En campagne électorale, les syndicats haussent le ton

Les négociations conventionnelles dans le dur

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Publié le 24/11/2020
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Alors que les partenaires conventionnels entament la dernière ligne droite des négociations, l'issue reste « incertaine », admet le directeur de CNAM. Les syndicats de médecins libéraux jugent les moyens très insuffisants et durcissent leurs discours.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Y aura-t-il un avenant pour Noël, à la hauteur des espoirs de la profession ?

L'hypothèse ne tient plus qu'à un fil. Entamées en septembre, les négociations entre l'Assurance-maladie et les cinq syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, FMF, SML, MG France et Le BLOC) entrent dans une phase décisive dans un climat de tension accrue.

De fait, le scepticisme domine sur la capacité de la caisse à trouver un accord majoritaire « à la fin de l'automne », comme l'avait demandé Olivier Véran. Ce round avec les seuls médecins – séparé de l'autre négociation en cours sur l'exercice coordonné dans un cadre interprofessionnel – vise à signer un avenant (n°9) à la convention autour des soins non programmés, de la télémédecine mais aussi d'aménagements tarifaires attendus (visites, spécialités cliniques, OPTAM). 

Cacahuètes

Las, après un démarrage plutôt serein, l’atmosphère s’est tendue entre les partenaires conventionnels au fil de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2021), que s’apprête à voter définitivement l’Assemblée nationale. Ce budget programme quelque 300 millions d'euros pour les rémunérations des soignants libéraux, bien loin des milliards accordés au secteur hospitalier dans le cadre du Ségur. Outre cette « disproportion » budgétaire hôpital/ville, ce texte a exaspéré les syndicats en prévoyant le report du terme de la convention actuelle jusqu’en 2023, au-delà de la présidentielle, renvoyant à trois ans minimum toute revalorisation d'ampleur, notamment sur la consultation de référence. 

Cette situation a conduit la CSMF à claquer la porte. « Au plus haut niveau, on nous avait promis qu’il y aurait de quoi signer un avenant très significatif, que ce serait le Ségur des libéraux. Mais avec le PLFSS, j’ai compris qu’on n'aurait rien. Cela ne sert à rien de se battre pour des cacahuètes », raconte, remonté, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, qui a quitté mi-octobre les négociations. Aujourd’hui, la Conf' invite toutes les autres organisations à l'imiter. « Le gouvernement méprise la médecine libérale. Je ne comprends pas ce que font encore les autres syndicats. En étant présents, ils cautionnent les faibles moyens octroyés par l’État », ajoute-t-il.

Postures

Mais à quatre mois des élections professionnelles aux URPS (du 31 mars au 7 avril 2021, NDLR), la stratégie de la CSMF est davantage perçue comme une « posture » par les autres syndicats. « L'appel de la CSMF ne change rien pour nous, évacue le Dr Corinne Le Sauder, président de la FMF. Chacun fait comme il le veut. Nous ne sommes pas spécialement prêts à signer car il n'y a pas assez de moyens. Mais a priori, nous irons jusqu'à la dernière séance de négociations. » Même analyse du côté du BLOC, majoritaire chez les praticiens de plateaux techniques lourds. « La CSMF nous a habitués depuis 30 ans à ce jeu, en négociant officiellement et officieusement. Et quand cela coince, ou en phase électorale, on dit que c’est la guerre », ironise le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC. Le chirurgien reconnaît néanmoins que cet avenant « fourre-tout » ne lui convient pas. « Nous attendons le texte final pour voir si nos propositions concernant notamment l'option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM) et son pendant pour les chirurgiens et obstétriciens (OPTAM-CO) sont prises en compte ».

Le SML veut deux milliards

Estimant que « le compte n'y est pas du tout », le SML réclame de son côté un investissement sur la médecine de ville d’« au moins deux milliards d’euros » et l’inscription d’un nouveau calendrier de négociation. Pour montrer sa détermination, la centrale du Dr Philippe Vermesch cherche à mobiliser les autres syndicats pour « dénoncer la convention actuelle » si aucun signal fort n’est donné. Une résiliation qui contraindrait l'Assurance-maladie à accélérer la relance d'une négociation sur tous les sujets. En attendant, le SML joue le jeu pour « ne pas laisser le champ libre à la caisse »… 

Pas en reste, MG France reconnaît que « plus on s’approche de la date des élections professionnelles, plus la signature d’un avenant est compliquée ». Son président, le Dr Jacques Battistoni, estime que plusieurs dossiers ne sont « pas mûrs » comme la valorisation de la prise en charge des soins non programmés. « Nous demandons à la CNAM de différer la conclusion d’un éventuel avenant après les élections professionnelles, avec cette fois des revalorisations substantielles, pour tenir compte de l’avis des électeurs », suggère le généraliste normand.

Thomas Fatome, directeur général de la CNAM admet que l'issue des négociations reste « incertaine » malgré les « avancées » sur les soins non programmés, les visites longues à domicile ou les revalorisations des psychiatres, pédiatres et gynécologues. « L'échéance des élections professionnelles ne nous simplifie pas la vie », confie le successeur de Nicolas Revel, face aux attentes de plus en plus fortes d'un secteur libéral au front dans la crise sanitaire.   

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin