Une incurie toute politique

Petites maternités : jamais moins que le minimum

Publié le 24/06/2019
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petites maternités

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Crédit photo : PHANIE

Il faut trois spécialistes à temps plein pour couvrir les gardes d'une maternité. Il tombe sous le sens que les maternités qui ont moins d'un accouchement par jour ne peuvent occuper ni un pédiatre, ni un obstétricien, ni même un anesthésiste, s'il n'a pas une autre activité chirurgicale dans l'établissement. Or une maternité qui n'aurait pas ces trois spécialistes présents en cas d'urgence n'aurait de « maternité » que le nom.

Dans ces conditions, l'État a un choix à faire : développer les transports (au besoin héliportés pour les lieux les plus reculés notamment en hiver) et les hôtels hospitaliers proches des grandes structures, ou déployer les moyens nécessaires à la sécurité des femmes et des enfants sur place.

Le pire étant de laisser imaginer à la population qu'un lieu peut fonctionner alors même qu'il ne comporte pas tous les éléments indispensables à sa sécurité. L'autoriserait-on pour un téléphérique ou un avion ?

Il faudra donc bien se résoudre à transformer certaines maternités en centres périnataux de proximité, où le suivi obstétrical pourra se faire en proximité, avec un rôle essentiel dans l'occupation du territoire… tout en réservant l'accouchement à des lieux correctement équipés, mais plus à distance.

Une obligation de moyens

Un groupe de travail du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) vient de rendre son rapport dirigé par Loïc Sentilhes sur les effectifs nécessaires dans les maternités (lire p XX). Il va devenir la nouvelle norme d'obligation de moyens pour l'État ou le propriétaire d'une clinique qui gère une maternité dans ses murs.

De 1 375 maternités en 1975, on est passé à 489 à ce jour, sans répercuter les personnels sur les structures qui devaient assumer le surplus de patientes. Technique très efficace en termes d'économies, invisible pour les professionnels car progressive, mais détestable en ce qui concerne la sécurité des femmes.

Trop de maternités en France sont en insécurité faute de personnels et recrutent tant bien que mal des « mercenaires » de passage. Et les équipes maltraitées peuvent devenir maltraitantes. En cas d'accident, on recherche bien sûr la responsabilité des médecins qui ont eu tort de ne pas signaler plus tôt qu'ils étaient en manque d'effectifs. Nous ne sommes désormais plus bien placés en Europe en ce qui concerne la mortalité périnatale car nos chiffres ont stagné, là où nos voisins se sont améliorés.

Qualité des soins

Alors, toutes les petites maternités sont-elles condamnées ? Pour le CNGOF le critère de taille n'est pas suffisant. Il faut surtout regarder la qualité des soins prodigués (et oui, elle est mesurable, nos voisins le font) qui est conditionnée, entre autres, aux effectifs disponibles, mais pas uniquement. Une maternité, fut-elle petite, dont la tutelle déciderait de mettre les moyens nécessaires et qui, de fait, aurait de bons indicateurs ne devrait pas fermer. À l’inverse, une maternité, fut-elle importante, qui aurait de mauvais indicateurs devrait au minimum avoir des comptes à rendre et se voir contrainte d'améliorer ses pratiques.

Mais disons-le clairement : il faudra bien fermer encore d'autres maternités, faute d'obstétriciens (lire encadré) et surtout de pilote éclairé dans les prévisions démographiques nationales. Les très onéreux intérimaires ne suffiront plus à retarder l'inéluctable. Car si ce n'est pas dangereux de laisser une petite poste ou une petite classe dans un territoire, c'est en revanche irresponsable, et d'ailleurs non assurable, d'y laisser une maternité démunie, où les femmes et les enfants courent un risque vital ou de handicap à vie.

Quant aux professionnels de santé, ils sont exposés à des risques personnels, de mise en cause en cas d'accident et ne peuvent d'ailleurs quitter leur licol, ne fût-ce que pour quelques jours de vacances, faute de remplaçant disponible. Ils ne sont pourtant pas responsables de la situation actuelle.

Ceux qui ont organisé ce véritable échec de santé publique — dont on ne fait que ressentir les prémices —, ceux qui savent tout au mépris de l'avis de la profession, coulent une retraite tranquille et ne seront jamais nommés, inquiétés ou obligés de rendre des comptes. C'est l'histoire très actuelle de l'irresponsabilité politique.

Exergue : Autoriserait-on un téléphérique ou un avion à fonctionner les moyens nécessaires à leur sécurité ?

Président du CNGOF, CHRU de Strasbourg

Pr Israël Nisand
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Source : Bilan Spécialiste