Présidente du syndicat Reagjir – le regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants – qui tient ce jeudi et vendredi ses rencontres nationales à Colmar (Haut-Rhin), la Dr Élise Fraih expose les attentes de la nouvelle génération, loin du modèle des médecins « taillables et corvéables à merci ». Elle milite pour la suppression des certificats inutiles et la possibilité d'autodéclaration d'arrêts courts dans les pathologies bénignes. Et réclame clairement le conventionnement des remplaçants.
LE QUOTIDIEN : Combien de participants attendez-vous à votre congrès ? Quelles personnalités seront présentes ?
Dr ÉLISE FRAIH : Nous devrions être environ 150 congressistes. Les ministres François Braun et Agnès Firmin Le Bodo ont des agendas très chargés et nous ont dit qu'ils ne pourraient pas venir. Nous le comprenons mais c'est toujours un peu dommage de ne pas envoyer un signal fort alors que nous représentons une tranche d'âge clé, entre les étudiants et les installés.
En revanche, le directeur de la Cnam, Thomas Fatôme, va participer aux rencontres en visio. Il y aura également le Dr Jean Canarelli, de la commission des jeunes médecins du Conseil national de l'Ordre, et des représentants de l'Anemf [étudiants en médecine] et de l'Isnar [internes de médecine générale], deux structures avec lesquelles nous avons l'habitude de travailler. Nous recevrons également Gilles Noël, vice-président de l'Association des maires ruraux de France.
Vous consacrez habituellement une matinée aux collectivités territoriales. Quel est l'enjeu de ces échanges ?
Nous avons intitulé notre table ronde « comment faire le lien entre les médecins et les territoires ? », car nous avons bien conscience que 87 % du territoire français est désormais sous-doté en médecins généralistes ! C'est une question qui se pose presque partout. Malheureusement, on entend encore beaucoup de discours très peu nuancés opposant des médecins qui ne voudraient pas s'installer aux patients. Alors que le problème est que nous ne sommes tout simplement pas assez nombreux.
L'objectif est de rétablir la vérité sur les chiffres mais aussi de parler des solutions qui fonctionnent pour améliorer l'accès aux soins. Nous militons par exemple pour la suppression des certificats inutiles et la possibilité d'autodéclaration d'arrêts courts dans les pathologies bénignes. Nous défendons aussi le guichet unique d'aide à l'installation pour que la génération qui arrive puisse construire des projets à l'échelle de plusieurs communes, en lien avec l'Université. Les acteurs ne dialoguent pas encore assez ensemble partout.
L'atlas de la démographie médicale publié par le Cnom la semaine dernière montre que les médecins de moins de 40 ans représentent désormais 29,6 % des praticiens en activité régulière contre 15,7 % en 2010. Y a-t-il encore un sens à une structure représentants spécifiquement les jeunes médecins ?
Oui et c'est absolument crucial. En médecine générale, nous sommes la génération à avoir tous connu le DES [diplôme d'études spécialisées]. Nous avons donc été plus longtemps que nos aînés à l'hôpital et nous sommes les seuls spécialistes à ainsi pouvoir faire le lien entre l'ambulatoire et l'hôpital. Je pense qu'un médecin généraliste aujourd'hui sait faire le tri avant d'envoyer un patient aux urgences car nous savons comment cela se passe là-bas. Nous avons le souci de préserver nos collègues hospitaliers car nous avons besoin d'eux comme eux ont besoin de nous.
Par ailleurs, nous sommes le seul syndicat à avoir une expertise, une vision et une défense noble de l'activité de remplaçant, qui est vraiment le stade intermédiaire entre l'interne et l'installé. Le remplaçant est parfois mal vu par nos aînés dont certains nous traitent d'« intérimaires », voire de « mercenaires ». Moi-même, je suis installée depuis cinq ans comme la majorité des primo-installés qui posent leur plaque dans les cinq premières années après la fin de leurs études.
C'est un sujet dont vous allez parler avec Thomas Fatôme, le directeur de la Cnam ?
Oui, nous souhaiterions vraiment que les remplaçants puissent être conventionnés pour pouvoir être représentés dans les URPS, avoir droit à la formation continue ou encore bénéficier des avantages conventionnels pour la maternité et la paternité. Mais nous nous sommes toujours heurtés à un refus. Pour autant, je dois admettre que, durant les négociations conventionnelles, la Cnam a considéré notre parole – autant que notre statut d'observateur le permet –,par exemple pour affiner les aides à l'installation.
La profession est devenue majoritairement féminine l'année dernière. Vous consacrez une table ronde à la féminisation. Est-ce à dire qu'il y a encore des clichés sur les femmes médecins ?
Oui, malheureusement, et il est grand temps de les faire sauter ! En cabinet, c'est la fonction qui fait le médecin et les patients nous connaissent. Néanmoins, je suis sûre qu'ils reprochent plus volontiers aux femmes généralistes d'être en retard ou qu'ils leur montrent plus facilement quand ils ne sont pas d'accord.
Par ailleurs, on entend encore trop souvent cette petite musique sexiste paternaliste dans la société qui fait croire que les femmes travaillent moins pour s'occuper de leurs enfants et que cela explique les problématiques d'accès aux soins actuels.
Les générations précédentes de médecins étaient taillables et corvéables à merci mais n'étaient pas présentes pour leurs familles. C'est un modèle dont nous ne voulons plus. Et ce n'est pas une question de genre mais de génération.
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