Une franche majorité des médecins généralistes de la CSMF (81 %) ont voté contre la proposition de la Cnam, êtes-vous surpris ?
Dr Luc Duquesnel : Non, ce n'est pas vraiment une surprise. Au vu des remontées de terrain, nous nous attendions à un tel résultat. L'assemblée départementale et régionale que nous avons organisée il y a quelques semaines nous avait également donné de premières tendances. L’attente des médecins généralistes vis-à-vis de cette convention était considérable et la déception et la colère sont à la hauteur de cette attente. Cette convention était capitale pour eux. Toutefois, même si la majorité des médecins généralistes (81 %) ont voté contre la proposition de la Cnam, certains y étaient favorables. Il ne faut pas le nier, certaines des mesures présentes dans le texte de la Cnam étaient positives. Nous avons notamment obtenu des avancées telles que la revalorisation du forfait patientèle médecin traitant, l'assouplissement du dispositif sur les assistants médicaux ou encore le principe de la hiérarchisation des consultations… En plus de ces avancées, certains médecins, qui rentraient déjà dans les conditions du contrat d'engagement territorial (CET), ont estimé que les revalorisations avancées par la Cnam pouvaient être intéressantes. Cela explique qu'une petite partie de nos adhérents (19 %) ont voté en faveur de la proposition de la Cnam. C'est compréhensible.
Comment expliquez-vous alors que la majorité de vos adhérents aient rejeté la copie de l'Assurance maladie ?
Dr L.D : Certains médecins qui auraient aussi pu remplir les conditions du CET ont voté contre car ils ne se sentaient pas capables de proposer des tarifications plus élevées que leurs jeunes confrères ou que leurs confrères en cumul emploi-retraite qui ne rentraient pas dans les cases du contrat. En parlant avec les médecins, on s'aperçoit que, pour la très grande majorité, il était clairement impossible d'accepter des rémunérations différentes en fonction de l'engagement ou non d'un médecin dans le CET. Par ailleurs, alors que le contexte actuel est déjà très dur pour les médecins, cette mesure représentait un risque pour l'attractivité du métier. Rajouter des contraintes supplémentaires n'aurait fait que renforcé le désengagement des jeunes vis-à-vis de la médecine générale libérale. Cela n'aurait fait qu'aggraver le phénomène déjà annoncé qu'est la problématique de démographie médicale et d'accès aux soins.
Quelles autres raisons ont été évoquées par les médecins ?
Dr L.D : En plus du CET, nous remarquons que les médecins se posent beaucoup de questions concernant la volonté du gouvernement d’améliorer véritablement l'accès aux soins alors qu'il s'agit, aujourd'hui, d'un enjeu majeur. Par ailleurs, dans la proposition de la Cnam, les mesures annoncées visant à améliorer l'accès aux soins devaient s'appliquer tardivement, en octobre 2024. Cela questionne forcément. Ensuite, la convention de la Cnam faisait craindre une diminution de la qualité des parcours de soins par la dérégulation des téléconsultations, incitant les médecins à rejoindre les plateformes au détriment des cabinets médicaux. Cela nous pousse à penser que la Cnam et l'État font fausse route. Ce qui a contribué a ce que nous rejetions majoritairement la proposition de convention.
Qu'attendez-vous du règlement arbitral ?
Dr L.D : Nous attendons surtout une réouverture rapide des négociations conventionnelles afin de répondre aux objectifs fixés. C’est-à-dire : améliorer l’accès aux soins tout en préservant la qualité des soins. En ce qui concerne le règlement arbitral, il y a peu d'attentes à avoir surtout si c'est pour une durée déterminée. D'un autre côté il faut garder à l'esprit, qu'en l'absence d'accord conventionnel, ce règlement peut s'appliquer légalement pendant 5 ans. Nous espérons donc qu'Annick Morel, l'arbitre en charge de l'écriture du règlement, ne retienne pas le CET. Nous espérons aussi qu'elle intègre dans son texte un tarif de la consultation socle à 30 € (36 € pour les DROM) ainsi qu'une hiérarchisation en fonction de la complexité des actes, pour tous les médecins généralistes, et ce, sans contrepartie. Par ailleurs, nous réclamons une rémunération cumulative forfaitaire individuelle pour chaque participation à un engagement collectif populationnel et territorial (PDSA, SAS, organisation de prise en charge des soins non programmés, maîtrise de stage universitaire, équipe de soins primaires, maison de santé pluriprofessionnelle, communauté professionnelle territoriale de santé…). Enfin, l'application immédiate de toutes les mesures visant à améliorer l’accès aux soins et le maintien du plafond de 20 % de l’activité en téléconsultations sont vivement souhaitables.
Lors d'une assemblée générale extraordinaire tenue samedi 11 et dimanche 12 mars, la CSMF a réuni ces adhérents pour un vote sur la proposition de convention de la Cnam. Toutes spécialités confondues, les médecins ont voté à 86 % contre les propositions de la Cnam. Les généralistes, sondés séparément le vendredi, ont voté à 81 % contre.
Aide médicale d’État (AME) : dans un centre de PMI en première ligne, deux sénateurs prennent le pouls du terrain
Un partenariat Doctolib/Afflelou ? Les ophtalmos libéraux ne font pas « tchin-tchin »
Enquête sur les restes à charge « invisibles » : 1 500 euros par an et par personne, alerte France Assos Santé
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins