Après quatre mois et 20 jours en tant que ministre déléguée à l'organisation territoriale et aux professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo a fait un rapide point d'étape, lors d'une rencontre organisée ce jeudi par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis), occasion pour elle de pousser les feux des délégations de tâches.
La décision de créer ce ministère, « qui n'existait pas avant », a été prise à la suite de la campagne présidentielle. « Il n'y a pas un jour où nous n'avons pas entendu ou rencontré une personne qui disait "je n'ai plus de médecin traitant, j'ai un rendez-vous dans près d'un an chez le spécialiste" », a confié Agnès Firmin le Bodo. D'où la « nouvelle » méthode de l'exécutif d'aller dénicher dans les territoires des solutions rapides et de construire « une boîte à outils », via les travaux du Conseil national de la refondation (CNR) santé. Des propositions seront déclinées en début d'année, une fois que tout aura été compilé par les agences régionales de santé (ARS), a précisé la ministre.
Mise en musique de l'accord du Clio
Parmi les solutions déjà connues, figurent bien les délégations de tâches, transferts d'actes, voire l'accès direct à d'autres professions de santé – dont les infirmiers ou les kinés. Le principe a fait l'objet d'un accord « très important » signé par les sept Ordres de santé, dont celui des médecins, se félicite Agnès Firmin le Bodo.
« Une fois que cela est signé, charge à chacun de le mettre en musique, ce n'est pas le plus facile, a concédé la pharmacienne du Havre. L'idée est de voir comment, dans le cadre d'un parcours coordonné, il peut y avoir une prise en charge du patient avec le médecin comme pierre angulaire du système, et un suivi du patient à partir d'une ordonnance. » Pour dégager du temps médical, la ministre a assuré que les médecins pourraient ne plus faire ou déléguer certains certificats. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit déjà une mesure en ce sens pour les certificats de décès.
La grève, pas très « populaire »
En revanche, Ségur refuse toujours en bloc toute forme de coercition, de régulation et d'obligation. « Quand on régule zéro, ça fait toujours zéro, ironise l'ex-députée de la Seine-Maritime, rappelant que 87 % du territoire est un désert médical. Mais ne pas vouloir l'obligation, ça ne veut pas dire qu'on n'a pas une certaine exigence. » D'où la logique répétée de « droits et devoirs », demandée aux médecins dans le cadre des négociations conventionnelles. « Nous avons une obligation partagée d'apporter des réponses aux besoins de santé, souligne la ministre déléguée. Il n'est pas acceptable que 657 000 Français sous ALD soient sans médecin traitant. » En tout cas, face à l'enjeu croissant des déserts médicaux, « les médecins ont le devoir de répondre », a-t-elle réaffirmé.
Quand à la grève qui mobilisera les cabinets de médecins libéraux les 1er et 2 décembre (pour peser notamment en faveur d'une consultation à 50 euros), la ministre en appelle « à la responsabilité de chacun ». « J'ai le souvenir de grèves de médecins pendant les vacances de Noël, je ne suis pas sûre que cela soit très populaire et que ce soit le bon moment, commente Agnès Firmin le Bodo. Je sens sur le terrain que le sentiment de nos concitoyens à l'égard des médecins commence à changer. »
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