« Je suis prêt à m’arrêter, mettre la clef sous la porte, je suis écœuré ! ». Excédé par les rappels à l'ordre de la CPAM de Valence, le Dr Jean-Louis Moutton, généraliste installé à Beausemblant (Drôme) n’exclut pas de cesser son activité libérale. Ces dernières années, le médecin de 61 ans s'est vu reprocher à plusieurs reprises un nombre de prescriptions d’arrêt de travail hors norme. Il a déjà fait l’objet de deux mises sous objectif, reçu deux pénalités financières (dont une de 7 500 euros qu’il a payée), et il est désormais sous la menace d’une mise sous accord préalable.
Le 3 octobre prochain, il devra s’expliquer devant le pôle social du tribunal de grande instance de Valence pour avoir contesté une sanction pour « non atteinte des objectifs fixés par la CPAM dans le cadre de la mise sous objectif », pour laquelle il risque une amende de 2 300 euros.
Le Dr Moutton n’en peut plus de ces injonctions administratives qu’il assimile à du harcèlement. « Cela fait 5 ans que ça dure, ça me prend la tête, les procédures qui n’en finissent pas, les frais d’avocats pour se défendre, les amendes… C’est insupportable ! », s’indigne le généraliste, contacté par « le Quotidien ». Pas question dans l’immédiat de jeter l’éponge. « Il y en a marre. J’ai envie de me défendre. Je vais étudier la possibilité de porter plainte pour harcèlement et demander des dommages et intérêts », confie le Dr Moutton, combatif.
Délit statistique
Entre les mois d’avril et juillet 2018, le généraliste de Beausemblant a prescrit 3,4 fois plus de journées indemnisées que les praticiens ayant « une activité comparable » dans sa région, selon les chiffres avancés par la caisse. Cela représenterait 7 IJ par patient, contre 3 en moyenne pour ses confrères. « Je travaille dans un désert médical. Un rendez-vous avec un ophtalmo, c’est 18 mois, un cardiologue, c’est 6 mois… Je prends en charge des patients qui ne peuvent pas attendre, avec parfois des pathologies très lourdes. Cela explique que je suis prescripteur d’un grand nombre d’arrêts de travail. Mais ça, la caisse n’a jamais voulu l’entendre. Ils se retranchent toujours derrière des arguments statistiques », rétorque le Dr Moutton.
Le médecin se dit prêt à discuter sur le fond de ses prescriptions. « Je leur ai dit : “Montrez-moi que ma pratique n’est pas bonne. Confrontez-moi à mes confrères”. Je suis prêt à discuter sur des dossiers médicaux. La réponse que j’ai eue, c’est : “On n’est pas là pour ça” », regrette le généraliste.
La caisse prête à renouer le dialogue
Le Dr Moutton affirme avoir demandé à rencontrer personnellement le directeur de la CPAM de Valence, sans succès. Contacté par « le Quotidien », ce dernier se dit prêt à renouer le dialogue. « Je peux comprendre le sentiment de ce médecin. Mais nous ne faisons pas cela dans un esprit de dénigrement, insiste le directeur de la CPAM. Il ne s’agit pas de stigmatiser les médecins. Nous avons bien conscience de la difficulté de prescrire des arrêts de travail. C’est bien pour cela que nous tentons de leur apporter une aide par le dialogue. » Selon lui, le Dr Moutton s’est vu proposer à plusieurs reprises de rencontrer la CPAM : « Le médecin chef est venu le voir l’an dernier et lui a proposé d’étudier des cas patients ».
La procédure de mise sous accord préalable à laquelle le Dr Moutton pourrait être soumis est rare. Si c’était le cas, cela ne ferait que plonger davantage le généraliste dans le désarroi. « On travaille seul, on n’a aucune aide, aucune reconnaissance, on prend en charge des pathologies très lourdes pour 25 euros la consultation. Qu’on ait au moins la décence de nous foutre la paix ! », s’indigne-t-il.
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre
Mélanie Heard (Terra Nova) : « Une adhésion massive des femmes à Kamala Harris pour le droit à l’avortement »
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique