S’attaquer aux médecins déconventionnés : c’est l’une des mesures les plus percutantes du dernier rapport dit « Charges et produits » de l’Assurance-maladie (Cnam), qui vise à préparer le prochain budget de la Sécurité sociale. Exaspérée par les nombreuses menaces de sortie de la convention médicale qui ont rythmé les dernières négociations conventionnelles avec les syndicats, l’Assurance-maladie défend l’idée de ne plus rembourser les prescriptions des professionnels de ville ayant décidé d’exercer en dehors du système conventionnel (en secteur 3). « Un médecin ne souhaitant pas contractualiser avec l’Assurance-maladie ne sera pas éligible à la prise en charge solidaire ni pour ses actes, ni pour les soins issus de ses prescriptions », indique le rapport.
Forte de la signature de la nouvelle convention avalisée par cinq syndicats sur six, la Caisse souhaite rétablir quelques vérités, à savoir que la convention médicale doit être la norme, et que le fait d’accepter les règles conventionnelles signifie les accepter pour de bon et durablement. Jusqu’ici, les médecins avaient la possibilité de se déconventionner, puis de changer d’avis et de revenir très rapidement exercer sous le joug de la convention. Il suffit d’envoyer un courrier avec accusé de réception pour lancer le déconventionnement (qui prend effet un mois plus tard) puis de formuler à tout moment une nouvelle demande d’adhésion (même procédure par lettre recommandée, même délai d’un mois). Un côté « open bar » dont la Cnam ne veut plus.
Deux ans sans la Cnam
L’Assurance-maladie espère ainsi que le prochain budget de la Sécurité sociale (PLFSS), discuté au Parlement à l’automne, contiendra un article permettant de resserrer les boulons, l’idée étant d’installer un délai de carence très dissuasif de deux ans entre un déconventionnement et un éventuel reconventionnement.
Pour les médecins « rebelles », cela signifie deux ans sans prise en charge des cotisations sociales, sans paiements forfaitaires en sus de leurs honoraires et, surtout, sans remboursement aux patients à qui il faudra expliquer la nouvelle donne. Un vrai moyen de pression pour que les médecins rentrent dans le rang conventionnel : jusque-là, en effet, pour les consultations, les patients des médecins en secteur 3 sont remboursés sur la base d’un tarif dérisoire dit d’autorité (0,61 € pour une consultation de médecine générale, 1,22 € pour une consultation chez un spécialiste). Mais leurs patients restent totalement remboursés selon les règles habituelles de leurs prescriptions médicamenteuses, examens biologiques et d’imagerie. Ce ne serait donc plus le cas…
Sans surprise, plusieurs médecins ont vivement réagi sur X (ex-Twitter) à la lecture de cette proposition. Le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S, et à l’initiative d’un vaste mouvement de déconventionnement collectif, ne s’est pas gêné pour marquer son désaccord.
Double peine pour les patients ?
Si elle comprend le principe de lutter contre le déconventionnement, la Dr Margot Bayart, première vice-présidente de MG France, n’approuve pas la méthode. Selon la généraliste tarnaise, dérembourser l’ensemble des soins et prescriptions sera « encore plus pénalisant » pour des patients qui peinent déjà à se soigner dans des délais raisonnables. « Je comprends que l’objectif de l’Assurance-maladie soit de faire un peu peur aux médecins pour éviter une cascade de déconventionnements, analyse-t-elle. Mais, d’une part, je ne suis pas sûre que cela soit vraiment efficace sur les médecins ultra-libéraux. D’autre part, je crains la double peine pour les patients. »
Selon les chiffres de la Caisse, 575 généralistes et 215 spécialistes exercent aujourd’hui en dehors de la convention médicale. Ce qui est finalement très peu sur les 112 000 praticiens qui exercent en libéral. D’autant que pour 2023, la Cnam affirme que le nombre de médecins libéraux à s’être effectivement déconventionnés (démarche active de sortir de la convention pour passer en secteur 3) n’a pas dépassé les « quelques dizaines ».
Mais la menace est loin d’avoir disparu, ce qui explique sans doute la décision de la Caisse d’accroître la pression sur ces praticiens tentés par le secteur 3. Plusieurs dizaines de millions d’euros pourraient au passage être récupérés.
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