C'est fait, l'avenant numéro 9 à la convention médicale de 2016, aussi considéré comme le Ségur de la médecine libérale, a été adoptée par une majorité de syndicats. Ce vendredi 30 juillet, MG France, la CSMF et Avenir Spé-Le BLOC ont paraphé le document, moins de 24 heures après avoir reçu les dernières propositions de la CNAM.
« Ces trois syndicats représentent près de 54 % des généralistes et 61 % des spécialistes. Nous avons donc une assise assez large qui donne de la force à cet avenant et à la mécanique conventionnelle », s'est félicité Thomas Fatôme, le directeur général de l'assurance-maladie, au sortir d'une réunion de signatures virtuelle. « C'est aussi la marque de la reconnaissance des autorités sanitaires à l'égard de la médecine de ville », très largement sollicitée pendant la crise sanitaire, a souligné Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins.
800 millions d'investissement
Le texte devrait entrer en vigueur à la fin du premier trimestre 2022, après publication d'un décret ad hoc au Journal Officiel et passé le délai de six mois réglementaire. Il acte pêle-mêle la revalorisation d'un certain nombre de spécialités, l'extension de la visite longue et complexe (VL) pour les généralistes, l'inscription dans le forfait structure de la participation des praticiens au Service d'accès aux soins (SAS) et assouplit le cadre du recours à la télémédecine. Au total, ces mesures représentent un effort de près de 800 millions d'euros par an dont 165 millions pour les généralistes, l'équivalent pour les spécialistes et 300 millions pour le numérique. « Un investissement significatif », a vanté Thomas Fatôme.
Les grands équilibres budgétaires de l'avenant 9
Des efforts non négligeables mais pas un Ségur
Il aura fallu « deux bonnes heures de débat » jeudi soir à l'état-major de MG France, majoritaire chez les généralistes, avant de se décider à signer l'avenant. Mais pour son président, le Dr Jacques Battistoni, les dernières propositions de la CNAM « donnent aux partenaires plus de liberté ». Le transfert dans le volet 2 du forfait structure des mesures relatives à la participation au SAS et à l'usage des nouveaux services numériques va dans le sens des revendications du syndicat monocatégoriel. « C'était notre ligne rouge et elle est levée », se félicite le praticien normand pour qui « il faut convaincre et non contraindre ».
À l’inverse, « il n'y a pas eu de débat » au sein du bureau d’Avenir Spé-LE BLOC, majoritaire chez les spécialistes, indique son président le Dr Patrick Gasser. Pas question pour autant de voir dans cet avenant un Ségur de la médecine libérale. « Ce n'est pas la panacée mais juste une main tendue », martèle le gastroentérologue nantais qui pense déjà à la future convention de 2023. « Il faudra commencer à y travailler dès septembre ! », prévient-il. Le syndicaliste, qui rapporte une « négociation difficile », salue tout de même un texte « qui rétablit l'équilibre » à la fois entre les spécialités − notamment s'agissant des mesures en faveur de disciplines cliniques en bas de l'échelle de rémunération − mais aussi avec les généralistes.
Du côté de la CSMF, troisième et dernier syndicat signataire, la décision a été prise tard dans la soirée de jeudi à l'issue de longs débats en interne. Si pour son président, le Dr Jean-Paul Ortiz, le texte n'est « pas à la hauteur des attentes des médecins libéraux », il consacre malgré tout « des efforts tarifaires non négligeables ». Le néphrologue de Cabestany déplore toutefois un système d'incitation trop timide pour investir le dossier médical partagé (DMP) et intégrer le Service d'accès aux soins (SAS). « On est loin d'un Ségur de la médecine libérale », fait à son tour remarquer le patron de la Conf' qui donne rendez-vous en 2023.
Pôle d'opposition libérale
En revanche, c'est la colère qui prime chez les non-signataires. Sur la forme d'abord, la Fédération des médecins de France (FMF) hurle au « déni de démocratie ». Les négociations ont en effet été menées tambour battant, en pleine période de vacances estivales et surtout, le texte final de l'avenant n'a été transmis aux syndicats qu'à peine 24 heures avant la réunion de signature. Impossible alors pour la FMF de réunir son bureau dans les temps. « On ne peut même pas dire qu'on ne signe pas car nous n'en avons pas le mandat », explique contrariée sa présidente, le Dr Corinne Le Sauder. Même si sur le fond, rien ne paraît satisfaire la généraliste du Loiret qui tance des « rustines financières » et un texte « complexe et qui manque de cohérence ».
Le compte n'y est pas non plus pour le Syndicat des médecins libéraux (SML). Le « chiffrage est optimiste », ironise son président le Dr Philippe Vermesch. Compte tenu des 100 millions d'euros fléchés vers les éditeurs de logiciel et au regard des estimations qui tablent sur un remplissage complet du forfait structure, l'effort total approcherait plutôt les 500 millions d'euros, évalue le stomatologue de Saint-Raphaël. Le SML demande pourtant un investissement annuel de 2 milliards d'euros, à la fois sur les actes mais aussi pour favoriser la coordination.
« Un euro investi pour l'hôpital doit engendrer un euro pour la médecine libérale », exhorte quant à lui le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S. Pour ce jeune syndicat devenu représentatif lors des dernières élections, la question de signer ou non ne s'est pas posée longtemps. Parapher le texte aurait conduit de fait à reconnaître la convention, or l'UFML-S a reçu le mandat inverse de ses adhérents. Bien au contraire, le généraliste de Fronton veut bousculer le calendrier conventionnel et engager des discussions « bien avant 2023 ».
Pour ce faire, il sera aidé des deux autres syndicats non-signataires. Les trois organisations envisagent en effet de se rapprocher dès la rentrée prochaine afin de former un « un grand pôle d'opposition libérale » et faire bouger les lignes syndicales. « La CSMF ne peut pas continuer à se revendiquer première force pluricatégorielle alors qu'elle a le stylo compulsif », raille le Dr Marty. Quant au SML, il épingle des signataires «complices de l’enfermement de la profession dans l’insuffisance tarifaire. »
Reste à savoir quelle forme prendra cette alliance hétéroclite. D'abord une « plateforme commune », explique prudemment le Dr Vermesch. Avant une fusion ? « Rien n’est exclu », prévient son collègue de Fronton.
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