La pilule du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) ne passe décidément pas pour les représentants des médecins libéraux. Les syndicats représentatifs* et l'Ordre des médecins ont écrit ce mercredi une lettre – que « Le Quotidien » a pu consulter – à la présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, Catherine Deroche, pour exprimer leur colère face aux mesures contenues dans le prochain budget de la Sécu.
Ce dernier, examiné à partir de demain au Sénat, contient une série de délégations de tâches et d'accès direct à certaines professions paramédicales, dont les orthoptistes, les orthophonistes, les infirmiers en pratique avancée ou les masseurs-kinésithérapeutes, dans ses articles 40 et 41.
« Fermement opposés » à ces mesures, l'Ordre et les syndicats en demandent la suppression. Ils craignent en effet une prise en charge « déconnectée de tout diagnostic médical et de toute stratégie thérapeutique globale » qui conduira à « des retards de diagnostic et une perte de chance pour les patients ». « Expérimenter une médecine sans médecins ne peut être la solution aux difficultés démographiques actuelles et prévisibles depuis plus d’une décennie », martèlent-ils.
La lettre évoque également des dispositions « faussement rassurantes » lorsque celles-ci évoquent une simple expérimentation dans un cadre coordonné. « En quoi l’appartenance du professionnel de santé à une CPTS résout-elle la question de la perte de chance du patient qui accède directement à son cabinet, sans consultation médicale et sans lien avec le médecin ? », s'interrogent les signataires du texte, « surpris par cette volonté de légiférer dans l’urgence » alors que des organisations territoriales sont en cours de déploiement sur le terrain.
Concertation interpro
Syndicats et Ordre estiment par ailleurs que ces mesures accéléreraient « le cloisonnement des professionnels de santé dans la prise en charge des patients » et iraient « à l’opposé des mesures législatives relatives à la construction d’un parcours de soins coordonnés par le médecin ». « Elles rendent sans objet la notion même de médecin traitant et vident de leur sens les missions du médecin généraliste dans le code de la santé publique », pointent-ils.
Ils attendent au contraire du PLFSS que celui-ci propose des moyens « pour favoriser la coordination des prises en charge et notamment un modèle économique viable pour les infirmiers en pratique avancée ». « Nous avons beaucoup de mal à concevoir la mise en œuvre de la coordination des acteurs de terrain, toutes professions de santé confondues, et l’évolution des périmètres métiers sans une concertation préalable entre les Ordres, syndicats et conseils nationaux professionnels concernés », concluent les auteurs du texte, qui réclament donc cette concertation.
En plus de cette lettre ouverte et pour enfoncer le clou, le syndicat Avenir Spé-Le BLOC a annoncé qu'il ne participait plus à la vie conventionnelle à compter de ce mercredi et réclame « un Grenelle de la médecine libérale ».
La présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche, elle-même médecin cancérologue de formation, a indiqué au « Quotidien » qu'elle proposerait des amendements visant à encadrer rigoureusement ces mesures qui provoquent la colère de la profession.
*MG France, Avenir Spé-Le BLOC, FMF, UFML-Syndicat, CSMF, SML.
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