Consultations d’urgence, sutures, plâtre, pédiatrie, examens immédiats, ORL… À Cabourg, la création d’une petite structure de soins non programmés, appelé Recours médical, fait toujours grincer les dents des médecins libéraux du territoire. Il y a un an et demi, l’actuel maire, Emmanuel Porcq, également conseiller départemental, a en effet soutenu directement le projet de deux médecins urgentistes d’ouvrir une structure de soins pour prendre en charge les « petites urgences » du quotidien. Pas si simple…
L’édile assume sa stratégie : sa ville qui compte seulement deux généralistes, souffre « d’une fragilité médicale », surtout les week-ends et pendant la saison estivale (la commune passant de 3 700 habitants l’hiver à près de 80 000 l’été). Pour le maire, l’offre de soins supplémentaire, loin de concurrencer la médecine générale, « correspond à un besoin et rend service à la population grâce à une prise en charge immédiate sans rendez-vous et sans passer par le 15 », ajoute l’élu local. De fait, dans le cabinet, les deux médecins urgentistes assurent des consultations tous les jours (sauf le mardi) de 14 heures à 21 heures, et sans rendez-vous.
« Alors qu’on manque de bras, on débauche des médecins hospitaliers et on crée des fast-food médicaux. Cela n’a pas de sens ».
Dr Antoine Leveneur, président de l’URML Normandie
Reste que ce modèle agace fortement le Dr Antoine Leveneur, président de l’URML Normandie. « Pourquoi avoir créé ce centre alors qu’à quelques kilomètres de Cabourg, à Dives-sur-mer, il y a un cabinet médical avec sept médecins généralistes ?, martèle le généraliste normand. Alors qu’on manque de bras, on débauche des médecins hospitaliers et on crée des fast-foods médicaux. Cela n’a pas de sens. »
Le Dr Martin Herbinière, qui exerce dans le cabinet médical de Dives-sur-mer, regrette lui aussi cette solution non concertée avec le secteur. Depuis l’arrivée du centre Recours médical, le généraliste a pris en charge moins de sutures, de cystites… « Ces consultations sont rapides, faciles et permettent de varier notre exercice médical, confie-t-il au Quotidien. On n’a pas à annoncer de cancer aux patients, à batailler pour avoir des examens… Ces consultations changent des pathologies lourdes chronophages qui alourdissent notre charge mentale ». Le généraliste craint même « un appel d’air pour les jeunes confrères ». « Cette offre est sans doute légitime pour l’été mais moins durant toute l’année. Je préfère que les médecins généralistes s’installent vraiment et qu’on se coordonne entre les cabinets pour assurer les soins non programmés et la permanence des soins », ajoute le Dr Herbinière.
Une critique à peine voilée que le maire de Cabourg balaie d’un revers de main. « J’entends bien qu’on a besoin de médecins traitants et je suis toujours à la recherche de candidats, se défend l’édile. Ce dispositif n’est pas une alternative à la médecine générale. En tant que maire, je réponds à un besoin immédiat de la population ». Pour preuve, « la moitié de la patientèle » du centre de soins non programmés viendrait du canton… Désengorger les urgences hospitalières sans se substituer aux généralistes traitants, tout en acceptant les patients sans rendez-vous, c’est le cercle vertueux mis en avant par les avocats de ces centres de soins non programmés. Sans forcément convaincre…
Activité non régulée
Les médecins libéraux ne sont pas les seuls à s’interroger sur ce modèle de centres de soins non programmés, qui poussent comme des champignons. Dans son rapport 2023 dit « charges et produits », l’Assurance-maladie avait indiqué que cette nouvelle offre de soins risquait de détourner nombre de médecins libéraux du statut de médecin traitant. Et en juillet dernier, Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, en a remis une couche dans son nouveau rapport annuel, suggérant de faire le ménage dans ces structures.
La Cnam ciblait « l’activité non régulée » des soins assurés principalement par ces structures, et sans aucun suivi. Le DG proposait de stabiliser le cadre de régulation de ces centres à travers un cahier des charges national. Une idée pour le futur ministre de la santé ?
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