Les tentatives de suicide ou les suicides correspondent à une mise en danger intentionnelle du patient, dans le but d’obtenir l’arrêt d’une souffrance insoutenable. L'impact sur les professionnels de santé qui le suivent doit être pris en compte.
Au Royaume-Uni, l’impact des suicides de patients a déjà donné lieu à deux études mises en place par l'Oxford Centre for Suicide Research (1). Le suicide d'un de leur patient a eu un impact significatif sur le bien-être émotionnel de 92 % des psychiatres interrogés (105 participants) : 71 % éprouvent de la tristesse, 33 % de la peur et 31 % de la culpabilité et de l'autoaccusation. Par ailleurs, près de 50 % (50 sur 106 participants) des professionnels de la santé mentale de tous horizons professionnels, interrogés au cours de la deuxième étude, pensent que leur santé mentale a été affectée par le suicide d'un patient et ont également éprouvé des sentiments de tristesse et de culpabilité. Il faut ajouter qu’en 2015, au Royaume-Uni, parmi les 6 000 personnes décédées par suicide, 1 538 étaient en contact avec les services de psychiatrie dans les douze mois précédents.
En se fondant sur ces données et dans le but d’accompagner les soignants – et non de les blâmer ou les persécuter - le Royal College of Psychiatrists (RCP) a publié en janvier 2023 (2) des recommandations aux organismes de santé mentale sur la manière de soutenir le personnel après le décès d'un patient par suicide. Elles comprennent différentes mesures : l'octroi d'un espace au personnel de santé pour réfléchir après le suicide d'un patient, des ajustements au travail si nécessaire et soutien pour les tâches administratives qu'ils pourraient devoir affronter, y compris les éventuelles enquêtes de police voire les suites judiciaires.
795 évènements dans des lieux de soins en France en quatre ans
En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié en 2022 une analyse (3) sur les 795 cas de suicides (515 décès) ou de tentatives de suicides survenues dans des lieux de soins (hôpitaux généraux, hôpitaux psychiatriques, SSR, Ehpad…) et ayant donné lieu à une déclaration d’évènement indésirable grave associé aux soins (EIGS). Le secteur sanitaire représente 82,4 % (655) des déclarations avec une prédominance des services de psychiatrie qui en déclarent un peu plus de la moitié (56,7 % ; 451), le secteur médico-social 15,1 % (120), nombre en constante augmentation. Seuls 20 cas ont été signalés en médecine ambulatoire. 41 % des suicidants sont âgés de plus de 60 ans et 129 patients ont plus de 80 ans. Les hommes sont majoritaires (56,1 %).
Que conseille la HAS pour éviter le geste autoagressif et limiter l’impact de cet acte sur les équipes soignantes ? Avant tout de repérer le degré d’urgence d’une crise suicidaire en se fondant sur l’analyse de sa progression qui peut se schématiser en quatre étapes : les idées, les intentions, la programmation et la mise en œuvre. Toute anomalie de comportement du patient, tout écart par rapport à ce qui est attendu doit conduire à une investigation sans délai. Pour autant, ce n’est pas le cas. La plupart de ces idées reçues sur le suicide et sa prévention sont en effet autant de freins à l’implémentation de politiques préventives.
Si malgré les précautions un tel évènement survient, il est considéré comme un coup de canif dans la confiance interhumaine en raison de la disparition brutale et définitive de la personne. Le temps est coupé en deux de façon chirurgicale : ce qui s’est passé avant, puis le chaos à la suite de la découverte de la scène du suicide. Peu de morts créent autant d’impuissance et posent autant de questions rétrospectivement, notamment pour les proches et les soignants.
Pour la HAS, la découverte et la prise en charge en urgence d’un suicidé ont un impact non négligeable sur le stress professionnel des soignants. Il est donc nécessaire, pour améliorer les prises en charge, d’accompagner les soignants et les équipes dans ces situations traumatisantes. Les intégrer dans la réflexion concernant la mise en place locale de prévention semble aussi primordial pour l’adhésion aux mesures prises par l’établissement de soin.
(1) Gibbons R. Ashamed and alone — healthcare staff need better support after a patient’s suicide. BMJ 2023; 382 doi
(2) Royal College of Psychiatrists. Supporting mental health staff following the death of a patient by suicide: a prevention and postvention framework. Dec 2022.
(3) Haute Autorité de santé (HAS). Les suicides et tentatives de suicide de patients Analyse de 795 cas déclarés dans le cadre du dispositif de déclaration des EIGS entre mars 2017 et juin 2021
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