accompagner les patients, les former au dispositif. « Le patient doit recevoir une éducation thérapeutique spécifique, personnalisée. Cela demande du temps. Il faut y aller pas à pas : la mise en place d’une insulinothérapie en boucle fermée n’est pas une urgence médicale, il y a d’autres moyens de traitement », souligne le Pr Thivolet.
Cela ne va pas sans une équipe multiprofessionnelle investie, qui sera formée sur chacun des systèmes. « Nous sommes à un tournant dans l’organisation des soins, insiste le Pr Thivolet. C’est aussi l’occasion de repenser les financements, avec des forfaits spécifiques car il faut pouvoir répondre 24 heures/24 aux urgences métaboliques (ou autres) et surtout pouvoir mettre en place une télésurveillance. » Celle-ci est absolument indispensable pour garder le contact avec le patient tout juste équipé, qui doit être suivi de façon rapprochée au cours du premier trimestre afin d’optimiser le paramétrage du système.
Se passer de préalable
Actuellement, pour bénéficier d’une indication de boucles fermées, il faut notamment justifier au minimum trois mois de traitement par pompe. Or, l’étude Adapt (2) a bien confirmé l’intérêt et la sécurité du passage des injections, à la boucle fermée, sans cet apprentissage préalable. Dans cette étude, pour la première fois, les patients n’ont pas été hospitalisés : la mise en route de la boucle fermée s’est faite en consultation, avec une télésurveillance.
« L’étude Adapt montre ainsi qu’il n’y a pas besoin d’avoir une expérience de la pompe. Nous sommes en train de franchir une autre étape. Pourquoi passer par la phase pompe, alors que cela ne suffit pas ? Pourquoi perdre du temps ? Il faut espérer que les conditions de mise en route puissent s’élargir aux personnes sous multi-injections », souhaite le Pr Thivolet.
Les systèmes disponibles
Pour le moment, il y a deux systèmes remboursables. Le premier ayant obtenu le remboursement est le système Diabeloop DBLG1 (pompe Kaleïdo couplée avec le capteur Dexcom G6). « Malheureusement, la pompe a eu de nombreux problèmes techniques et la commercialisation a dû être interrompue. Mais elle va reprendre… Les patients doivent avoir une HbA1c supérieure à 8 %. »
Le second, le MiniMed 780G de Medtronic, couplé avec le capteur Guardian Sensor 4, a clairement montré son efficacité, notamment dans l’étude Adapt.
Un autre système est actuellement accessible dans le cadre d’un moratoire d’une année, qui prend fin prochainement, le Control-IQ (Tandem), association de la pompe à insuline T Slim X2 avec le capteur Dexcom G6, gérée via l’algorithme Control-IQ. Les discussions sont en cours concernant les indications, le remboursement, etc.
D’autres dispositifs sont en cours de développement : le système OmniPod 5 (déjà agréé par la FDA américaine), Diabeloop avec la pompe Terumo, Ypsopump avec Dexcom G6 et CamAPS FX, Medtrum Nano, etc. « Toutes ces perspectives sont enthousiasmantes et permettront d’offrir un large choix pour le patient, en fonction de son diabète, de ses besoins, de son mode de vie… », conclut le Pr Charles Thivolet.
Exergue « Nous sommes dans une période transitoire qui pourra être simplifiée à l’avenir »
Entretien avec le Pr Charles Thivolet (Lyon) (1) Franc S et al. Méd Mal Métab 2020(14)5 :S1(2) Choudhary P et al. Lancet Diab Endocrinol 2022(10)10: 720-31