« C'est un travail d'équipe et les places sont claires. Le médecin traitant a la main sur la situation, le psychiatre et moi sommes des supports, il n'y a pas de rapport de force. Le patient est dans un vrai parcours de soins qui le rassure », témoigne Emmanuelle Laplanche, infirmière à la maison de santé des Mureaux (Yvelines). La professionnelle ne tarit pas d'éloges pour le projet soins d'équipes en santé mentale (Sésame).
Lancé depuis 2020 dans quatre sites de médecine générale des Yvelines (MSP des Mureaux, maison médicale de Chevreuse, médecins en exercice isolés à Versailles et cabinet médical de Porcheville), cette expérimentation inédite de soins collaboratifs est portée par l'Institut Montaigne, think tank libéral, et le centre hospitalier de Versailles. Elle mobilise 17 médecins généralistes, trois infirmières et trois psychiatres. Plus de 700 patients ont été inclus dans le parcours.
Repérage précoce
L'objectif du projet est simple : améliorer le repérage précoce et proposer une prise en charge appropriée des troubles mentaux fréquents. Selon l'Institut Montaigne, 50 % des patients présentant ces troubles ne sont pas repérés par les généralistes pour des raisons multiples – manque de temps, formation insuffisante à la psychiatrie, saturation des soins psychiatriques qui offrent peu de relais de prise en charge.
Construit sur le modèle collaboratif développé dans les années 1990 par le centre Advancing Integrated Mental health Solutions (AIMS) de l’Université de Washington (États-Unis), le parcours du patient inclus dans Sésame mise sur une étroite coordination interpro d'un trinôme de soignants (généraliste, infirmier et psychiatre). Le médecin généraliste assure le dépistage, en s'appuyant sur un test (PHQ-2), comprenant deux questions relatives à l'humeur et l'anhédonie, complété d’une évaluation clinique en consultation. « Il s'agit par ce très court questionnaire de vérifier que c'est bien de la dépression. Le généraliste n'est pas supposé adresser un patient psychotique », précise la Pr Christine Passerieux, responsable du pôle psychiatrie du CH de Versailles.
Pour les patients répondant aux critères d’inclusion, le praticien propose une rencontre avec l’infirmière « Sésame » dans les jours qui suivent. « Cette première consultation est déterminante », ajoute la psychiatre car elle permet de confirmer « cette impression de diagnostic » du généraliste par une exploration multifonctionnelle du contexte de vie, des antécédents, des attentes vis-à-vis des soins ou les préférences de traitements.
L'infirmier expose les situations nouvelles lors d'une revue de cas au psychiatre référent à distance, salarié ou libéral – le spécialiste propose alors un diagnostic et une stratégie thérapeutique. Tous ces éléments sont inscrits par l'infirmier dans le dossier du patient communiqué au généraliste. Un trio de compétences au bénéfice du patient. « Le psychiatre s'appuie sur les compétences de repérage et d'exploration multidimensionnelle de la situation de l'infirmière. La décision finale revient au médecin généraliste qui reste le prescripteur du traitement médicamenteux », précise la Pr Passerieux. La durée de la prise en charge dans ce modèle collaboratif est généralement comprise entre six et douze mois, selon les situations cliniques.
Gain de temps
Participant à l'expérimentation, le Dr Laurent de Bastard, généraliste à Versailles, salue ce parcours de soins « souple », « réactif » et « sécurisant » pour le patient. « Il y a un énorme gain de temps car cela m'évite de revoir tout le temps les mêmes patients avec les mêmes souffrances, témoigne-t-il. Grâce au dispositif, les patients bénéficient de vrais entretiens structurés avec l'infirmière Sésame, ce que nous n'avons pas le temps de faire en cabinet ».
Dans le cadre de ce travail collégial, des temps d’échanges sont formalisés pour clarifier, questionner et surtout ajuster les pratiques. « Cela permet de créer des liens, ajoute le Dr Laurent de Bastard. L'aspect collaboratif est essentiel et permet au généraliste de se former au fil des rencontres et de monter en compétence en santé mentale ». Le médecin estime que ce modèle pourrait être dupliqué dans d'autres pathologies comme la cardiologie, la diabétologie ou la néphrologie.
Trois ans après son lancement, Sésame se poursuivra dans les Yvelines et devrait s'étendre à d'autres départements franciliens (Hauts-de-Seine, Paris, Seine-Saint-Denis et Val-d'Oise). L'expérimentation qui se déploiera dans le cadre d'un financement dérogatoire (au titre de l’article 51 sur l'innovation) a ensuite vocation à être généralisée.
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