Mise en place il y a un an, la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a présenté ce jeudi 31 mars ses conclusions intermédiaires. Pour venir en aide aux 160 000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles, la Ciivise formule vingt préconisations autour de quatre axes : le repérage des enfants victimes, le traitement judiciaire des violences sexuelles, la réparation et la prévention de ces violences.
Pour le repérage, la commission préconise ainsi la mise en place du repérage systématique, tout professionnel en lien avec l’enfant devant poser la question de l’existence de violences sexuelles sans attendre que l’enfant en parle de lui-même. Un repérage systématique qui appelle aussi à une formation des professionnels et leur protection.
La Ciivise estime aussi que si la société attend des professionnels, parmi lesquels les médecins, qu’ils renforcent leurs pratiques professionnelles protectrices cela sous-entend de leur donner les moyens de le faire.
« Sans infirmiers, sans médecins dans les hôpitaux et les écoles, sans assistants sociaux scolaires, sans magistrats, sans policiers et gendarmes en nombre suffisant, la chaîne de la protection est rompue », écrit la Ciivise.
Clarifier l'obligation de signalement
Le rapport de la commission recommande également de renforcer l’obligation de signalement par les médecins en la clarifiant. En effet, en 2014 la Haute Autorité de santé (HAS) expliquait que les médecins « font partie des acteurs de proximité les plus à même de reconnaître les signes évocateurs d’une maltraitance sexuelle ainsi que les situations à risque ». Pourtant à peine 5 % des signalements pour maltraitance des enfants provenaient du secteur médical.
Cette réalité tient pour la Ciivise « au manque d’accompagnement des médecins et à l’absence de structure de conseil des professionnels », mais aussi « au secret médical et aux insuffisances du cadre juridique qui le régit ».
La Ciivise rappelle donc qu’il existe des exceptions au principe de secret médical. Tout d’abord l’obligation d’intervenir pour le professionnel de santé lorsqu’il a la possibilité d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle de l’enfant ou de porter assistance à un enfant en péril.
« Dans un tel cas, ne pas intervenir est un délit, délit communément appelé délit de « non-assistance à personne en danger » et le médecin ne peut se retrancher derrière le secret professionnel pour justifier son inaction », souligne la Ciivise.
Idem pour la non-révélation de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger notamment en raison de son âge.
Enfin le Code de la santé publique donne la possibilité aux médecins de signaler aux autorités administratives ces violences pour un mineur. « La clause de conscience » lui permet d’apprécier s’il estime devoir effectuer ou non un signalement au procureur de la République.
Même si l’obligation de signalement fait l’objet de discussions, la Ciivise souligne que les violences sexuelles faites aux enfants et notamment l’inceste « font l’objet d’une sous-révélation massive » et que l’obligation de signalement « clarifie les responsabilités des médecins face à des situations complexes et anxiogènes ».
Protéger les médecins qui signalent
En effet, certains professionnels de santé ont pu s’exposer à des sanctions disciplinaires, à l’image du cas de la pédopsychiatre Eugénie Izard. Elle avait été condamnée par l’ordre des médecins en décembre 2020 après avoir signalé des maltraitances sur une enfant.
« L’obligation de signalement que la commission préconise d’établir clairement à l’égard des médecins doit s’accompagner de dispositions garantissant la sécurité juridique des praticiens. C’est une juste contrepartie de l’exigence d’une pratique professionnelle plus protectrice », explique donc la Ciivise. La commission « estime devoir prévenir la possibilité d’une instrumentalisation de cette procédure pour nuire aux médecins qui signalent des situations de danger pour garantir la protection des enfants », ajoute-t-elle.
La préconisation 5 du rapport est donc de « suspendre les poursuites disciplinaires à l’encontre des médecins protecteurs qui effectuent des signalements pendant la durée de l’enquête pénale pour violences sexuelles contre un enfant ».
Par ailleurs, concernant la réparation par le soin des victimes, le rapport appelle à garantir des soins spécialisés en psychotrauma aux enfants victimes et aux adultes qu’ils deviennent. Aujourd’hui, alors même que les troubles psycho-traumatiques se retrouvent chez 100 % des victimes, seule une sur deux a bénéficié d’un suivi médical et 8,5 % de soins spécialisés en psychotrauma, révèle le rapport.
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