Présidente du Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes depuis 2014 - mais aussi conseillère santé d’Emmanuel Macron aux côtés du Dr Braun pendant la campagne présidentielle -, Pascale Mathieu lance un plaidoyer pour réunir autour de la table tous les ordres des professions de santé. La kiné de Gironde - qui compte rapidement formuler des propositions au gouvernement aux côtés du président de l’Ordre des médecins - défend par ailleurs l’accès direct à sa profession mais sans jamais exclure le médecin traitant.
LE QUOTIDIEN : Quelle est votre position sur l’accès direct aux kinésithérapeutes, sans prescription médicale ?
PASCALE MATHIEU : Tout dépend de quoi on parle, car souvent le concept est mal compris ou mal perçu. Si c’est pour couper le patient de son médecin, ce n’est pas possible ! Mais si on imagine que - comme dans la majorité des pays - les kinés puissent recevoir directement des patients, mais qu’il y ait systématiquement un retour au médecin sous la forme d’une transmission automatique et d’un bilan versé au dossier médical, dans ce cas, oui, j’y suis favorable. L’idée serait par exemple de dire au médecin « j’ai reçu ce patient dans le cadre d’une lombalgie, il faudrait peut-être, conformément aux recommandations l’orienter vers une IRM ». Ce serait de l’accès direct plutôt dans une optique de triage. Et toujours dans le cadre d’un exercice coordonné. Il n’est pas du tout question de priver le médecin de la coordination, ce serait une très mauvaise chose pour le patient. Nous souhaitons aussi que le médecin continue à prescrire : l’accès direct ne veut pas dire la fin de la prescription médicale.
Le budget de la Sécu a justement introduit un accès direct au kinésithérapeute, dans le cadre d’une expérimentation. Où en est-on actuellement ?
Le décret a pris du retard et n’est toujours pas publié. Je veux rassurer tout le monde : un tiers des actes dans nos cabinets sont en lien avec une ALD, donc le diagnostic médical a déjà été fait. Pour le reste, concernant l’expérimentation de l’accès direct - qui doit durer trois ans -, je ne suis pas favorable à ce qu’il y a une restriction autour de certaines pathologies. Par contre, des négociations conventionnelles sont en cours entre les syndicats de kinésithérapeutes et l’Assurance-maladie, et je serais tout à fait favorable à conditionner le remboursement de ces consultations de kiné sans prescription à la production obligatoire d’un bilan. Il faut balayer devant notre porte : les kinés ne transmettent pas assez de bilans au médecin, c’est évident. C’est un élément essentiel de confiance et de relation privilégiée avec le praticien.
Vous avez rencontré, début juillet, le tout nouveau président de l’Ordre des médecins, le Dr François Arnault. Comment comptez-vous travailler ensemble ?
J’ai proposé à François Arnault que tous les ordres des professions de santé se mettent autour de la table, pour établir des propositions communes de coopération autour du patient. Nous sommes en cours de rédaction et il faut aller vite, le PLFSS, c’est demain, l’urgence pour les patients c’est aujourd’hui. Et on ne peut pas blâmer les médecins qui ont une charge mentale terrible et qui vivent une situation dramatique. Pendant des années, sans discernement parfois, on a voulu remédier au manque de médecins en proposant des missions aux pharmaciens ou aux infirmiers, mais il n’y a pas eu de vision concertée de qui devait faire quoi, et pourquoi. On déshabille les médecins pour leur redonner du temps, sans pour autant voir avec eux ce qui est le plus pertinent pour leur patient. Ils l’ont mal vécu, à raison, et senti que leur métier était dépouillé de sens.
Je crois que désormais il y a une volonté de tous les ordres de travailler ensemble, pour en finir avec des postures - parfois d’un autre âge - qui ne correspondent plus à notre époque de pénurie. Il faut que nous nous organisions pour savoir qui fait quoi sur le terrain, en coordination et en établissant une cartographie très fine de la démographie de tous les soignants. Toutes les professions de santé partagent les mêmes objectifs, et j’ai la conviction que les pouvoirs publics sont de plus en plus favorables à des orientations communes.
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