Diagnostic, analyse, chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, kinésithérapie, soins infirmiers, soins d’accompagnement, soutien psychologique… : le traitement du cancer du sein nécessite de multiples étapes thérapeutiques.
Face à une organisation des soins « complexe » et « morcelée », la Dr Cécile Zinzindohoué, chirurgienne cancérologue aujourd'hui décédée, avait eu en 2008 l'idée de développer un réseau de soins permettant de prendre en charge la globalité du parcours des femmes atteintes du cancer tant sur le plan médical que psychosocial.
Après quatre ans de gestation, son projet a vu le jour avec la création en 2012 du Montpellier Institut du Sein (MIS), association portée par des professionnels de santé en majorité libéraux – médecins spécialistes, infirmiers, pharmaciens, kinés, psychologues ou encore assistante sociale. « L'idée était de fédérer les professionnels sur l'ensemble du parcours, du dépistage jusqu'à l'après traitement », explique Sophie Gendrault, cofondatrice du MIS.
L'écriture du projet de soins n'a pas été sans difficulté. « On parlait d'un parcours de soins qui n'existait pas à l'époque », se remémore la Dr Dominique Jeulin-Flamme, médecin généraliste et présidente de l'association de 2018 à 2020. Celle qui fut aussi aux manettes de l'URPS Languedoc-Roussillon évoque avec enthousiasme « un projet novateur et très ouvert », englobant la prise en charge médicale et les soins de support ainsi que le volet psychosocial. « L'objectif, insiste Sophie Gendrault, est toujours que la prise en charge des patientes – quelle que soit leur situation – soit coordonnée et plus rapide que dans un centre classique ».
Coordinatrice de parcours, couteau suisse
Pour relever ce défi, le MIS a innové en misant sur un nouveau métier : la coordinatrice de parcours. Un « couteau suisse » qui assume « le rôle de chef d'orchestre et de facilitatrice pour rendre fluide le parcours ». « C'est l'interlocutrice privilégiée des patientes et des soignants adhérents au réseau », précise Sophie Gendrault.
De fait, la coordinatrice est chargée d'accompagner les patientes dans un process complet – accueil, création du dossier, rendez-vous clés du parcours (pré et post chirurgie) et suivis réguliers. Elle organise aussi les plannings de soins de support (kinés, soutien psychologique) et les ateliers complémentaires comme la nutrition. « C'est elle qui vérifie qu'il y a bien tel ou tel professionnel nécessaire dans la boucle du parcours personnalisé », détaille Sophie Gendrault. Auprès des médecins (chirurgiens, oncologues, radiologues, gynécologues, médecins traitants), la coordinatrice tisse « le lien humain » en remontant les difficultés des patientes après la prise de traitements ou une opération.
Pour faciliter les échanges entre les blouses blanches, le MIS a aussi développé une plateforme numérique de coordination. « L'URPS avait soutenu financièrement le développement de cet outil, témoigne la Dr Jeulin-Flamme. Les généralistes et les spécialistes ont pu échanger via cette plateforme. Ce qui nous a permis d'avoir un langage commun sur la prise en charge des complications et sur les nouveaux traitements ». Pour la généraliste aujourd'hui retraitée, ce réseau organisé procure aux médecins « confort d'exercice » et « gain de temps ». « Je n'avais pas à m'inquiéter de savoir si mes patientes avaient bien pris leur rendez-vous de scintigraphie », dit-elle.
Financement fragile
Aujourd'hui, le MIS compte 60 professionnels et 17 spécialités. Ce modèle d'offre de soins pluridisciplinaire a été largement dupliqué dans toute la France avec des adaptations spécifiques selon les territoires. Au total, 21 instituts du sein ont été créés et deux en gestation. Ces derniers mobilisent déjà 600 professionnels de santé (et 20 établissements de santé privés partenaires), 33 coordinatrices de parcours salariées qui ont pris en charge, chaque année, « 6 000 patientes » (10 % de la file active nationale !).
En 2019, ces instituts ont été regroupés au sein de la Fédération* française des instituts du sein pour faciliter les échanges et défendre ce modèle. Car le financement, basé sur les cotisations des adhérents (1 500 euros par an par chirurgien par exemple), reste « fragile ». « En fait, on a été sur un modèle de communauté professionnelle territoriale de santé [CPTS] ou d'équipes de soins spécialisés [ESS], bien avant l'heure. Mais aujourd'hui, on ne rentre pas dans les cases officielles pour pouvoir bénéficier d'un financement pérenne », regrette Sophie Gendrault. La cofondatrice du MIS n'a pas dit son dernier mot. Elle compte remonter au créneau pour que ce modèle soit valorisé comme une CPTS ou une ESS, avec des subventions publiques.
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