« C’est une hausse inédite », rapporte le Dr Jean-Jacques Avrane, président de l’Ordre des médecins de Paris et délégué de l’Observatoire national de la sécurité des médecins (ONSM). Les violences à l’encontre des blouses blanches sont en augmentation de 27 % sur l’année 2023, par rapport à 2022, avec 1 581 fichiers de déclaration d’incidents recensés.
Pire encore, il s’agit d’une hausse de plus de 50 % des violences en deux ans, du jamais vu chez les ordinaux. D’autant plus que ces chiffres sont « minimisés, car la grande majorité des praticiens ne déclarent pas » les faits dont ils sont victimes, regrette le Dr Avrane. Cette prise de parole intervient quelques mois après la violente agression d’une généraliste marseillaise, qui avait ému communauté médicale comme opinion publique.
· Qui sont les médecins victimes ?
Dans le détail du recensement de l’ONSM, les principales victimes de ces incidents sont toujours les généralistes, à 64 % (en baisse de 7 %), tandis qu’ils ne représentent que 43 % des médecins. Les spécialistes, eux, sont visés à 36 % (en hausse de 7 %). Sont notamment ciblés : les psychiatres à 3 % ; les ophtalmologistes, les médecins du travail, les gynécologues ou encore les cardiologues à 2 % chacun.
Comme l’année passée, les femmes sont les plus agressées (56 % contre 44 % d’hommes). Les victimes sont à 98 % des médecins installés, contre 2 % des étudiants ou internes, représentant 31 personnes.
72 % des agressions concernent des libéraux (54 % au cabinet et 18 % ailleurs dont 4 % au téléphone et 3 % au domicile du patient), contre 22 % à l’hôpital ou un établissement de soins (12 % publics, 6 % privés et 4 % ailleurs). Des chiffres en partie « faussés », pour le Dr Avrane en raison de la gestion interne de l’hôpital de ces incidents.
Si les médecins sont victimes de la grande majorité des incidents (88 % soit 1 397 praticiens), les collaborateurs le sont également, à 18 %.
· De quels incidents parle-t-on ?
Les incidents sont en grande partie des menaces ou des agressions verbales (73 %), des vols ou des tentatives de vols à égalité avec les agressions physiques (8 % chacun), ou encore du vandalisme à 7 %.
Chiffre alarmant : 26 médecins (2 %) ont été face à un agresseur armé (contre 19 en 2022) d’un couteau ou un cutter (6 cas), une bouteille en verre (4), un revolver ou une arme automatique (3) ou une canne, une chaise ou des outils (2 chacun).
L’objet des vols concerne les ordonnances ou les ordonnanciers, le tampon professionnel, le sac à main, le portefeuille, la carte professionnelle, l’argent ou la sacoche professionnelle.
Côté gravité des incidents, 6 % des incidents (97 personnes) ont occasionné une interruption de travail : inférieure à 3 jours dans 43 cas, entre 3 et 8 jours dans 23 cas et supérieure à 8 jours dans 21 cas.
· Pour quels motifs ?
Dans 38 % des cas, l’agression est relative à un reproche sur une prise en charge, à 19 % un refus de prescription (notamment d’arrêt de travail), à 12 % une falsification de document, à 10 % un temps d’attente jugé excessif, à 7 % un vol, à 3 % un refus de donner un rendez-vous ou de payer la consultation… À égalité avec l’absence de motif particulier.
· Qui sont les agresseurs ?
Dans la majorité des cas (62 %), le patient est identifié comme étant l’agresseur du médecin. Mais il peut aussi s’agir de la personne qui l’accompagne (16 %) ou d’une tierce personne, dont un membre de la famille (5 %). Dans 14 % des cas, le médecin ne se prononce pas et ne désigne pas son agresseur.
· Dans quels territoires ?
Par région, les praticiens victimes de violences se situent en majorité dans les Hauts-de-France (242 déclarations), en Paca (212), en Nouvelle Aquitaine (202) et en Île-de-France (193). Bref, « les régions où il y a beaucoup de médecins », note le Dr Avrane.
Au niveau départemental, ce sont les Bouches-du-Rhône à égalité avec le Nord (168), suivi de la Gironde (75) ou l’Isère (55). Mais le taux de victimisation par département est différent : le Cher (3,2 %), la Charente-Maritime (2,8 %), l’Aisne (2,5 %) ou encore la Loire (2,3 %) sont les plus visés par les agresseurs.
Il s’agit à 54 % d’incidents ayant eu lieu dans le centre-ville, où sont concentrés la plupart des médecins, note ici aussi le Dr Avrane. La ruralité est le théâtre d’agression dans 24 % des cas (en hausse de 3 %), la banlieue ou le périurbain à 18 %.
· Quelles suites sont données ?
Le Dr Avrane insiste sur l’importance que les médecins portent plainte, évoquant aussi le contexte favorable à des avancées législatives, sous réserve que les textes soient étudiés dans cette nouvelle législature. Pourtant, la majorité des praticiens n’a pas porté plainte en 2023 (62 %). Seuls 31 % l’ont fait et 7 % ont déposé une main courante.
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