Trois façons de faire de la médecine
Publié le 26/10/2018
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Je me souviens…
Son nourrisson avait du mal à s’endormir ; alors, elle est allée voir son généraliste qui a prescrit du sirop NOPRON. La maman me dit :
- « Je lui en ai donné une fois, c’était pire que tout, il n’a pas dormi de la nuit !
Alors, je suis allé voir le pédiatre, qui m’a dit qu’il n’avait rien, qu’il n’avait besoin de rien, que c’est moi qui devrait prendre un somnifère (1) !
Du coup, je suis allé voir l’homéopathe, qui m’a écouté, qui a prescrit des granules, et depuis Paul dort très bien ».
- « Me permettez-vous de vous expliquer ce qui s’est passé ? »
- « Oui »
- « Si je me trompe, vous m’interrompez tout de suite. Alors voilà. Le généraliste vous a donné du ‘pipi de chat’, mais pour vous, c’était de la chimie, potentiellement dangereuse, et après avoir donné le sirop, vous êtes resté à coté du bébé pour vérifier qu’il ne tombait pas brutalement dans le coma. Il s’est mis à pleurer, votre inquiétude a monté, puis il a hurlé et vous êtes restée à vouloir rassurer le bébé en lui transmettant de plus en plus votre inquiétude. »
- « Oui »
- « C’est vous, en fait, par votre présence, qui l’avez empêché de dormir ! Pour le pédiatre, vous avez eu l’impression qu’il se moquait de vous, que vous avez payé une consultation pour rien, et vous n’étiez pas contente ; effectivement, la médecine scientifique ne propose rien dans ces cas. »
- « Oui »
- « Enfin, avec l’homéopathie, vous avez mis une granule sous la langue, puis, comme vous savez que ça agit lentement, que ce n’est pas dangereux, vous avez éteint la lumière, vous avez fermé la porte, vous êtes allée faire votre vaisselle, puis 1/2 heure après, vous êtes allée voir discrètement : il dormait ! »
- « Exact !»
Tous les trois ont voulu transmettre le même message "Foutez-lui la paix pour qu’il dorme", mais chacun à sa manière, et au résultat différent ; trois manière non condamnable à condition de s’adapter à la culture du patient. On fait comment maintenant pour résoudre ce genre de problème ? Maintenant que la Sécurité sociale (pour ses besoins de petites mains) par les erreurs politiques nous a volé notre temps pour écouter les patients et trouver les bonnes paroles (thérapie cognitivo-comportementale) ; maintenant que l’on veut supprimer, voire interdire progressivement les placebos (qui agissent comme des ancres en hypnose, mais il faut apprendre à les utiliser pour éviter la chronicité de leur utilisation, alors que les seuls placebos restants le seront par « détournement » de produits actifs et dangereux) considérés comme une escroquerie. Alors que la médecine par les preuves n’apporte aucune solution sauf à sortir son facile joker, en adressant, dans le cas présent, l’enfant au pédopsychiatre et sa maman au psychiatre pour ce qui est un des objets majeurs de la médecine générale, à savoir la connaissance et la prise en compte de l’influence de la culture, des croyances & des habitudes comportementales des patients sur l’évolution des symptômes et des maladies, actuellement civilisationnelles ; ou en renvoyant les patients qui s’enfoncent dans l’auto-thérapie aux recettes proposées par les faiseurs de miracles en tout genre, afin de pouvoir garder sa bonne conscience sectaire.
Je me souviens d’une visite à domicile, appelé pour un nourrisson qui ne dormait plus et qui était, dans les bras de sa mère, pleurant. A la vue du nourrisson, je demande à la maman de poser le bébé dans son lit, et nous passons dans la pièce à coté pour qu’elle m’explique, tout en lui faisant remarquer à visée pédagogique que progressivement, le bébé ne pleurait plus. Maintenant que la Sécurité sociale interdit les visites à domicile, on fait comment pour savoir comment ça se passe, et comment montrer comment faire ? Le gamin, s’étant endormi, j’ai dit à la maman que je n’allais pas l’examiner - pour le laisser dormir - car de toute évidence, il se portait très bien. C’est à ce moment que le mari qui revenait du travail, est entré en faisant du bruit, et en réveillant le bébé qui s’est remis à pleurer. De façon désobligeante, il demande ce que je fais là, et fait cette sublime sortie à son épouse : « T’es sûr que c’est pas à cause du médecin que Paul est en train de pleurer ? » Lui aussi faisait partie du problème ; surtout lui.
(1) Si vous suivez bien, le très confraternel pédiatre élève le NOPRON au rang de somnifère, ce qui conforte volontairement la maman dans son idée péjorative sur les somnifères, tout en lui conseillant malhabilement de façon paradoxale d’en prendre un (une façon de se moquer d’elle, mais bien perçue par la maman), donc suggère que son généraliste est un homme dangereux, et qu’il vaut mieux venir le voir, lui ! La maman a changé de généraliste… et n’est pas retourné chez le pédiatre.
Dr Yves Adenis-Lamarre, Angoulême
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Source : lequotidiendumedecin.fr
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