Il était attendu comme le beaujolais, il est enfin arrivé, plus beau, plus simple d’utilisation, bientôt consultable sur une application mobile. Les mots-clefs du nouveau DMP sont : qualité, prévention, coordination, continuité des soins ; Partage entre professionnels de santé de l’information sur un patient.
Y a-t-il un pilote dans l'avion ?
Pour ceux qui veulent comparer, on dirait qu’il ressemble au tableau de bord du cockpit d’un A380 avec tous ses outils, à la différence près que, dans le DMP, les outils sont des boîtes à chaussures que l’on va pouvoir remplir, ici avec les résumés de consultation, là avec une accumulation de biologies ou autres. Avec la différence majeure que sur un A380, chaque outil est relié avec les autres par des connexions pour être utile ; là, dans le DMP, les documents déposés sont reliés avec rien.
C’est un peu comme si sur un A380, il y avait un outil indiquant les coordonnées de position de l’avion relié à rien, et qu’on demandait au pilote de sortir sa calculette pour savoir à quelle distance et temps il est du point d’atterrissage. Versus DMP, comment calculer rapidement donc simplement le nombre d’épisodes bronchitiques dans l’année, quand le premier épisode a été renseigné par le médecin traitant, le deuxième par son pneumologue, le troisième par le médecin de garde, et le quatrième par le médecin du lieu de vacances ? Avec chaque élément dans une boîte différente.
Comment analyser facilement les périodes de FA d’un patient si le médecin n’a pas sous les yeux l’ensemble structuré de ce sous-problème ? Comment suivre l’évolution des facteurs de risque si on n’a pas un tableau sous les yeux ? Ce qui est utile et demande du temps à un PS, et qu’il ne fait pas par manque de temps ou d’information, ne doit-il pas être automatisé sur le DMP ? À quoi sert donc la puissance de l’outil informatique ? Bien sûr, ces synthèses de données ne servent à rien.
Il est à croire que les maîtres d’ouvrage du DMP qui agissent au nom des professionnels de santé, n’ont jamais utilisé d’ordinateur, qu’ils sont incapables de faire la différence entre les possibilités extraordinaires de l’informatique et celles du papier, puisque le DMP proposé n’est rien d’autre qu’une accumulation de documents papiers pdf-isés ou autres textes, consultables devant un écran ; au moins, avec le papier, on peut étaler devant soi 5 ou 6 documents en même temps pour les consulter plus facilement, pas avec un ordinateur (...).
Le DMP tel quel ne propose rien
Dossier, Personnel, Patient ; maintenant Partagé, centré sur le patient ; vaste débat. Mais qu’est ce qu’un DMP-patient ? C’est une fenêtre permettant de visualiser de la naissance à la mort, un aperçu collaboratif de l’histoire passée et présente d’un patient (et un peu de ses proches), couplée à un projet de soins non uniquement médical strict, le tout interconnecté aux différents intervenants pluridisciplinaires qui interviennent au niveau de ce qu’on appelle sa sphère médico-psycho-sociale. Ce ne devrait pas être un dossier partagé au sens actuel de deversware, mais un dossier de Collaboration, un DMC pluridisciplinaire qui propose mais surtout permet la visualisation des différents points de vue nécessaires aux besoins déterminés par chaque intervenant ; le DMP actuel ne propose rien, sauf la facile consultation (car en haut d’une pile de documents) des derniers dépôts au seul format texte rangés dans des boîtes à chaussures ; c’est exactement ce que j’avais quand je me suis installé, quel progrès !
Le triomphe de l'absurdité
Propose-t-on à un pilote d’A380 d’avoir à gérer en même temps deux tableaux de bord, un personnel à l’image du LGCM, et un de coordination à l’image du DMP pour augmenter la sécurité des passagers ? Absurde, non ? N’est-il pas plus simple et souhaitable de n’avoir qu’une seule interface qui puiserait à la fois dans le LGCM (avec écriture dans le LGCM et copie à valider dans le DMP) et dans le DMP (avec possibilité de rapatrier à la demande dans le LGCM pour usage hors connexion) ? Le DMP se présenterait alors comment ? Avec plusieurs interfaces pour satisfaire tous les goûts. Arrêtons-nous à une forme graphique.
Les maîtres d’ouvrage ont-ils déjà ouvert des revues d’histoire, modernes ? Lorsque l’on parle d’un sujet, il existe souvent en préface une ligne qui dessine la période étudiée, par exemple, début et fin du règne de Louis XVI avec signets datés indiquant les éléments marquants le long de cette ligne. Le dossier patient ne devrait-il pas s’inspirer d’un tel modèle ?
L’ouverture du dossier du patient se ferait alors sur le LGCM hors carte Vitale, couplé au DMP en présence de la carte Vitale, à la manière des superpositions des calques des logiciels de retouche de photos et s’ouvrant sur le présent « élargi » sous forme d’une ligne datée avec des étiquettes indiquant les événements récents ayant eu lieu, et futurs prévus. Un zoom devrait décomposer cette ligne en autant de lignes que de problèmes actuels, à la manière d’un outil carte géographique tel que Maps. Une flèche de retour en arrière ne devrait-elle pas permettre de dérouler le passé, permettant de voir tous les problèmes passés ou persistants, comme on déroule un parchemin ? Un clic gauche sur une ligne problème (zoom) ne devrait-il pas permettre de le voir plus précisément ? Un clic gauche sur une étiquette « traitement » d’un problème à une date donnée, ne devrait-il pas afficher le traitement en rapport avec ce problème, un clic droit permettre d’afficher par choix multiples, par exemple le traitement total en cours sur tous les problèmes ? Ou les modifications de traitements (molécules ou posologies) avec le temps ? Un clic droit sur une molécule ne devrait-il pas permettre de sélectionner différentes possibilités, par exemple, l’affichage sous forme de ligne, de la durée de traitement, ou la dose cumulative administrée ? Un clic gauche sur INR afficherait la valeur de l’INR à la date sélectionnée, un clic droit sur INR permettant d’afficher la courbe d’INR dans le temps. Trop compliqué ? Sauf que ça existe partout hors milieu médical, et le DMP n’en prend pas le chemin.
Un empilage de bazar
Les maîtres d’ouvrage n’ont-ils jamais fait d’achat sur un site de vente en ligne ? Les objets à vendre sont-ils empilés comme dans un bazar, les uns sur les autres, seuls ceux qui sont au dessus étant facilement accessibles ? Ou bien existe-t-il des « masques » de sélection qui permettent de n’afficher que ce que l’on recherche ?
Par exemple, la courbe de l’HbA1c (avec des couleurs différentes des points pour les valeurs lorsque les normes ne sont pas les mêmes), le traitement en cours, la liste des actes prévus ou à prévoir, etc. permettant non seulement de voir le seul dernier résultat, mais l’ensemble de toutes les valeurs sur une période déterminée. Croire que le seul dernier examen est utile à l’intervenant consultant le DMP témoigne d’une absolue incompétence sur la capacité de demande de programmation d’un outil de gestion des connaissances que l’on a besoin de savoir sur un patient.
Croire qu’il suffit de regarder les trois derniers examens de biologie pour avoir par exemple les trois derniers INR, c’est croire qu’un patient dans sa globalité se résume aux trois derniers papiers qui ont été déposés sur le DMP ; c’est croire à l’outil DMP magique qui délivre tout comme un ministre, capable de disserter et de faire des citations sur un livre qu’il n’a jamais lu. D’ailleurs, il existe une prise de conscience car le DMP met à disposition un outil qui permet de trouver rapidement ces trois valeurs. À l’image, en généalogie, de la consultation des tables décennales pour trouver la date de l’éventuel acte que l’on recherche dans les registres d’état civil. Donc, mise à disposition sur le DMP des historiques de remboursements des actes par les caisses ; ainsi, en consultant le listing de biologie, on peut retrouver relativement facilement les 3 dates recherchées, pour ouvrir sans erreur les 3 seuls pdf qui contiennent ce que l’on recherche ; et là, je dis chapeau bas pour la mise à disposition de ce seul et très utile outil de recherche pour faciliter l’obtention d’informations pertinentes par un intervenant, sur le DMP, cette résurrection d’une méthode qui date seulement de l’an I de la république ; un DMP révolutionnaire, pourrait-on dire !
Ces considérations prouvent que les données patients accumulées sous forme de papiers à l’ancienne, sauf visualisables sur écran, mais non déposées sous forme de données structurées permettant au logiciel de gestion de les retrouver, de les associer pour faire des calculs ou des courbes, etc. sont totalement inutilisables dans une perspective d’un travail collaboratif de qualité orienté présent et avenir du patient, sauf à se limiter à la consultation du seul dernier examen pour calculer la date du prochain et ainsi offrir des économies énormes à dame Sécu ; triste vision politique des besoins en termes de qualité, des utilisateurs du DMP.
Une " collaboration " avec le patient
L’intérêt du patient centré sur lui-même n’est-il pas son futur ? Et le futur d’un diabétique, par exemple, ne doit-il pas être modélisé médicalement parlant, avec un protocole de prise en charge selon les référentiels actuels ? Le DMP d’un patient ne devrait-il pas alors être structuré en accord avec le patient autour du ou des protocoles nécessaires à sa prise en charge, tant en préventif qu’en curatif, et surtout, avec mise à disposition des outils qui permettent de les utiliser ? Ce DMP vraiment innovant alors ne serait-il pas alors une porte ouverte à la discussion d’un plan de vaccinations avec les parents, permettant de modifier l’avis des opposants, sans devoir recourir à l’obligation, qui ne sera jamais réalisée en réalité. Un nouveau « problème » tel qu’une grossesse ne doit-il pas être géré comme une IAM, avec modification du protocole « diabète » en un nouveau protocole « diabète sur grossesse » dont la nouvelle trame serait poussée, soit par le DMP, soit par le LGCM, ou le professionnel de santé en cas de défaillance de ces deux outils ?
Un concept d'un autre temps
Il est prévu aussi de déverser sur le DMP la synthèse annuelle faite par le médecin traitant ; cela n’est-il pas, dans une société devenue informatique, un concept d’un autre temps ? Un urgentiste perdra-t-il son temps à consulter ce papier vieux de 6 mois, alors que le patient qui est entre ses mains a fait un infarctus du myocarde il y a 3 mois, et que cela n’y est pas indiqué, encore moins le traitement en rapport ? Un masque informatique, reprenant les données pertinentes (selon les besoins de chacun) en temps réel n’est-il pas préférable ? La date du dernier vaccin utile à connaître par l’intervenant serait en permanence sur ce document en temps réel ; le traitement en cours aussi ; les résultats des derniers examens pertinents aussi ; le projet thérapeutique accepté par le patient, colonne vertébrale du DMP, se réactualiserait aussi spontanément au fur et à mesure des inscriptions ou modifications dans le DMP. Pour connaître le dernier statut vaccinal anti-tétanique du patient, l’urgentiste dont le temps est limité, doit-il perdre son temps à aller fouiller sur un carnet de vaccinations, puisqu’il ne consultera pas la synthèse annuelle pour les raisons déjà évoquées ?
Un rafistolage de plus…
Pour finir, puisque le DMP est accessible aux patients, pourquoi ne pas leur permettre de remplir eux-mêmes des informations comme leurs adresses et métiers successifs avec dates, ou autres à la demande d’un PS apportant un plus parfois ignoré des soignants ? Hélas, avec le lancement de ce DMP rafistolé, avec toujours seulement un déversement de documents sans le moindre début de structuration des données permettant une utilisation de la puissance informatique, après 12 ans d’échecs déjà, il faut s’attendre à un nouvel échec pendant encore au moins 10 ans en pur gaspillage. Pas grave, on accusera encore les médecins.
Vous aussi, vous voulez réagir à l’actualité médicale ? Adressez-nous vos courriers accompagnés de vos nom, prénom et lieu d’exercice à redaction@legeneraliste.fr
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre
Mélanie Heard (Terra Nova) : « Une adhésion massive des femmes à Kamala Harris pour le droit à l’avortement »
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique