C’est une proposition qui a fait grincer les dents les médecins généralistes : autoriser dans quelques situations un accès direct aux spécialistes sans passer par la case médecin traitant, en cotant une consultation nouvelle à 60 euros (sur le modèle de l’avis ponctuel de consultant – APC – qui sera à ce tarif en décembre).
Finalement, c’est une vision très pragmatique
Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé
Présentée début octobre à Lille par le syndicat Avenir Spé dans le cadre de son « manifeste » pour améliorer l'accès aux soins, cette mesure permettrait aux médecins spécialistes de s’adresser entre eux des patients afin d’obtenir un « avis rapide » ou en cas de soins non programmés. Le syndicat va même plus loin en proposant que ce type de consultation à 60 euros soit aussi permise à la demande d’un professionnel paramédical (un kiné qui sollicite un orthopédiste par exemple).
Objectifs affichés par l’organisation majoritaire chez les spécialistes libéraux ? Simplifier certains parcours de soins afin d’éviter les délais d’attente parfois interminables, au risque tout de même de déroger au principe du médecin traitant. « Finalement, c’est une vision très pragmatique, a plaidé le Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé, ce mercredi devant la presse. L’idée n’est pas de “court-circuiter” le médecin traitant ou de bousculer le parcours de soins des patients mais bien de structurer ces parcours de manière plus efficiente. D’ailleurs je ne fais rien perdre à personne ! ».
On n'est pas au Monopoly, il ne s'agit pas de passer toujours par la case départ…
Dr Patrick Gasser,
Le gastroentérologue nantais – qui dément vouloir déclencher une « guerre avec les généralistes » – a illustré son propos avec l'exemple de la prise en charge d'un patient atteint d’un cancer du côlon. « Lorsque je vois un patient atteint de cette pathologie, je fais le diagnostic et la consultation d'annonce. Pensez-vous qu'il soit plus efficace que je l'envoie à son médecin généraliste pour qu'il l'adresse ensuite au chirurgien, puis à l'anesthésiste, ou encore au gériatre ? » a-t-il souligné, avant d'ajouter avec ironie : « On n'est pas au Monopoly, il ne s'agit pas de passer toujours par la case départ ! »
Selon lui, cette prise en charge plus rapide et plus fluide des patients n’empêcherait absolument pas d’informer le médecin traitant à chaque étape. « Dans tous les cas, je vais lui adresser une lettre, et mon autre confrère spécialiste aussi. Et le patient va de toute façon revoir son médecin traitant par la suite », a-t-il temporisé, réfutant, une fois de plus, l'idée que cette mesure court-circuiterait le rôle des généralistes traitants.
Un bénéfice pour les patients
Mais le patron d’Avenir Spé va plus loin dans sa réflexion, estimant que certains paramédicaux devraient également avoir un rôle à jouer. « Je le dis haut et fort, je pense que les kinés ou les sages-femmes ont tout à fait l’expertise pour orienter un patient vers un spécialiste lorsque c’est nécessaire », a-t-il assumé.
Du côté des patients, la mesure semble trouver un écho favorable. Guillaume Benhamou, patient-expert et enseignant à l'université Paris-Sorbonne Nord, défend lui aussi cette organisation. « Je suis un fan absolu de la médecine générale mais je dois avouer qu’en tant que patient, ce serait un véritable gain de temps et d'énergie que de ne pas repasser à chaque fois chez le médecin traitant. Pour peu que le patient travaille et le voilà contraint de poser une demi-journée supplémentaire pour consulter de nouveau », a illustré l’usager.
Avenir Spé s’engage dans son manifeste à respecter des délais précis pour sa nouvelle consultation tarifée à 60 euros. « Prise en charge de nos patients dans les quatre jours pour un avis urgent, et dans les trois à quatre semaines pour un avis spécialisé non urgent », a précisé le Dr Patrick Gasser.
Bientôt des groupes de travail ?
Reste à savoir si le dialogue permettra de trouver un compromis acceptable par toutes les parties concernées. Pour l’instant, du côté des généralistes, cette offensive est vécue comme une provocation. « L’objectif de cette séquence, c’est bien de généraliser l’APC et que la consultation de base des spécialistes d’organe passe à 60 euros ! Ce qu’ils veulent supprimer, c’est le passage par le médecin traitant, ce qui est bien loin de l’accès aux soins », contestait auprès du Quotidien la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, il y a quelques jours.
Un groupe de travail piloté par la Cnam devrait être l’occasion de déminer le terrain de l’accès aux spécialistes. Le Dr Patrick Gasser a d’ailleurs conscience que le dialogue est nécessaire avec les généralistes, d’autant qu’une vive passe d’armes sur les modalités de l’APC avait déjà failli faire capoter les négociations conventionnelles cet été.
« Nous devons créer ce groupe de travail avec tous les acteurs concernés afin de trouver un terrain d'entente, a-t-il insisté. L’ensemble de notre environnement doit participer à cette réflexion, y compris les organismes complémentaires ».
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