"C’est là qu’est l’avenir du pays" : un médecin du 93 raconte "sa" banlieue

A 71 ans, Alexis Sarola (un pseudonyme) a enfin le temps d’écrire autres choses que des ordonnances. Avec la retraite vient souvent le temps des bilans et le Dr Sarola a décidé de prendre sa plus belle plume pour faire le sien. Dans son ouvrage Médecin dans le 93, l’ancien généraliste de Bondy revient sur 40 ans d’exercice de la médecine en Seine-Saint-Denis. « C’est romancé, le médecin du livre me ressemble mais ce n’est pas tout à fait moi, il est mieux que moi » précise-t-il. Malgré la présence du médecin en fil rouge, ce sont les patients qui sont au cœur de ce livre. Le généraliste dresse « 33 portraits impressionnistes » et nous parle davantage d’hommes et de femmes que de médecine. Ici il nous parle de Josée la femme battue, là de Farida la sans-papiers ou encore d’Antoine, collectionneur de timbres et un temps candidat sur une liste Front National. « J’ai parfois regroupé plusieurs patients en un, mais toutes les histoires sont vraies et vécues ».

Rien d’étonnant à ce que l’histoire de 40 ans d’exercice prenne la forme de portraits de patients, car pour Alexis Sarola c’est toujours l’humain qui a primé au cours de ce qu’il définit comme « un demi-siècle de plaisir ». « Chaque jour j’avais le monde à domicile, j’étais témoin de la comédie humaine. J’ai toujours été plus intéressé par les gens que par leurs maladies ». Une vision des choses qui concorde avec l’idée qu’il se fait de la vie d’un médecin de banlieue : « Si j’ai choisi cet endroit c’est parce que c’est un voyage permanent et que je m’y sentais utile. Le médecin généraliste est comme un service public, un lien entre la population comme peut l’être l’école ».

Fils de médecin, la voie est toute tracée pour le Dr Sarola, et en 71 il s’installe à Bondy avec d’autres collègues « on avait un projet un peu utopiste, pendant 4 ans on faisait un partage d’honoraires mais ça n’a pas fonctionné ». Ce mode de fonctionnement est abandonné mais la structure reste, tout comme le Dr Sarola qui fera toute sa carrière à Bondy, jusqu’en juin 2013, âge de la retraite. Selon lui, le rôle et la vie du médecin de banlieue se rapproche de celle du médecin de campagne : « On fait des visites, on connaît leurs familles, on rentre dans leur vie. Et puis nous aussi on exerce dans un désert » souligne-t-il.

Le retraité admet que les médecins installés ici reconnaissaient tous avoir un profil assez engagé, qu’il soit associatif ou politique, lui-même confesse une « orientation assez gauchisante » et chacun avait conscience de son « utilité ». « J’ai toujours été très attiré par la banlieue. Je considère que c’est là qu’est l’avenir du pays ». Son regard sur les quartiers, il a voulu le transmettre dans son ouvrage, sans prétention, mais quand même un peu pour faire changer les mentalités « Souvent les habitants sont présentés comme de la racaille, pour une fois j’ai voulu parler des trains qui arrivent à l’heure ». « J’avais un livre vivant devant les yeux chaque jour. Pour écrire ce livre j’ai un peu été un voleur de vies ». Avec une telle inspiration, il ne lui a fallu que trois semaines pour écrire ce livre. Maintenant qu’il en a le temps Alexis Sarola écrit 5-6 heures par jour, il a déjà trois ouvrages en attente après celui-ci. Il n’y sera pas vraiment question de médecine, mais ses patients lui ont encore une fois donné l’inspiration...