Une affaire de confiance… et de sentiments. Dix jours après le départ si brutal de leur médecin, ils sont des dizaines à manifester sur internet leur détresse et leur attachement à ce praticien du sud-ouest. Sur la page facebook ouverte par Simone, une de ses patientes, témoignages de patients lambda -des femmes dans leur majorité- qui dressent en creux un portrait du médecin disparu et décrivent ce lien si particulier qui unit un généraliste à ses malades. « Bien plus qu’un docteur, un ami, » se lamente Régine. « C'était notre ange gardien. Nous ne voulions pas déménager car on savait que nous n’aurions pas retrouvé pour notre fils un docteur autant investi », raconte Claire, quand d’autres disent lui être restés fidèles, même après être partis à plusieurs dizaines de kilomètres de son cabinet…
"Tout le monde râlait dans la salle d'attente, mais quand venait notre tour..."
Portrait à plusieurs plumes d’un médecin visiblement surinvesti qui ne comptait ni ses heures, ni ses temps de consultation : « Toujours disponible à n’importe quelle heure, tu passais chez nous, même à 22 h pour nous rassurer, » se souvient Marieke. Guylaine évoque elle une salle d’attente bien remplie : « Tout le monde râlait dans la salle d'attente car il était long mais, quand venait notre tour, on y restait autant de temps si ce n'est plus, avec tellement d'écoute et de conseils venant de sa part. » A cause de cela sans doute, Josette s’était habituée à ses horaires élastiques : « pour votre dernière visite samedi, vous êtes arrivé à l'heure, enfin! Le cabinet était plein à craquer comme toujours…» Et une quatrième garde à l’oreille les sons si familiers du cabinet : « toujours ton téléphone qui sonne sans cesse tellement tu étais demandé… »
"Plus qu’un médecin de famille, un précieux ami"
[[asset:image:9756 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["Phanie"],"field_asset_image_description":[]}]]Ressentis de patients orphelins, qui permettent d’approcher aussi cette étrange alchimie qui fait d’un généraliste, un praticien décidemment pas comme les autres. Telle Gwenaelle, qui s’adresse ainsi à celui qui fut son médecin traitant : « Vos blagues vont me manquer, votre façon de m'obliger à avancer quand j'ai perdu mon enfant, ça va me manquer, en fait vous allez énormément me manquer et vous me manquez déjà!!! Je sais qu'un médecin, un homme comme vous, je n'aurais plus la chance d'en connaître un car vous étiez unique!» En écho Fathi décrit plus sobrement « un homme bon, chaleureux et joyeux. » De celui qui avait la phrase qu’il faut au bon moment : « Quand vous ressortiez du cabinet vous n'étiez presque plus malade tellement il vous remontait le moral avec son humour, » raconte Claudie qui sait gré à son toubib de l’avoir embauchée un temps au cabinet lorsqu’elle était en dépression... Et c’est au tour de Laurence aussi de remercier, elle aussi, son médecin traitant pour « ta gentillesse, ta précieuse écoute, ton professionnalisme et surtout ta grande disponibilité qui faisaient de toi plus qu’un médecin de famille, un précieux ami en qui j'avais une totale confiance. » Zair évoque aussi « ton dévouement, ta patience, ton humour, ton sourire, tes coups de gueules et toutes tes blagues... »
"Toujours en train de plaisanter"
Sourire le plus souvent possible, rire parfois, ne décourager jamais… A lire ses ex-patients, on se dit que ça doit être ça un généraliste. Plus qu’un soignant, un confident, qui sait prendre le temps qu’il faut et adopter le ton qui convient, ni trop grave, ni trop léger : « Il avait toujours un mot gentil, toujours en train de plaisanter. C'était un médecin comme on n’en trouve peu qui prenait le temps de se poser, de vous expliquer et de rassurer, » se remémore Fabienne. Antoine aussi garde un fort souvenir de ce médecin de terrain qui visiblement trouvait les mots qui apaisaient les maux : « Tu savais soulager les douleurs de tes patients rien qu'avec un petit sourire ou avec un peu de blagues.» Un praticien et sa patientèle, ce sont des codes bien particuliers aussi : chez le Dr L, c’était sa collection d’éléphants, que ses malades se faisaient un plaisir d’abonder de nouvelles figurines au retour des vacances. Et puis, il y avait cette phrase rituelle, entre plaisanterie et sérieux, que certains ont gardé en mémoire : « Ne vous inquiétez pas, je vais vous sauver ! »
"Qui va nous guider quand la petite sera malade ?"
[[asset:image:9761 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["Phanie"],"field_asset_image_description":[]}]]A travers ces témoignages émouvants, difficile enfin de reléguer l’expression « médecin de famille » dans les rayonnages du passé. « Depuis plus de 20 ans il a été à nos côtés et a vu naître nos deux enfants et s'en est occupé avec grand sérieux, » se souvient Richard. Chez certains même, l’angoisse affleure pour eux et pour leur proche : « Qui va nous guider quand la petite sera malade ? Qui va nous rassurer quand maman sera fatigué ? Qui va m'aider à avoir un autre enfant ? Qui va me bousculer quand je me laisse tomber ? » s’interroge, fébrile, une de ses ex-patientes. A côté, Céline évoque émue, les problèmes de santé de son enfant, louant « vos compétences d'excellent médecin, surtout pour la maladie orpheline de notre fille que vous avez détecté un soir, il y a un mois, et pour laquelle vous étiez prêt a annuler le programme de votre samedi après midi pour nous accompagner si on devait l'hospitaliser… » Et encore des remerciements par procuration… « Ma mère te regrette beaucoup, tu étais son médecin préféré qui la comprenait et tu étais toujours là pour elle, » insiste Brigitte. « Il a tellement fait pour mon compagnon, grâce à lui tout s'est arrangé quand nous ne voyions pas la fin, » souligne Sophie. « J’ai eu confiance en vous, tant vous vous êtes battu pour trouver ce qu’avait mon fils… et vous avez trouvé ! » s’exclame Madeleine, si reconnaissante encore de l’obstination et de l’intuition de son toubib.
Témoignages bouleversants, qui en disent longs sur la difficulté de la condition de médecin généraliste. Même –et peut-être surtout- quand on est dévoué corps et âme à ses patients...
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre
Mélanie Heard (Terra Nova) : « Une adhésion massive des femmes à Kamala Harris pour le droit à l’avortement »
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique