PLFSS, ça coince chez les médecins libéraux

La convention reportée jusqu'en 2023, colère de la profession

Par
Publié le 27/10/2020
Article réservé aux abonnés
L'Assemblée nationale a voté en faveur du report de la convention médicale jusqu'au 31 mars 2023. Les syndicats dénoncent le mépris du gouvernement pour les affaires de la médecine de ville.
Olivier Véran, lors d'une séance nocturne sur le budget de la Sécu

Olivier Véran, lors d'une séance nocturne sur le budget de la Sécu
Crédit photo : sébastien toubon

C'est une mesure vécue comme une injustice par la médecine libérale. Alors que la convention actuelle devait arriver à son terme en 2021, un article adopté lors de l'examen du budget de la Sécurité sociale par les députés repousse son échéance jusqu'au 31 mars 2023, renvoyant loin la véritable négociation contractuelle sur les honoraires. 

« Si cette convention n’était pas prolongée, les syndicats participant aux prochaines négociations conventionnelles seraient désignés en fonction des dernières élections aux URPS, et non sur celles des élections à venir en mars/avril 2021, ce qui poserait un réel problème de représentativité des signataires de la convention », a argumenté le Dr Thomas Mesnier, rapporteur général du PLFSS.

Pas de quoi convaincre les députés du groupe Les Républicains, qui ont reproché au gouvernement de vouloir reporter « aux calendes grecques » les revalorisations tarifaires tant attendues par les libéraux. De fait, c'est dans le cadre d'une nouvelle convention médicale que la profession négocie avec la CNAM les moyens pour réussir le virage ambulatoire et donc les tarifs et la nomenclature. Certes, un avenant est actuellement en discussion mais il ne devrait concerner que des hausses ciblées (visites, majorations de quelques spécialités cliniques, soins non programmés), Olivier Véran ayant écarté une augmentation de la consultation de référence.   

Délais indécents

« Pourquoi renvoyer à des délais indécents la revalorisation de la rémunération des généralistes comme des spécialistes dont certains des actes n’ont pas été augmentés depuis au moins 15 ans, a lancé Jean-Carles Grelier, député de la Sarthe (apparenté LR). Pourquoi cette reconnaissance à géométrie variable ? »

« Sept milliards d’euros pour l’hôpital et seulement 300 millions pour le système de soins de première de ligne. Il y a une iniquité de répartition des ressources ! », a jugé dans la même veine Thibault Bazin (LR, Meurthe-et-Moselle). Ce dernier a proposé un amendement pour avancer la date du report de la convention au 31 décembre 2021, « pour gagner quelques mois ». Le Dr Julien Borowczyk (LREM, Loire) a eu la même idée. « C’est un message fort à envoyer aux professionnels de santé de la ville, pour qui la convention est un moment important dans la gratification de leur activité », a-t-il alerté. Dans un autre amendement, le député du Rhône Cyrille Isaac-Sibille (MoDem) a suggéré la date du 1er septembre 2022. Tous ces amendements de compromis ont été rejetés à ce stade par Olivier Véran.

Toutefois, le ministre de la Santé s'est défendu de rester « les bras croisés en oubliant les libéraux ». Pour preuve, les négociations actuelles avec une enveloppe globale de 650 millions d’euros sur la table, a-t-il souligné. « 300 millions d’euros au titre des revalorisations pour améliorer la permanence des soins, développer les CPTS, la télémédecine, etc. Et 350 millions d’euros pour le numérique », a-t-il plaidé. Quant à l’idée d’avancer la date du report, réclamée par les syndicats, le ministre de la Santé n'a pas totalement fermé la porte. « D’ici à l’examen du PLFSS au Sénat, il n’est pas impossible de gagner quelques mois si on voit que les conditions sont réunies. Mais à ce stade, la date de 2023 paraît la plus adaptée ».

Rustines

En attendant d'y voir plus clair sur le calendrier, les syndicats n'ont pas caché leur colère. « C'est scandaleux, déplore le Dr Corinne Le Sauder, présidente de la Fédération des médecins de France (FMF). Au lieu de mettre des rustines sur le texte signé en 2016, il est urgent de repartir de zéro avec une nouvelle convention pour donner du souffle à la médecine libérale ».

La CSMF est également vent debout. « Les médecins libéraux doivent savoir que les actes médicaux ne vont pas bouger jusqu'en octobre 2023, déplore son président Jean-Paul Ortiz. C’est un choix politique clair qui est de soutenir l’hôpital public et de ne rien faire pour la médecine de ville. » Le Syndicat des médecins libéraux (SML) réclame un engagement préalable immédiat sur de nouvelles négociations tarifaires « dès le printemps 2021 ». « Il faut prendre date dès à présent, martèle le Dr Philippe Vermesch, président du syndicat. Car la rigueur budgétaire risque de s'imposer au détriment de la médecine de ville dans le prochain quinquennat. » 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin