Mise en cause pour sa gestion, la patronne de l'ANDPC réplique

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Publié le 30/11/2020
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La démission la semaine dernière du Dr Jean-François Thébaut, président du Haut Conseil du développement professionnel continu, car il n'était plus en phase avec la conception actuelle du DPC, révèle les tensions dans le milieu de la formation continue. Mise en cause pour sa gestion du dispositif, Michèle Lenoir-Salfati, directrice générale de l’Agence nationale du DPC (ANDPC), réplique aux critiques que cette démission a suscitées.

Quelle réaction vous inspire la démission du Dr Thébaut ?

Cette démission de Jean-François Thébaut intervient alors que le Haut Conseil du DPC est en fin de mandat. Dans son rapport, la Cour des comptes soulignait que les missions du Haut Conseil étaient mal définies. Elle proposait sa suppression, ce qui nous paraissait être une erreur. Le ministère de la Santé a plutôt opté pour sa transformation en conseil scientifique. Un décret modificatif aurait dû être pris en 2020 mais pas pu l'être du fait de la crise sanitaire. Nous espérons qu'il paraîtra en 2021. Le Haut conseil du DPC a quatre ans et sans doute, a-t-il atteint ses limites. L’idée serait qu'il prenne la forme d'un conseil scientifique comme il en existe à l’ANSM, à Santé Publique France etc. L'objectif est qu'il ne travaille, non pas, contrairement à aujourd’hui, pour faire s’exprimer l’ensemble des acteurs sur ce qu’ils pensent du dispositif, mais pour mener des travaux sur les critères de qualité, d’enregistrement, mais aussi voir ce qu’il se passe à l’étranger, dans d’autres professions etc. Pendant 4 ans, nous avons travaillé, il me semble, de façon plutôt positive. Jean-François Thébaut ne se retrouve plus dans les orientations stratégiques données à l’Agence, mais je rappelle qu’elles nous sont données par le ministère.

Que répondez-vous à sa critique et à celle des syndicats d’un DPC qui serait « déconnecté des besoins » des médecins sur le terrain ?

L’Agence doit effectivement mieux appuyer les orientations du système de santé. Les orientations du DPC reprennent tous les grands enjeux de santé actuels et les CNP ont pu nous dire quels étaient leurs enjeux complémentaires à trois ans. Il y a donc de quoi proposer des actions dans de très nombreux domaines. Nous n’avons pas nécessairement une offre la plus adéquate pour répondre aux besoins, notamment dans certaines spécialités. Beaucoup d’organismes font ce qu’ils savent faire, et autour de la télésanté, des CPTS… Nous avons assez peu d’offres spontanées des organismes. C’est pour cela par exemple que le ministère nous a demandé de lancer un appel à projet sur la coordination sur les territoires en appui des CPTS. Ce n’est pas évident car notre appareil de formation doit sortir de ses lignes habituelles et parvenir à construire une offre différente. Mais l’enjeu, du côté des organismes, est d'arriver à se saisir des orientations et d'arriver à inventer de nouvelles actions, de nouveaux contenus pour répondre aux besoins. Ce n’est pas l’Agence qui crée l’offre. Certains organismes déposent toujours la même chose depuis six ans et il faudrait parfois dynamiser la conception de cette offre.

Des critiques émergent aussi sur la volonté désormais de passer par des appels d’offres sur quelques sujets.

Les appels d’offres existent déjà pour les professionnels de santé salariés depuis 40 ans et cela fonctionne. Donc ce n’est pas inadapté à l’univers de la santé. De plus, cela reste très minoritaire (trois prévus actuellement). Nous n’avons jamais dit que nous allions fermer le guichet et ne fonctionner qu’en appel d’offres. Le passage par l’appel d’offres était préconisé par la Cour des comptes. L’objectif est d’arriver à faire surgir une offre jugée importante par le ministère et qui n’est pas spontanément proposée par les organismes. Certains craignent que seuls de gros organismes commerciaux soient présents mais tout le monde peut répondre à ces appels d'offres. La charge administrative n'est pas insurmontable. Pour les médecins, c’est un plus puisque les appels d’offres comme les appels à projet sont hors quota des 21 heures, donc c’est la possibilité pour un médecin de suivre potentiellement sur une année 50 heures de formation.

On reproche également à l’ANDPC de ne pas avoir pris en charge d’actions sur le Covid. Etait-ce une erreur ?

L’Agence n’a évidemment pas décidé toute seule. Le sujet Covid ne fait pas partie des orientations prioritaires. Or, nous sommes contraints par les textes de ne financer que les actions en lien avec ces orientations prioritaires. En mars, nous ne savions pas grand-chose du Covid, nous étions dans un contexte d’incertitude thérapeutique absolu. Un certain nombre d’ODPC ont voulu déposer des actions Covid. Nous nous sommes tournés vers le ministère de la Santé qui a été très clair en disant : nous ne savons rien du Covid et les organismes vont déposer des contenus qui n’auront pas été scientifiquement éprouvés et ce n’est pas du DPC. Effectivement, la plupart des actions déposées étaient du relais d’information du ministère. Le DPC doit être basé sur des recommandations validées de la science, il doit permettre d’évaluer des pratiques etc. Ce n’était pas un défaut de réactivité mais un positionnement assumé du ministère.

Certains syndicats pointent une toute-puissance de l’organisme gestionnaire dans le dispositif DPC, que leur répondez-vous ?

Nous appliquons les textes en vigueur. Nous ne retenons que les actions répondant aux orientations prioritaires et qui sont conformes aux recommandations de la HAS. Mais nous ne sommes pas tout seuls. Une évaluation est faite par les commissions scientifiques indépendantes (CSI), qui sont des professionnels de santé. MG France réclame du paritarisme. Pour le coup, la gestion des enveloppes n’est même pas paritaire puisque ce sont les organisations syndicales qui en décident. Il n’y a qu’eux dans les sections professionnelles. Ils décident librement des forfaits. Le conseil de gestion, qui distribue les enveloppes entre les différentes professions, est lui paritaire. Mais traditionnellement quand la section professionnelle est d’accord sur une répartition, la section sociale suit cet avis. Donc, les professionnels ont tous les leviers dans le champ de la gestion budgétaire. Je suis convaincue aujourd’hui que nous travaillons bien avec les CSI et avec les sections professionnelles. Le dispositif est certes perfectible mais avoir un Haut Conseil transformé avec des missions plus précises va nous aider à avancer.


Source : lequotidiendumedecin.fr