Le diabète de type 1 (DT1) est une maladie auto-immune entraînant la destruction des cellules β pancréatiques fabriquant de l’insuline. Malgré les progrès thérapeutiques, l’espérance de vie reste diminuée et la qualité de vie très altérée. « Dans ce contexte, notre objectif initial était de comprendre comment les cellules β sont fabriquées au cours du développement embryonnaire, et quels sont les facteurs conduisant les cellules souches à se convertir en cellules β, afin de reproduire ce processus en laboratoire puis de transplanter ces cellules β chez les DT1 » explique le Dr Patrick Collombat (Inserm U1091, CNRS, Université de Nice).
Des souris et des gènes
Au stade embryonnaire, les cellules pancréatiques proviennent de l’endoderme, avant de se différencier en trois lignées : les cellules acinaires sécrètent les enzymes digestives qui sont transportées vers l’intestin par le second type cellulaire, les cellules canalaires, et, enfin, les cellules endocrines, organisées en îlots de Langerhans, constituée de plusieurs types cellulaires, dont les cellules β qui fabriquent l’insuline et les cellules α qui sécrètent le glucagon.
Divers travaux se sont intéressés aux gènes impliqués dans la formation de ces différents types cellulaires pancréatiques au cours du développement embryonnaire, en utilisant principalement les souris « knock-out ». On a ainsi identifié le facteur de transcription PDX1, essentiel pour le développement du pancréas, puisque les souris chez qui on supprime ce gène ne développent pas de pancréas, tandis qu’en l’absence du facteur de transcription neurogénine 3 (Ngn3), les souris ont un pancréas mais sans îlots de Langerhans. Une grande partie du code qui sous-tend le développement du pancréas endocrine a désormais été déchiffrée. « Dans notre équipe, nous avons mis en évidence deux gènes, ARX et PAX4, qui influencent le ratio cellules α /cellules β ; en l’absence d’ARX, les cellules β sont plus nombreuses mais il n’y a plus de cellules α ; inversement, l’absence de PAX4 entraîne un surcroît de cellules α et un manque en cellules β », détaille le chercheur.
Transplantation à partir de cellules souches
Les premières publications sur la différenciation in vitro des cellules souches en cellules β datent de 2008. Spécifiquement, elles démontraient la transformation en laboratoire des cellules souches en cellules endodermales, puis en cellules pancréatiques puis en cellules endocrines, puis en cellules β ; mais, pour finir, ces cellules s’avéraient peu fonctionnelles quant à la production d’insuline.
En 2016, deux publications faisaient état de protocoles mimant le développement embryonnaire en trois semaines et aboutissant à la différenciation en cellules β fabriquant l’insuline de façon satisfaisante. Des laboratoires pharmaceutiques ont développé avec succès ces protocoles, avec désormais l’objectif de transplanter, chez les patients, les cellules β obtenues à partir des cellules souches. Récemment, la transplantation de VX-880 (Vertex Pharmaceuticals), des cellules β différenciées dérivées de cellules souches, a permis chez un patient une réversion de son diabète avec une parfaite régulation de sa glycémie. Ces résultats sont prometteurs et laissent espérer la restauration de la fonction des cellules β chez le DT1, mais il faut attendre les données chez d’autres patients et à long terme.
Par ailleurs, pour éviter la destruction de ces nouvelles cellules β, il est nécessaire de recourir à un traitement par immunosuppresseurs, et le surrisque d’infections pose la question de la balance bénéfice/risque. Il reste à évaluer comment on pourrait modifier ces cellules pour qu’elles n’entraînent pas de réaction auto-immune.
Reprogrammation de cellules α en cellules β
En dehors de ces recherches sur la genèse de cellules pancréatiques, il existe d’autres pistes pour régénérer les cellules β. Ainsi, en induisant leur multiplication — ce qui pourrait être envisagé au début du diabète, au stade où des cellules β persistent, potentiellement capables de proliférer. Une autre approche, la transdifférenciation, consiste à utiliser un autre type cellulaire, comme les cellules α — qui peuvent être continuellement régénérées — et les transformer en cellules β, afin de limiter la réaction auto-immune. Chez la souris, une modification génétique des cellules α a permis de les convertir en cellules β, et la régénération des cellules α permet de continuer à produire des cellules β. Des molécules pourraient reproduire cet effet et sont à l’essai chez l’humain.
Entretien avec le Dr Patrick Collombat (Inserm U1091, CNRS, Université de Nice) Collombat et al. Specifying pancreatic endocrine cell fates. Mechanisms of Development. 2006(123)501-12 Al-Hasani et al. Adult duct-lining cells can reprogram into b-like cells able to counter repeated cycles of toxin-induced diabetes. Developmental Cell. 2013(26)86-100 Ben-Othman et al. From pancreatic islet formation to beta-cell regeneration. Diabetes research and clinical practice. 2013(101)1-9 Ben-Othman et al. Long-term Gaba administration induces alpha cell-mediated beta-like cell neogenesis. Cell. 2017(168)73-85