Installé à quelques encablures à l’est de Lyon, entre l’école vétérinaire et les laboratoires de recherches de Sanofi, BioMérieux a implanté son siège social et un site de production à Marcy-l'Étoile. Historiquement connu pour ses vaccins - branche qu’il a cédée dans les années 1990 - le laboratoire lyonnais se spécialise aujourd'hui dans les tests diagnostiques, avec pour projet de « faire des médecins des prescripteurs avisés d’antibiotiques ».
Désormais, 80 % des 3,37 milliards de chiffre d’affaires du laboratoire familial sont « liés à la lutte contre l’antibiorésistance », affirme le Dr Mark Miller, directeur médical de BioMérieux. « Une pandémie silencieuse et sans fin », que le laboratoire ambitionne d'endiguer grâce au développement de tests in vitro. Septicémie, méningite, angine : ces tests de dépistages restent encore sous-utilisés, regrette le laboratoire. « Seulement 40 % des médecins généralistes déclarent faire de Trod en cas d’angine, c’est peut-être même moins en réalité », illustre ainsi le Dr Romaric Larcher, infectiologue et réanimateur au CHU de Nîmes.
Les patients peu informés
« Une minorité des patients sont informés sur ces tests in vitro », abonde Nadia Auzanneau, directrice générale adjointe d’Opinionway qui a réalisé un sondage pour le compte du groupe pharmaceutique fin septembre. Sur un échantillon de 1 000 Français représentatifs de la population, seuls 24 % disent savoir précisément ce qu’est un test diagnostique. Et un patient sur cinq, seulement, aurait déjà fait un test avant la prise d’une antibiothérapie sur les trois dernières années. Pour des cystites, des angines ou en vue d'une chirurgie programmée, dans l’immense majorité des cas, ces tests étaient réalisés à l’initiative d’un professionnel de santé.
Si huit patients sur dix se disent conscients que l’antibiorésistance est un problème majeur de santé publique, les trois quarts se sentent insuffisamment informés sur le sujet. Une lacune particulièrement importante chez les plus jeunes : 50 % des 18-24 ans disent n’avoir jamais entendu parler d’antibiorésistance.
Faire le bon choix
Pourtant, la situation est alarmante, rappelle le Dr Romaric Larcher, « chaque année 125 000 infections en France sont dues à des bactéries multirésistantes provoquant 5 500 décès ». Des statistiques qui font écho avec le quotidien de l’infectiologue : « hier une patiente en septicémie au CHU de Nîmes était infectée par une bactérie multirésistante, même aux carbapénèmes, il ne nous restait que trois ou quatre molécules pour la traiter », raconte-t-il. À l’avenir, le Dr Larcher attend beaucoup du lancement des centres régionaux d’antibiothérapie, qui permettront d'aiguiller les professionnels de santé, quels qu’ils soient.
Pour l’heure, pour prescrire le bon antibiotique au bon patient, les établissements peuvent toujours s’appuyer sur des PCR multiplex, « capables de screener les pathogènes impliqués », indique-t-il ou encore recourir à la spectrométrie de masse qui se délocalise de plus en plus au cœur même de l’hôpital. BioMérieux commercialise également des automates d’antibiogramme « capable de donner le résultat en cinq heures, contre dix à douze normalement », précise son directeur médical. À Marcy-l'Étoile, le laboratoire lyonnais a d’ailleurs érigé un centre d’entraînement de 1 500 m2 pour initier les biologistes à ses technologies.
Changer les comportements des prescripteurs
BioMérieux participe également à des programmes de surveillance internationaux, comme le « Global PPS ». En collaboration avec l’université d’Anvers, « c’est le plus grand réseau de surveillance de la consommation d’antibiotiques et d'émergence des résistances du monde », se félicite Mark Miller. Lancé en 2015, le programme fédère 1 050 hôpitaux de 90 pays et couvre 450 000 patients, « avec comme objectif de corriger le comportement des soignants hospitaliers », indique le directeur médical de BioMérieux.
Des comportements qui semblent être la clé de la lutte contre l’antibiorésistance, tant sur le plan de la prescription que de la sensibilisation. « Depuis des années dans les sondages, le vecteur d’informations de confiance reste le médecin », atteste Nadia Auzanneau. Seulement, pour le Dr Larcher, la culture du test diagnostique peine à s’ancrer dans la pratique de ses confrères. « Est-ce qu’à la fac de médecine on apprend, même une seule fois, à faire un StreptoTest ? Non ! Il faut que ça change », plaide-t-il.
Le Dr Miller anticipe pour sa part un changement profond de pratique au cabinet. « Effectivement c’est plus simple et plus rapide de donner un antibiotique au patient », concède-t-il. Mais pour faire changer les mentalités, il imagine « un système qui rémunère mieux le médecin qui prend 20 minutes avec son patient, le teste, discute, plutôt que celui qui passe deux minutes pour prescrire des antibiotiques ».