Alors que l’intersyndicale de médecins libéraux ayant annoncé une grève reconductible doit décider ce mardi soir des suites du mouvement, Aurélien Rousseau a rendu publique sa très attendue lettre de cadrage, qui marque le coup d'envoi des négociations conventionnelles. Il s'en explique dans un entretien exclusif au Quotidien.
Dans ce courrier de trois pages, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo fixent les objectifs de ces pourparlers désormais imminents. Dès l'introduction, les ministres expliquent ne pas se résoudre « à l'absence de cadre conventionnel signé avec les représentants de médecins », et ce « malgré l'investissement financier important que représente le règlement arbitral ». Une façon de dramatiser les enjeux et d'exclure tout nouvel échec.
À l'heure où l'exercice est marqué par « une perte de sens et la volonté de retrouver le temps nécessaire pour le soin », les locataires de Ségur insistent sur la nécessité pour les médecins libéraux de pouvoir « réinventer leur métier », dans un contexte de mutation accélérée de l'offre de soins et de forts « enjeux populationnels et territoriaux ».
Méthode plus transparente
Tirant le bilan de l'échec précédent, la lettre de cadrage fixe deux préalables à cette nouvelle séquence. Sur la forme, la méthode doit changer. Les ministres souhaitent que « les modalités de négociations » soient marquées par le choix d'une plus grande « transparence » et de « visibilité ». Un rappel à l'ordre à la Cnam, parfois accusée d'avoir adressé des documents complexes tardivement aux syndicats, avec des versions variables. Plusieurs syndicats dont le SML et l'UFML-S avaient sévèrement critiqué la méthode de la caisse.
Les ministres rassurent aussi la profession, très critique vis-à-vis de la proposition de la loi Valletoux et des autres initiatives parlementaires qui polluent parfois les discussions entre la Cnam et les médecins. « Les discussions autour du PLFSS comme d'autres textes législatifs ne sauraient affecter la procédure conventionnelle qui doit être claire, respectueuse et apaisée. Nous y veillerons personnellement », peut-on lire.
Attractivité, enjeu prioritaire mais…
Sur le fond cette fois, le courrier reprend les lignes directrices déjà annoncées par Aurélien Rousseau à Arcachon face aux cadres de la CSMF.
Arrive en tête l'attractivité de la médecine libérale « afin que davantage de jeunes médecins s'installent et s'engagent dans le suivi d'une patientèle au long cours ». Ce défi repose notamment – mais pas seulement – sur la rémunération des médecins. Les ministres soulignent « mesurer pleinement les revendications des parties prenantes en la matière et il est nécessaire de travailler sur les évolutions, au-delà du montant arrêté par le règlement arbitral ». Sans donner explicitement le feu vert à la Cnam pour la consultation à 30 euros, les ministres entérinent donc le principe d'une nouvelle augmentation, précisant que certaines « évolutions tarifaires pourront être progressives », sur toute la durée de la convention, soit cinq ans.
Mais le défi est aussi celui de l'organisation de la médecine de ville pour répondre aux demandes croissantes de nouveaux patients. « Ce qui nécessite le développement du travail aidé et des organisations de soins coordonnées », écrivent les ministres. Plusieurs leviers sont cités comme la qualité de vie au travail, l'exercice mixte, la réduction des charges administratives et des consultations évitables, l'accompagnement à l'installation en particulier au sein d'un collectif ou l'aide aux médecins seniors à poursuivre leur activité…
La pertinence des prescriptions, marqueur fort
Les ministres réclament ensuite un tournant dans la manière dont la santé est appréhendée en France. Ils citent en particulier les « niveaux atypiques » de consommation de médicaments et attendent cette fois « des leviers concrets pour garantir la pertinence des prescriptions, dans une logique de responsabilité partagée ».
Les prescripteurs sont invités à investir prioritairement dans la prévention, à limiter les actes inutiles ou redondants et « à ne faire intervenir des dispositifs curatifs » que lorsqu'ils sont « nécessaires ». « Les médecins libéraux auront un rôle clé à jouer pour la sobriété du système de santé qui est aussi un levier de sa décarbonation », ajoutent-ils..
Le médecin traitant d'abord !
Face aux enjeux du vieillissement de la population et de la prévalence des maladies chroniques, la convention devra aussi aborder le renforcement du rôle du médecin traitant et de la structuration de la médecine spécialisée.
Cela implique même une « organisation nouvelle » fondée sur des parcours de soins sans rupture pour le patient. Dans ce schéma, « le rôle central du médecin traitant dans la prise en charge globale du patient » doit être réaffirmé, de même que la nécessité des spécialistes de s'organiser territorialement pour assurer de façon pérenne « une prise en charge adaptée, pertinente et précoce ». À cet effet, la réduction de « certains déséquilibres de rémunération entre les spécialités médicales » devra être prise en compte.
Évolution des modes de rémunération
Pour faire face à ces enjeux (attractivité, juste reconnaissance de l'expertise médicale, pertinence, place du médecin traitant, suivi des patients chroniques), les ministres appellent aussi les partenaires à s'atteler « aux nouvelles formes de rémunération et à une simplification des rémunérations forfaitaires actuelles ». Bref, il faudra réduire le mille-feuille actuel qui combine la Rosp, majorations nombreuses et forfaits pas toujours lisibles…
Les ministres souhaitent en tout cas que « les négos arrivent vite », dont une première séance sans doute « avant début novembre », indiquent le ministère de la Santé.
MG France salue le changement
Aussitôt la lettre connue, MG France a salué « le réel changement d'orientation, qui recentre les objectifs de ces négociations sur le rôle et les moyens du médecin traitant dans le parcours de soins ». Le syndicat de généralistes approuve la volonté d'améliorer l'attractivité de la médecine « qui s'engage dans le suivi d'une patientèle au long cours ». Un début de trêve ?
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