Revue de presse

La presse grand public souligne la maladresse de Touraine et le malaise des généralistes

Publié le 25/12/2014

Crédit photo : IAN HOOTON/SPL/PHANIE

Des premiers appels à la grève, en octobre dernier, à la mobilisation sur le terrain, aujourd’hui, Le Généraliste n’a pas manqué de relayer le mouvement des généralistes. Le voilà rejoint, depuis quelques jours, par la presse d’information générale. Qu’elle soit nationale ou régionale, elle aussi se fait l’écho de la grève des médecins. Souvent sur un registre pratique pour aider les patients. Mais parfois aussi en prenant position. Sans passer en revue tous les articles parus sur le sujet, voici une idée de sa perception du mouvement, à partir d’une - petite - sélection d'articles.

La presse régionale en parle

Dès lundi, jour d’action des urgentistes, la santé apparaissait dans les pages des quotidiens. Peut-être parce qu'is sont plus près du terrain, les titres de presse régionale ont été les premiers à parler de la grève des médecins libéraux. Dans l'Alsace.fr Laurent Bodin a consacré son éditorial au « malaise réeel de la médecine de ville ». Et d'une certaine façon, il compatit avec les grévistes : « sachant combien l'Etat est mauvais payeur, on comprend pourquoi les médecins généralistes refusent le tiers payant obligatoire.» Dans La Montagne, son confrère François Camus est plus distancié. Mais il concède que « la réforme de la santé constitue un exemple symptomatique de dossier mal mené. »

Le Figaro donne la parole aux Français

Pour sa part, Le Figaro a publié  les résultats d’une étude Opinion-Way selon laquelle près des deux tiers des Français comprennent la grève des médecins et urgentistes. Il apparaît également que près d’un Français sur deux (52 %) adhère à la hausse de 2 euros des tarifs de consultation. Rien ne dit, cependant, si cette revalorisation concernerait l’ensemble des spécialistes ou seulement les généralistes… Il n’en reste pas moins que ce dernier point est précisément abordé par Gérard Bapt. Interviewé par ce journal d’opposition, le député PS de Haute-Garonne affirme qu’il faut « rouvrir les discussions sur les tarifs des généralistes ». Le rapporteur du budget de la Sécurité sociale ne manque pas, à cette occasion, de faire une lecture critique du projet de loi santé. Texte dépourvu de « la marque du praticien » et dont l’élaboration a, d’après lui, connu « un problème de méthode ». Parmi les mesures qu’il détaille, le tiers payant intégral qui doit, selon lui, « avancer sur la base du volontariat ».

Traitement évidemment différent dans les colonnes de Libération. « Une erreur médicale » estime Libé mardi, dans un jeu de ces jeux de mots que le journal affectionne, à propos de la grève. Le quotidien fait intervenir Didier Tabuteau, responsable de la chair santé de Sciences-Po Paris. Interrogé à propos du tiers payant, il considère qu’au delà d’une mesure « favorable à l’accès aux soins des personnes modestes », il s’agit également d’une « mesure de rationalisation des systèmes de soins, avec un rééquilibrage entre la ville et l’hôpital ». Pour autant, cet ancien directeur de cabinet de Martine Aubry estime qu’il faut prendre les choses au sérieux : si la « crainte centenaire des médecins d’être asservis par les pouvoirs publics » peut faire sourire, elle « est là, elle existe et les pouvoirs publics doivent donner des garanties pour lever cette peur symbolique ». Jugeant les arguments techniques compréhensibles, il réfute en revanche l’idée de dévalorisation de l’acte qu’induirait la gratuité. « Argument respectable, mais, à l’hôpital, les actes ne sont pourtant pas dévalorisés ».

Libé soutient Touraine, pas les médecins

Sans écarter maladresse du gouvernement, problème de calendrier ou de méthode, Laurent Joffrin considère que « les réformes prévues par Marisol Touraine vont dans le bon sens ». Et le patron de la rédaction de Libération de rappeler, en ce sens, que le tiers payant généralisé est déjà en vigueur dans 25 pays d’Europe, la Finlande et la République Tchèque étant nos seuls voisins réfractaires. Pour l’éditorialiste, il facilitera la prévention et, par là, génèrera des économies. S’agissant du "service territorial de santé au public", il voit là la possibilité d’une « meilleure coordination de l’action médicale sur un même territoire » qui « n’a rien à voir avec une quelconque ‘étatisation’ ». Et de conclure en s’interrogeant sur l’existence, « derrière la protestation, d’autres demandes, d’une nature sonnante et trébuchante »...

Pour sa part, Dominique Seux a consacré son "edito éco" sur France Inter le 23 décembre à la question du tiers payant généralisé... sans trancher vraiment sur l'intérêt de cette réforme. En revanche, le journaliste des Echos se montre compréhensif vis-à-vis des médecins généralistes en colère : « la France se moque ouvertement d'eux : le tarif d'une consultation, après 10 ans d'étude est au niveau du prix d'une coupe de cheveux pour homme à Paris. »

Le Monde, compréhensif vis-à-vis des grévistes

Le Monde suit également le mouvement des professionnels de santé, données, visualisation et témoignages à l’appui sur son site internet. On notera notamment qu'en début de semaine, le mouvement des médecins libéraux a fait la Une du journal. Et surtout, un éditorial, diffusé au lendemain de Noël mérite l'attention. Le journal s'y montre compréhensif comme rarement vis-à-vis des libéraux de santé, relevant en particulier "l'inquiétude d'une profession qui ne sait plus très bien quel rôle les pouvoirs publics souhaitent lui voir jouer dans le système de santé." L'édito du Monde pointe comme une maladresse le fait pour Marisol Touraine d'avoir donné priorité aux urgentistes hospitaliers : "à trop privilégier l'hôpital public, Mme Touraine donne aux médecins libéraux le sentiment d'un deux poids deux mesures, en leur faisant porter une large part des efforts de rigueur." Même sur le tiers payant généralisé dont le journal défend pourtant le principe, il juge légitime que les médecins libéraux obtiennent des garanties.

Dans son édition datée du 24 décembre, le quotidien du soir donne sur le sujet la parole à Alain Grand, professeur à la faculté de médecine de Toulouse, et Étienne Caniard, président de la Mutualité Française. Tous deux s’accordent à dire que le mouvement actuel des médecins traduit un malaise profond de la profession. Le premier lit le projet de loi de santé dans un contexte de dérapage des dépenses publiques de santé et de leur nécessaire maîtrise. Pour Alain Grand, les pouvoirs publics tentent de contraindre « des dépenses dont la croissance paraît toutefois inéluctable », multipliant à cet effet des « mesures qui portent sur l’offre de soins et qui suscitent l’irritation grandissante des professionnels ». Il voit une traduction de ces mesures tarifaires dans la « contention de l’offre » : le numerus clausus, en d’autres termes. Selon lui, « l’application sans faille du numerus clausus s’est traduite par une stabilisation et même une légère régression de la densité médicale ». Ainsi, il considère que « la généralisation du tiers payant (…) risque donc de se révéler inopérante si rien n’est fait pour améliorer l’accès aux soins qui se dégrade chaque jour davantage : délais excessifs d’attente pour les consultations médicales, dépassements d’honoraires prohibitifs, saturation des urgences, renoncement aux soins ». En somme, outre la rémunération des actes et la généralisation du tiers payant, le débat public devrait porter sur les moyens de pallier au « rationnement des soins induit par la raréfaction de la ressource médicale ».

Étienne Caniar pour sa part, revient sur « trois dispositions de cette loi qui cristallise les critiques » (service territorial de santé au public, encadrement des pratiques tarifaires dans le service public hospitalier ouvert aux établissements privés et tiers payant). Trois dispositions qui, d’après lui, « visent à lutter contre les renoncements aux soins, qui n’ont jamais été aussi élevés : 26 % de nos concitoyens ». Sur le tiers payant, Étienne Caniard affirme que l’opposition à cette mesure doit être lue comme soulevant la question de la rémunération des praticiens. À cet égard, il suggère une révision du dispositif conventionnel. Pointant également un défaut d’organisation du système de santé, il affirme qu’ « aucune solution n’émergera si l’État, après avoir fixé les objectifs et les résultats à atteindre, ne fait pas confiance aux acteurs »  

 


Luce Burnod

Source : lequotidiendumedecin.fr