« Le déficit de la branche maladie sera vraisemblablement plus élevé que les 11,4 milliards d'euros attendus par la commission des comptes de la Sécurité sociale en juin » et il « devrait rester à un niveau historiquement très élevé », a alerté Thomas Fatôme, le directeur général de la Cnam, dans un entretien aux Échos. À ses yeux, c'est « un sujet de préoccupation majeure sur lequel le prochain gouvernement et le Parlement devront se pencher rapidement ».
Comme pilote de l'Assurance maladie, Thomas Fatôme affiche le souci de « s'assurer que les ressources sont bien utilisées et de réagir quand il y a des dépenses plus dynamiques, comme celles liées à l'indemnisation des arrêts de travail », en hausse « de plus d'un milliard » d'euros en 2024. Et sur ce sujet précis, la Cnam compte « agir sur plusieurs fronts » jusqu'en décembre.
7 000 généralistes sous surveillance
La Cnam annonce d’abord qu’elle va « contacter tous les assurés qui ont un arrêt de plus de dix-huit mois pour (...) voir si leur arrêt est justifié, voir s'il y a une reprise d'activité enclenchée et discuter éventuellement de la mise en place d'un mi-temps thérapeutique ».
Elle va parallèlement contacter entre septembre et décembre « 7 000 médecins généralistes qui prescrivent des arrêts de manière importante pour échanger sur leurs pratiques et voir s'il y a un moyen de mieux maîtriser la situation ». Seront aussi déployés de « nouveaux certificats d'arrêts de travail plus sécurisés », annonce le DG.
Ce n’est pas la première fois que la Cnam s’inquiète de la dynamique des IJ et cible une partie des médecins qui prescrivent trop à ses yeux. En 2023 déjà, une campagne nationale controversée de mise sous objectif/mise sous accord préalable (MSO-MSAP) avait été lancée auprès de 2 % des généralistes « surprescripteurs » d’arrêts. Au total, 416 médecins avaient fait l’objet d’une MSO et 204 médecins ont été in fine mis sous accord préalable (MSAP). « Le chiffre le plus élevé jamais atteint dans les deux cas ! », expliquait alors Thomas Fatôme il y a quelques mois.
Accompagnement « pertinent »
Ce lundi, face à la presse, le DG de la Cnam a précisé que ces 7 000 omnipraticiens ont bien « un niveau de prescription plus élevé que la moyenne ». Ces travaux de ciblage s’inscrivent dans une continuité d’accompagnement dont la caisse « a l’habitude », glisse Thomas Fatôme. Et ça paye : entre le deuxième semestre 2022 et le premier semestre 2024, le taux d’évolution du nombre moyen d’IJ par patient actif a baissé de 5,9 % en moyenne pour les 3 534 généralistes ayant été visés par la première vague d’entretiens confraternels. Encore plus significatif, chez les 965 généralistes ciblés cette fois par une campagne MSO/MSAP, le nombre moyen d’IJ par patient actif a chuté de 28,2 %. A contrario, chez les omnipraticiens non ciblés par une action dédiée, ce nombre moyen d’IJ par patient a bondi de 6,1 %, sur la même période. Preuve pour Thomas Fatôme de la pertinence d’un ciblage des surprescripteurs et d’actions dédiées.
Point important : l'Assurance-maladie ne reconduit pas pour l'instant les contrôles et contraintes (MSO, MSAP) qui ont tant exaspéré les médecins l'année dernière. Le retour d'expérience de la campagne MSO/MSAP avec les syndicats médicaux permettra de préciser les modalités d’une relance éventuelle de ces dispositif en 2025…
Le DG a insiste ainsi sur « l’autre logique » dans laquelle se situe la Cnam en cette année 2024, puisqu’il n’y aura pas de sanction pour les médecins concernés par la nouvelle vague d’échanges confraternels.
Défense du dispositif des ALD mais gare au bizone
Au-delà, Thomas Fatôme considère aujourd’hui qu’« il faut réfléchir à un nouveau système d'indemnisation des arrêts de travail plus soutenable financièrement mais aussi plus juste ». Il convient que « l’État, les partenaires sociaux se remettent autour de la table à ce sujet en impliquant les médecins, et l'Assurance Maladie prendra sa part ». « Est-il normal qu'aujourd'hui un salarié soit moins bien couvert parce qu'il n'a pas six mois d'ancienneté ? Est-il normal que les jours de carence soient la plupart du temps couverts pour les salariés dans les grandes entreprises mais pas dans les petites ? », a-t-il demandé.
En revanche, sur une révision de la prise en charge des soins pour maladies chroniques, préconisée par un récent rapport, le DG semble écarter une remise en cause du dispositif des ALD. « Le système de prise en charge à 100 % des soins pour les pathologies chroniques, c'est un pilier de l'Assurance-maladie, le cœur du réacteur », a assuré son directeur général.
La question du strict respect de l’ordonnancier bizone semble toutefois revenir sur le tapis. « Nous allons renforcer nos actions pour que les médecins fassent bien le distinguo entre les soins qui doivent être pris en charge à 100 % au titre de l'affection de longue durée et les autres », explique Thomas Fatôme. Cela fait partie des 15 actions du programme signé avec les syndicats dans le cadre de la convention médicale. L’objectif est que les médecins soient « vigilants » sur le respect de cet ordonnancier bizone. Les prochaines réunions conventionnelles avec les syndicats porteront notamment sur ce sujet.
Dépistages plus précoces, maîtrise des prescriptions, lutte contre la fraude, baisse des prix de médicaments : la Cnam a livré cet été, dans son rapport charges et produits, 30 propositions pour économiser 1,56 milliard d'euros en 2025.
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