Drôle de façon de commencer l'année ! Un patient délirant suite à la prise de toxiques a tenté de me poignarder le 2 janvier au matin dans mon cabinet à coups de couteau ainsi que sa mère qui me l'avait amené avant de se donner la mort après s'être porté des coups au cœur et tranché jugulaires et carotides devant moi et tous les nombreux patients de la salle d'attente (plus de 20 personnes, dont des enfants) !
Je dois remercier l'équipage de police secours arrivé sur les lieux pour son efficacité alors que le patient s'était caché derrière le cabinet encore vaillant (...! ) en plein délire de persécution. Il se disait « attaqué par les Russes » qui « voulaient le tuer » d'après les patients de la salle d’attente qui ont assisté à son délire. Tout s’est donc passé devant mon bureau de manière soudaine en fin de consultation, alors que le patient semblait apaisé par mes propos et mes conseils de se rendre immédiatement aux urgences psy de l’hôpital. Mais, lorsque sa mère a semblé avoir peur de sortir du cabinet avec lui, il a alors sorti un couteau et à commencé une auto- et hétéro-agression terrifiante. Il a fini par se donner la mort derrière le cabinet, devant la police arrivée sur place et moi-même alors que la policière l’exhortait à déposer son arme, en se plantant son couteau dans la carotide, ce qui a provoqué une hémorragie cataclysmique !
«Appel du "18" dans les dix minutes»
La prise en charge par les pompiers et le SMUR a été tout à fait conforme à un élément près. J'ai demandé auprès du "18" dans les dix minutes qui ont suivi l’agression une prise en charge des nombreux patients par l'unité psychologique du SAMU, car mes patients étaient très choqués par une telle scène relevant des pires scénarios de films d'épouvantes : beaucoup de sang sur les murs, le sol du cabinet (mon bureau, l’entrée, la salle d’attente ) et le passage public derrière le cabinet ou le patient s’est donné la mort. Les patients qui attendaient depuis plusieurs heures (jour de forte affluence) ont voulu -arrivé midi- rentrer chez eux (nombreux enfants en plus ), mais la seule prise en charge psy auprès d'eux a été celle faite par moi-même et deux courageux policiers de terrain qui sont venus rassurer les gens à la fin de leur intervention. En revanche,il n’y a pas eu d'arrivée de renfort pompiers pour mes patients, à l’exception d'un officier qui a passé beaucoup de temps avec son talkie walkie mais sans apporter quelque chose de très concret.
J'ai proposé aux patients de revenir à ma consultation de 16 heures pour traiter leurs pathologies (qui pouvaient être lourdes) et reparler de cet incident majeur, une façon de les prendre en charge psychologiquement. Quasiment tous sont revenus l'après-midi, ce qui m'a fait très plaisir, certains m'offrant un présent comme marque de reconnaissance pour les avoir aidés , soutenus et avoir évité un drame supplémentaire - en poussant l'agresseur dehors malgré son couteau - et en fermant à clé la salle d’attente pour les protéger (ils m'ont dit être fier de leur docteur !).
«Procédure ubuesque»
La seule aide proposée et mise en place par les pouvoirs publics pour mes patients à été la mise en place dans l'après-midi – après bien des concertations certainement – à l’hôpital d'une structure d’accueil avec 4 personnels psy au moins, où, bien sûr, personne n’est venu ! L'envoi très rapide de simples renforts de pompiers de terrain de la caserne proche pour discuter avec les gens plutôt qu'une cellule psy retranché dans les locaux de l’hôpital aurait constitué, à mon sens, une meilleure prise en charge.
Je tiens à rappeler que je suis moi-même toujours médecin pompier et ancien médecin de différents SMUR et services d’urgences (on devait, d’ailleurs, me remettre il y a un mois la médaille de mes 20 ans de service de médecin pompier). Je pense donc parler en connaissance de cause ! Cela est vraiment ubuesque et semble issu des différents délires protocolaires qui prévalent actuellement, laissant les acteurs de terrain (moi-même en particulier ) désemparés, alors que tous ces gens s'agitent au téléphone ou avec un talkie walkie. Je ne suis pas très content (ceci est un euphémisme) de l'attitude désinvolte, hautaine et très peu confraternelle de l'équipage SMUR intervenu, à qui j'ai reproché d'aller et venir en pataugeant dans le sang devant mon bureau sans me montrer la moindre marque de compassion alors que j’ai tout de même failli mourir ! Quand j"étais urgentiste, j'aurai eu honte d’avoir une attitude aussi peu confraternelle...
«Aucune aide proposée pour mes patients»
J'ai été, en revanche, touché du coup de fil sympathique du Dr X... du SAMU que je connais depuis longtemps et qui a su me comprendre et trouver les bons mots ! J’ai été seul dans mon cabinet à gérer tout cela alors que les hospitaliers – certes exposés – ne sont jamais seuls ! Aucune aide ne m'a été proposée par les services publics – en particulier les pompiers – pour remetttre en état mon cabinet et effacer la flaque de sang énorme sur un lieu de passage menant à des habitations derrière mon cabinet, ainsi que le sang sur la voiture de mon voisin. Cela a choqué tout le monde : voisins , passants, curieux, patients que les pompiers s’en aillent ainsi, alors que nous les voyons régulièrement effacer les traces des inondations... Une telle « boucherie » dans un lieu public ( mon cabinet ) et dans impasse ou il est situé ne nécessite pas d'aide apparemment et, avec un voisin courageux , nous avons nettoyé le sang dans mon cabinet et à l’extérieur pour remettre les lieux en état pour ma consultation de 16 heures (qui était destinée, je le rappelle, à la prise en charge des patients du matin). La victime, que je suis quelque part, s'est donc retrouvée à effacer le sang (après le passage de l'identité judiciaire bien sur )... C'est ubuesque en 2014, vous en conviendrez, je pense... J'ai même demandé dans ma déposition au commissariat que le Procureur ouvre une enquête pour ces manquements.
«Malgré cette journée éprouvante, je ne vais pas abandonner»
Anecdote comique dans ce morne tableau, un postier arrivé après le départ des secours pour livrer un colis m’a demandé si « des chasseurs de sanglier » étaient passés par là au vu du sang par terre... Je lui ai résumé l'histoire et il m'a dit que, finalement, chez les pompiers c'était comme à la Poste : « tout part en c... avec la mise aux norme modernes ! ». Il m'a dit que c'était vraiment choquant que les pompiers laissent un lieu public dans cet état, réflexion à laquelle je ne peux qu’acquiescer ! Mais c'est certainement mieux d'aller vider une cave après une inondation que d'aider un médecin et son voisinage choqués et désemparés.
Après 20 ans comme médecin pompier, je ne pensais pas en arriver là... Lors de mon engagement, j'étais fier de la solidarité et de l'humanité alors présente alors dans ce corps. Même réflexion pour les médecins urgentistes : jamais dans le passé, je n'aurai laissé un confrère ou un collègue pompier seul dans le désarroi ! Rassurez-vous, je remonte la pente et ce courrier quelque peu « vindicatif » y participe... J'espère que cela fera réfléchir sur la prise en charge d’un tel drame (au sommet de la hiérarchie des pompiers en particulier) qui doit dépasser le cadre strict « protocolisé » de l'intervention pour prendre en compte l'humain, ce que nous généralistes de terrain savons encore faire. Je suis fier d'être proche de mes patients et de pouvoir rester humain dans ce monde froid des « procédures » . Je ne vais finalement pas abandonner le métier malgré cette journée éprouvante !
Bonne nouvelle, cependant, cinq jours après les faits, la hiérarchie des pompiers du Vaucluse a tenu à me faire part de sa compassion pour les événements particulièrement traumatisants dont j’ai été témoin ainsi que mes patients. L’un d’eux m’assurant de tout son soutien, regrette ainsi de ne pas avoir été informé en temps réel pour pouvoir prendre en compte la situation d’une autre manière dans la suite de cet événement.»
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